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30 mai 2013 4 30 /05 /mai /2013 16:30
Sonnets votifs (Ex-voto érotiques)

Ouvrage singulier que  cette édition bilingue des Sonetos votivos (Exvotos éroticos) de Tomás Segovia. Bilingue et trimétrique, si l’on permet ce néologisme, puisque les 50 sonetos de onze syllabes, pratiquement inusités dans la poésie française, sont doublement traduits en décasyllabes et alexandrins.  Cette contrainte formelle oblige les traducteurs, non pas à la trahison, mais à la transposition.

 

Traduction-transposition faite en plein accord avec l’auteur, bilingue lui-même puisqu’il avait fait une grande partie de ses études d’abord au lycée français de Madrid, puis à Paris et au Maroc côté protectorat français. Segovia n’ignorait rien des affres du traducteur puisqu’il fut accusé d’avoir trahi Lacan dans sa traduction des « Ecrits ». Il aimait la difficulté puisqu’il traduisit aussi Foucauld ou Derrida.

 

Autre singularité, cet exercice « technique, ludique et poétique » a été mené par quatre versificateurs – que dis-je ? poètes aussi - les vingt premiers par Jean-Jacques Pécassou et Louis Panabière, les trente derniers par Thomas Barège et Bernard Sicot. Bernard Sicot qui s’était déjà lancé dans ce difficile exercice de traduction en vers de Variations sur thème mexicain d’un autre exilé espagnol Luis Cernuda, ainsi que le Journal de Djelfa de Max Aub.

 

Rareté aussi – même si Victor Hugo, entre autres, a été un étonnant dessinateur – Tomás Segovia illustre trois poèmes de ses propres lithographies.

 

Quelques exemples montreront comment les contraintes que se sont données les auteurs – de nombre de syllabes selon les règles classiques, de rimes et pour l’alexandrin de césure médiane – amènent à deux versions légèrement divergentes du même texte :

 

Sin piedad empuňado y sacudido,

tu cuerpo gime, implora y desvaría

en el alto voltage de agonía

por mis dedos y labios inducido.

 

Sans piété empoigné et secoué,

Ton corps implore, délire et gémit

Sous le haut voltage de l’agonie

Par mes doigts et mes lèvres généré.

 

Sans aucune pitié empoigné et secoué,

Ton corps en gémissant, en implorant divague

Soumis à l’agonie du plus haut des voltages

Que mes lèvres et mes doigts lui ont communiqué.

Lithographie de T. Ségovia

Lithographie de T. Ségovia

Entre los tibios muslos te palpita

un negro corazón febril y hendido

de remoto y sonámbulo latido

que entre oscuras raíces se suscita ;

 

Entre tes cuisses tièdes, il palpite

Un cœur noir, profond, fébrile et parti,

Somnanbule au battement amorti

Par d’obscures racines qui l’abritent ;

 

Entre tes cuisses tièdes en sourdine palpite

Un cœur noir plein de fièvre et du déchirement

D’un ancien somnabule et vague battement

Qui d’obscures racines lui-même se suscite.

Sonnets votifs (Ex-voto érotiques)

y ofrecias sensual a mi porfía

la masa de las nalgas prodigiosa,

guiando mi mano hacia tu pubis rubio.

 

Et tu offrais, sensuelle, à mon assaut

La masse de tes fesses prodigieuse,

Guidant ma main vers ton pubis doré.

 

Et tu offrais sensuellement à mes efforts

La masse prodigieuse et dense de tes fesses

En conduisant ma main vers ton chaud pubis blond.

Sonnets votifs (Ex-voto érotiques)

De tu cuerpo arqueado de honda loba

penden tus pechos niňos, indefensa

su desnudez bajo la sombra immensa

de estaverdad abismalmente proba.

 

De ton corps arqué de louve rebelle

Pendent tes petits seins, et sans défense

Se tient leur nudité sous l’ombre immense

D’une probité abyssale et réelle.

 

De l’arc formé par ton corps de louve profonde

Pendent tes seins petits, offerts et sans défense

Dans leur totale nudité sous l’ombre immense

De cette vérité abyssalement probe.

