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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 18:09

« Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »

Aristide Briand, à propos de la Loi de 1905

LyceeABlanqui

Vous avez aimé la proscription de la burqa dans nos villes et celles du foulard dans nos lycées, vous allez adorer celle de la robe longue unie, qui "ne peut être considérée que comme un vêtement ostentatoire, un signe religieux manifeste. "

 

Voulant sans doute faire concurrence à Ernest Chénière*, le pionnier, qui avait initié la chasse au foulard dans un collège de Creil (1989), comme « extériorisation excessive d’appartenance religieuse ou culturelle » - lui qui exhibait dans son bureau de Principal un sabre de samouraï – la proviseure et son adjointe du Lycée Auguste Blanqui (St-Ouen) se sont lancées dans la chasse aux robes longues unies.

 

On hésite toujours à se faire l’écho de telles imbécilités. Les souchiais et autres « sauciflards-pinards », et maintenant les Copé et les UMPistes, dans leur débat sur une pauvre laïcité qui ne demandait pas cet excès d’indignité, vont y trouver un nouvel os à ronger. On se demande aussi si les collègues, face peut-être à une juvénile provocation, ne se sont pas laissé embringuer dans une histoire à dormir debout dont elles ne savent comment s’en sortir ?

 

djilbab2Or donc,depuis quelques jours, plusieurs lycéennes sont convoquées, l’une après l’autre, par la proviseure adjointe et la CPE, parce qu’elles portent…une robe longue unie ! Leur tenue « ne peut être considérée que comme un vêtement ostentatoire, un signe religieux manifeste » et il leur est demandé de porter des jeans et des T-shirts (républicains ?) « comme tout le monde », sous peine d’être renvoyées de l’établissement, conformément au règlement intérieur et ce, afin de respecter le principe de laïcité. Ces jeunes filles, précisons-le, portent le foulard dit « islamique », en dehors du lycée.

 

En effet, le règlement intérieur** (RI) stipule, dans deux alinéas intitulés « laïcité » : « Conformément aux dispositions de l’article L141-5-51 du code de l’éducation, le port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction posée à l’alinéa précédent, le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève et sa famille avant l’engagement de toute procédure disciplinaire. Pendant le dialogue, qui n’est pas une négociation, le chef d’établissement veille, en concertation avec l’équipe pédagogique, aux conditions dans lesquelles l’élève peut être scolarisé dans l’établissement. »

Ainsi, les lycéennes, en terminale, ont-elles été confinées dans le CDI où les enseignants leur donnent des polycopiés, avec les exercices et devoirs à faire.

 

Cet épisode, qui n’est pas clos, permet cependant de dégager deux constats :

1°) la tentation irrépressible chez certains fonctionnaires de s’arroger un pouvoir discrétionnaire, au-delà des lois et règlements, à la tête du client (ainsi continue-t-on de voir des français qui sont nés à l’étranger victimes du zèle de bureaucrates, au mépris de la loi, pour le renouvellement de leurs papiers d’identité)

2°) l’enchaînement sans fin des interdictions, après le foulard, la robe ! et demain la jupe, le pull, le chemisier, les chaussures, les boucles d’oreille, le maquillage… ? (Faut-il rappeler, qu’il y a peu, le pantalon restait interdit aux lycéennes ?).

 

Il serait plus que temps de revenir à l’esprit de la Loi de 1905 tel qu’Aristide Briand l’a énoncé !

 

 

* Ce pionnier est ensuite devenu député RPR, avant de réintégrer l’éducation nationale comme proviseur dans l’Académie de Nantes : sa direction du lycée dont il avait la charge fut si calamiteuse qu’il fut mis dans un placard du Rectorat en cours d’année ; il se peut cependant qu’il ait continué de sévir sur un autre poste ultérieurement

 

** Il stipule aussi : « Le port de couvre-chef est interdit dans l’enceinte du lycée et pendant toute activité éducative et pédagogique (sortie, voyage, …). » Faut-il rappeler aux géniaux auteurs qu’en cas de pluie ou de soleil brûlant, le port d’un couvre-chef, lors d’une sortie, est difficilement réprimable ?

