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26 septembre 2017 2 26 /09 /septembre /2017 13:50
CATALOGNE : UN REFERENDUM NI TRANSPARENT NI CREDIBLE

Comme un réflexe pavlovien, référendum et indépendance : deux mots qui provoquent l’adhésion quasi religieuse à gauche. Surtout quand il s’agit de la Catalogne auréolée de souvenirs légendaires de la Guerre d’Espagne. Oubliant que si la majorité du peuple catalan s’est soulevée contre le putsch des généraux félons, la grande bourgeoisie, elle, le soutenait. Oubliant aussi que ce soulèvement se faisait au côté des autres républicains espagnols.

Alors que, comme le souligne le chanteur Joan Manuel Serrat, le scrutin indépendantiste du 1er octobre n’est ni transparent ni crédible. Imposé aux forceps par une majorité, qui ne représente que 47,7 % des voix, au parlement catalan, sans aucun effort de concertation avec les autres groupes de droite comme de gauche, il ne propose qu’un référendum entre le OUI et le OUI.

Boycotté par les autres partis, son résultat n’aura guère plus de valeur que le précédent référendum bidon d’Artur Mas du 9 novembre 2014. Mais il risque de nourrir un contentieux qui va pourrir la vie politique espagnole.

Et une proclamation unilatérale d’indépendance – là on comprend que tous les anti-européens s’en réjouissent – aurait des conséquences bien plus graves pour l’UE que le Brexit !

CATALOGNE : UN REFERENDUM NI TRANSPARENT NI CREDIBLE

El País, dans un dossier, dont vous ne trouverez qu’un aperçu ci-dessous, démonte les mythes et mensonges qui nourrissent l’indépendantisme catalan.

Mythes et mensonges de l’indépendantisme

10 affirmations avancées par les souverainistes catalan et qui ne sont pas vraies

L’indépendantisme catalan se fonde sur quelques affirmations catégoriques et répétées ad libitum. Cela va de légendes historiques (en 1714 une guerre de sécession se conclut par une Catalogne soumise) jusqu’à des divagations économiques (l’Espagne nous vole, hors d’Espagne nous serions plus riches). Tout cela est faux.

Il n’est pas certain, par exemple, au regard des traités européens, qu’une Catalogne indépendante intégrerait automatiquement l’Union européenne. Au contraire, elle risque fort d’être soumise à un périple institutionnel et international complet et hasardeux, avec l’ONU comme première étape. Pas certain non plus que voter soit toujours démocratique ou que le scrutin convoqué le 1er octobre (1-O) soit légal (il est illégal dans son contenu, par son traitement par le Parlement catalan et il viole plusieurs dispositions de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe). De même, la Catalogne ne pourrait se séparer légalement de l’Espagne en invoquant le droit à l’autodétermination, car ce droit est réservé aux « peuples soumis à une domination coloniale ». Et prétendre que la Constitution de 1978 est hostile aux catalans est faux.

1. LA GUERRE DE 1714 FUT DE “SECESSION”

La légende indépendantiste, basée sur la vieille historiographie romantique, prétend que la guerre de succession du début du XVIIIe siècle fut une guerre de sécession, d’indépendance de la Catalogne vis-à-vis de l’Espagne. Mais, à l’inverse des colonies américaines qui se libérèrent du joug britannique en 1773, la Catalogne fut soumise au joug espagnol.

 

Il n’en fut rien. Charles II L’ensorcelé étant mort sans descendance directe, deux candidats revendiquèrent la succession. Philippe V de Bourbon, petit-fils de Louis XIV et l’archiduc, Charles d’Autriche. Les Habsbourg comptaient sur l’appui de l’Angleterre (avec les Pays-Bas) qui ne voulait pas d’une hégémonie continentale des Bourbons. Au-delà de la querelle des candidats s’affrontaient déjà le libre-échangisme anglo-hollandais et le protectionnisme physiocrate français, le vague confédéralisme autrichien et le centralisme absolu du roi soleil…