 4ème de couverture

4ème de couverture

Sonnets votifs - Sonetos votivos
Ex-votos érotiques/exvotos eroticos


 

Tomàs Segovia

Tomás Segovia a très tôt attiré l’attention par sa façon d’aborder une thématique gênante pour la poésie en langue espagnole : l’érotisme. Non seulement parce qu’il le faisait d’une manière subtile, sans la misogynie en usage, au-delà du lieu commun et de la provocation, mais parce qu’il le faisait de l’intérieur même du langage, en incarnant l’expérience dans des mots. L’amour – ou l’une de ses particularités : l’érotisme – peut parfaitement constituer un axe thématique servant à saisir sa poésie lyrique, à l’ordonner, à composer des anthologies. C’est l’objet de ce livre, un sommet de la poésie amoureuse contemporaine. Dans les années 1970, les vingt premiers sonnets furent traduits en décasyllabes par Jean-Jacques Pécassou et en alexandrins par Louis Panabière, tous deux amis du poète. Le projet de publication n’ayant pu se concrétiser, Tomás Segovia confia en 2010 à Bernard Sicot et à Thomas Barège la traduction des trente sonnets suivants dans les mètres choisis par les premiers traducteurs. Au regard des hendécasyllabes originaux, cette poursuite de l’exercice de double traduction, conforme aux voeux de l’auteur, conserve à l’entreprise initiale son triple aspect, technique, ludique et poétique. Tomás Segovia (Valencia 1927 - Mexico 2011) et sa famille ont connu l’exil au Mexique après la guerre civile espagnole. Traducteur, essayiste, narrateur mais surtout poète de renommée internationale, publié à la fois au Mexique et en Espagne, traduit en plusieurs langues, il est titulaire des prix Octavio Paz (2000), Juan Rulfo (2005) et Federico García Lorca (2008).


Texte bilingue français / espagnol


Traduction de l’espagnol par Thomas Barège (maître de conférences, Université de Valenciennes), Louis Panabière († professeur, Université de Perpignan), Jean-Jacques Pécassou (professeur d’espagnol, ex-chargé de cours à l’Université de Toulouse-Le Mirail) et Bernard Sicot (professeur émérite, Université Paris Ouest).

 

Riveneuve éditions 12 € (peut être commandé par Internet à http://riveneuve.com/)

Tomàs Segovia

Tomàs Segovia

Pour compléter :

El escritor sin nostalgia

Diego Rivera

Diego Rivera

Un des sonnets.

 

XXVIII

 

 

Nunca estoy más fundido con tu vida,

más en la honda ruta en que perdido

sigo tu más recóndito latido,

que si cedes la grupa estremecida,

 

y en esa estrechez trémula y ceñida,

paciente, cuidadoso, conmovido,

me abro paso a tu túnel guarecido

mientras toda tú anhelas suspendida.

 

Y estoy entero en ese extremo mío

bajo tierra en tu fiebre sepultado,

semilla henchida de tu paroxismo;

 

y aguardo la avenida de tu río,

en tu mina más tórrida clavado,

vivo en el epicentro de tu sismo.

 

Je ne suis point dans ta vie plus ancré,

Plus sur la profonde route où, perdu,

Je suis ton battement le plus reclus,

Que si tu cèdes, la croupe ébranlée ;

 

Dans la tremblante étroitesse serrée,

Patient, attentionné aussi, ému,

Alors que tout ton souffle est suspendu

J’avance dans ton tunnel protégé.

 

Et je suis entier en mon logement

Sous la terre, inhumé dans ton frisson,

Semence gavée de ton paroxysme ;

 

Et je guette la crue de ton torrent,

Cloué dans ton plus torride filon,

Je vis à l’épicentre ton séisme.

                (TB)

 

Jamais je ne me sens plus fondu à ta vie,

Plus perdu sur la profonde route où chercher

Ton battement le plus secret, le plus caché,

Que lorsque tu me cèdes ta croupe qui frémit,

 

Et que ceint d’étroitesse et de ton tremblement,

Patient, précautionneux, saisi par l’émotion,

Je m’ouvre ton tunnel bravant sa protection

Pendant que tout ton être pris de désir attend.

 

C’est mon refuge extrême où je vis tout entier,

Tout entier sous la terre en ta fièvre inhumé,

Semence que tu gonfles au feu du paroxysme ;

 

Et j’attends la venue de ton fleuve gorgé,

Là où, cloué dans ta mine la plus torride,

Je vis à l’épicentre au plus fort séisme.

                                                              (BS)

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