En principe, Barcelone, mercantile, eût dû soutenir le Habsbourg. Mais, au départ, le Bourbon, habilement, sut leur faire miroiter la promesse de deux navires annuels pour les Amériques et surtout Barcelone port franc. Et cela devant le parlement (Cortes) catalan réuni en 1701 (il ne l’avait plus été depuis 1599) et en jurant sur des Constitutions datant du Moyen-Âge. Mais, poussé par le syndrome anti-français, dû à la récente annexion par la France de 1640 à 1652, ils changèrent de camp et rallièrent l’archiduc… qui les abandonna pour aller se faire couronner empereur à Vienne.

S’est donc déclenchée une guerre internationale, doublée d’une guerre civile, qui opposait les partisans du Bourbon à ceux du Habsbourg. Et une guerre civile dans la guerre civile opposant les classes aisées pro-bourbon, aux classes modestes, artisans et boutiquiers, formant une milice pro-Habsbourg et qui furent défaites à Barcelone. La fin de la guerre amorça la révolution économique de la Catalogne, agricole et marchande d’abord, pré-industrielle ensuite.

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Les pères de la Constitution de 1978 : parmi eux Miquel Roca, 1er à droite et Jordi Solé Tura, de dos, deux catalans.

2. LA CONSTITUTION DE 1978 EST HOSTILE AUX CATALANS

Les indépendantistes prétendent que la constitution de 1978 est hostile aux catalans. Et fort des 1,9 millions de voix obtenus aux élections régionales de 2015 par les indépendantistes, 47,7% des votants, veulent l’abroger. Mais la Constitution fut approuvée par 2,7 millions de catalans, 91,09% des votants.  

Et cette constitution est typique d’un état profondément décentralisé, bien plus proche du modèle fédéral allemand que de la centralisation française de l’époque. Ainsi l’article 2 garantit le droit à l’autonomie des nationalités et régions qui composent le pays. Les textes de 1978 et 1979, en ce qui concerne la Catalogne, se sont largement inspirés du statut de 1932, sous la République.

Et les catalans ont joué un rôle pivot dans la vie politique espagnole. Outre bien sûr le PS Catalan – autonome – appuyant Felipe González, les nationalistes modérés de la CiU ont voté quasiment toutes les lois importantes et ont appuyé des gouvernements du PSOE comme du PP.

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Carles Puigdemont, Président et Oriol Junqueras, vice-président de la Generalitat

3. L’AUTONOMIE A ÉCHOUÉ

Les indépendantistes disent que les presque 40 années d’autonomie se soldent par un échec, qu’il y a un processus d’étouffement et de recentralisation et donc qu’il faut dépasser l’autonomie pour aller à l’indépendance.

Le statut de 1979 a établi un système d’autogouvernement sans précédent dans l’histoire de l’Espagne. La reconnaissance officielle de la langue catalane a permis son notable rétablissement ; la responsabilité fiscale et la collecte des impôts sont partagés ; éducation et santé et pour une large part la police sont des compétences du gouvernement autonome. Et le statut de 2006, approuvé par les trois quarts des votants catalans, a encore élargi l’autogouvernement.

Certes, le PP, qui était contre, a essayé de le rogner. Mais certains comme la gauche catalane (ERC) ou la CUP sont mal venus de s’en plaindre qui, comme le PP, ont appelé à voter Non au référendum de 2006 !

"Il existe en Catalogne un nationalisme historique, porté par les élites bourgeoises. Mais maintenant il y a autre chose. Les classes populaires, avec CUP [Candidatura d’Unitat Popular, extrême gauche séparatiste], ne veulent pas connaître l’histoire de la Catalogne mais promouvoir un mouvement révolutionnaire. Le mouvement pour l’indépendance de la Catalogne a toutes les caractéristiques du populisme. Il s’est construit sur une dualité ami-ennemi, sur l’idée d’identité et avec des références vides."

José Luis Villacañas

4. L’ESPAGNE EST UN ÉTAT AUTORITAIRE

L’Espagne est une démocratie que toutes les institutions internationales reconnaissent comme garantissant les libertés fondamentales et les droits individuels et collectifs. L’état de Droit et la séparation des pouvoirs sont garantis par les tribunaux. Elle est signataire de toutes les conventions de l’ONU sur les droits de l’homme et les libertés politiques et civiques ; membre du Conseil de l’Europe elle adhère à ses conventions de protection des droits ; en tant que membre de l’UE elle a signé sa Charte des droits fondamentaux.

Ni le gouvernement de la Generalitat, ni aucune entité indépendantiste n'a déposé un quelconque recours auprès d’instances internationales pour dénoncer une quelconque violation des droits et l’État espagnol n’a jamais été cité et encore moins condamné pour ce type de faits.

Et le Haut commissariat de l’OSCE pour les droits des minorités s’est uniquement penché sur l’intégration des gitans, mais n’a formulé aucune remarque sur le respect des droits linguistiques des minorités.

5 L’ESPAGNE NOUS VOLE

C’est en 2012, du temps d’Artur Mas, que la Generalitat publia un calcul dont il ressortait que la Catalogne apportait 16,4 Milliards nets au budget commun, soit 8,4% du PIB catalan. Et l’ex-président Jordi Pujol d’arrondir à 9% en qualifiant cette contribution de spoliation.

Ce calcul est de la foutaise. Deux économistes catalans font état, pour 2015, d’un apport net au budget commun espagnol de 3,2 milliards, soit 1,6% du PIB.

En fait, la Catalogne contribue au budget commun, en fonction de ses richesses, de son potentiel fiscal plus élevé que la plupart des régions espagnoles, celle de Madrid exceptée.

6 SEULS NOUS SERONS PLUS RICHES

La thèse selon laquelle les catalans seuls seraient plus riches tient beaucoup de l’imagination.

Il est sûr, qu’avec Madrid, le Pays Basque et les Baléares, c’est une des communautés les plus prospères.

Il est sûr aussi qu’en terme de PIB par habitant son niveau se compare à la région Rhône-Alpes en France, la Lombardie en Italie ou le Bade-Wurtenberg en Allemagne.

Mais sûr aussi que c’est au sein de l’économie espagnole, de cet état considéré comme étranger, ennemi ou hostile, que la Catalogne n’a cessé de prospérer.

En cas de sécession, les nationalistes peignent un scénario rose, minimisant ses coûts directs et indirects : augmentation du PIB, de l’emploi, de la capacité d’endettement, donc des pensions et dépenses sociales.

A l’inverse, scénario noir pour le gouvernement espagnol qui estime entre 19 et 30% du PIB l’impact négatif de la sécession.

Entre le rose et le noir, il est plus que probable que la Catalogne, comme le reste de l’Espagne, en cas de séparation, connaîtrait une crise au moins égale à la grande dépression de 2008 à 2013.

La Catalogne pourrait être viable économiquement seule, comme l’est l’Uruguay, mais avant cet hypothétique paradis, elle risque de connaître un aventureux et douloureux purgatoire.

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7 LE DROIT Á L’AUTODÉTERMINATION

La loi sur le référendum, dans son exposé des motifs, invoque le droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination qui serait reconnu par le droit international.

Or, pour l’ONU le droit à l’autodétermination, face à un état, donc le droit de faire sécession, se limite à la situation particulière des peuples soumis à la domination coloniale ou à d’autres formes de domination ou occupation étrangère.

Mais ce droit à l’autodétermination n’autorise en rien à fomenter des actions mettant en cause l’intégrité territoriale des états souverains, s’ils se conforment au principe d’égalité des droits et dont le gouvernement représente la totalité du peuple sur son territoire. En résumé, les démocraties.

Dans le cas précis de la démocratie espagnole, elle s’est construite avec les catalans, ils ont pu participer à 38 consultations électorales à tous les niveaux, dont quatre référendums (dont deux portaient sur leur statut) et ils participent de plein droit aux institutions du pays. Il est donc difficile d’invoquer un joug colonial ou dictatorial !

L’Ecosse, le Québec ont certes connu des référendums d’autodétermination mais en accord avec le gouvernement central et le Parlement, pas de façon unilatérale. A contrario, le pseudo référendum d’annexion de la Crimée par la Russie a été condamné par le conseil de l’Europe et l’Assemblée générale de l’ONU.

sondage metroscopia

sondage metroscopia

8 PAS DE SORTIE DE L’UE

Rien ne garantit qu’une Catalogne indépendante serait membre de l’Union Européenne d’entrée comme le prétendent les sécessionnistes.

Les présidents successifs de la Commission européenne, Prodi, Barroso et Juncker ont dit, en substance, que si un territoire d’un état membre s’en séparait pour devenir indépendant, ce nouveau pays se convertirait en pays tiers. Il serait donc soumis au processus d’adhésion qui demande l’accord des pays membres, y compris donc l’Espagne.

Même la reconnaissance par l’ONU ne serait pas automatique, puisque qu’il faut l’accord du Conseil de sécurité et un vote des 2/3 de l’Assemblée générale.

Et le maintien dans la zone euro n’est pas plus assuré, donc le recours aux moyens de financement offerts par la BCE.

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Les députés de l’opposition, avec en tête Inés Arrimadas (Ciudadanos), quittent le parlement catalan après le vote de la loi sur le référendum d’indépendance, le 6 septembre 2017.

9 LE REFERENDUM du 1-O EST LÉGAL

Le vote du 1er octobre est légal, selon le gouvernement autonome catalan (Generalitat). Faux.

Pour qu’une décision de scrutin électoral soit légale, vérité première, il faut qu’elle soit prévue par la loi. Or la Constitution n’octroie le droit de provoquer un référendum qu’au Parlement national et au gouvernement. Le scrutin du 1-O a été décidé unilatéralement par décret de la Generalitat.

Même du point de vue de la légalité propre à la Catalogne, les lois votées en septembre sur le référendum et la transition vers la République catalane sont contraires au Statut, puisqu’ils auraient dû réunir les 2/3 des suffrages. Par un tour de passes-passe, cette disposition a été gommée par une modification du Règlement intérieur du Parlement catalan, malgré les avis des juristes du Parlement et du Conseil de garanties statutaires (l’équivalent, au niveau catalan d’un conseil constitutionnel, pour le contrôle de légalité).

Quant à la loi de transition qui devrait entrer en vigueur après le référendum supposé positif – prévoyant l’instauration d’une République catalane – elle préfigure un état autoritaire mettant fin à l’état de Droit puisqu’elle met fin à l’indépendance du pouvoir judiciaire : le Président du Tribunal suprême serait désigné par le Président de la république et toutes les charges judiciaires par une commission mixte où le gouvernement serait majoritaire, tout-à-fait en phase avec l’évolution dictatoriale de la Pologne.

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10 VOTER EST TOUJOURS DÉMOCRATIQUE

« Le référendum est démocratique » c’est le slogan de la campagne sécessionniste du 1-O.

Formulé ainsi, sans nuances, ce principe peut prêter à confusion. Certes, les consultations référendaires, comme mécanisme de démocratie directe, peuvent constituer un bon complément à la démocratie représentative.

Mais les référendums ont aussi été utilisés par les pires dictatures. Le franquisme a ainsi fait approuver sa Loi organique du 13 décembre 1966 par 95% des votants (certains bureaux réussissant l’exploit de dépasser les 100% !).

De plus prétendre que la seule solution pour traiter du sort de la Catalogne au sein de l’Espagne est un référendum d’indépendance n’a aucun sens. Cette revendication ne figurait même pas dans le programme électoral de Junts pel Sí. Ce fut le prix à payer pour souder l’alliance avec la CUP.

Le Président de la Commission de Venise a averti le 2 juin la Generalitat qu’un référendum quelconque devait être négocié avec le gouvernement espagnol et en pleine conformité avec la Constitution, ce qui n’est à l’évidence pas le cas.

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