 

Source : Touteduc signalé par Pascal Bouchard, son rédacteur en chef et contributeur du blog

 

 

Miracle : l’AFP s’étant fait l’écho de l’affaire de la robe noire unie dans un lycée de Saint-Ouen est reprise par la presse (Libé, notamment) et un grand site d’information du monde éducatif (Le café pédagogique).  

 

« Dérapage identitaire dans un lycée du 93

 

Quatre élèves du lycée Blanqui de Saint-Ouen (93) ont été menacés de renvoi au motif que leur robe était un signe religieux. 

 

Selon l'AFP, quatre jeunes filles, élèves du lycée Blanqui de Saint-Ouen ont été convoquées le 16 mars par le proviseur-adjoint et le CPE de l'établissement. à propos de leur robe noire et ample. Selon les jeunes filles elles auraient été clairement menacées de renvoi. On aurait invoqué la loi sur le voile, respectée par les 4 jeunes filles, et on leur aurait dit qu'elle ne concernait pas que le voile et que la robe était un signe religieux ostentatoire. Selon le Snes, c'est plus ambigu. on leur aurait demandé de réfléchir à leur maintien dans l'établissement...

 

L'embarras de l'institution. Au rectorat de Créteil comme au ministère on ne commente pas l'événement. Mais il arrive dans le climat créé par la lettre de L Chatel aux parents d'une école du même département qui tend à refuser les mères portant le voile dans les écoles et par le "débat sur l'islam" lancé par le président de la République et qui pousse chaque jour à la discrimination.»

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/03/23032011Accueil.aspx

 

P.S. Le SNES fait preuve d’un remarquable jésuitisme : les jeunes filles n’ont pas été « menacées de renvoi », mais « on leur aurait demandé de réfléchir à leur maintien dans l’établissement ».

 

 

Le Monde, largement après la bataille, se fait à son tour l'écho de cette affaire et nous apprend que ces robes longues sont des "abayas"... J'ai donc envoyé un Courrier au prestigieux quotidien du soir :

 

 

Quand les robes longues deviennent des « abayas »

« Remous dans un lycée sur la tenue de certaines élèves », titre un article du Monde daté du 26 mars 2011. Sans doute, parce qu’il arrive quand même un peu tard (ToutEduc avait mentionné l’affaire dès le 18 mars, l’AFP le 22 mars), il donne dans le style beaucoup de bruit pour rien et nous apprend que les robes de lycéennes d’un lycée de Saint-Ouen sont des « abayas ».

 

« Sites communautaires » : ToutEduc ? le Post (filiale du Monde)* ?

 

La version donnée, avant la dépêche AFP est que des lycéennes ont été convoquées par la proviseure adjointe et la CPE, parce qu’elles portent…une robe longue unie ! Leur tenue « ne peut être considérée que comme un vêtement ostentatoire, un signe religieux manifeste » et il leur est demandé de porter des jeans et des T-shirts « comme tout le monde », sous peine d’être renvoyées de l’établissement, conformément au règlement intérieur et ce, afin de respecter le principe de laïcité. Elles auraient été confinées au CDI où leurs enseignants leur transmettaient exercices et devoirs. Ce que contaient ces élèves était rigoureusement conforme au règlement intérieur du lycée : « Lorsqu’un élève méconnaît l’interdiction [de manifester ostensiblement une appartenance religieuse], le chef d’établissement organise un dialogue avec cet élève et sa famille avant l’engagement de toute procédure disciplinaire. Pendant le dialogue, qui n’est pas une négociation, le chef d’établissement veille, en concertation avec l’équipe pédagogique, aux conditions dans lesquelles l’élève peut être scolarisé dans l’établissement. »

 

Le démenti, apporté bizarrement par un membre du SNES – il est rare de voir ce syndicat en avocat des personnels de direction – est pour le moins ambigu : il n'y a pas eu de menaces d'exclusion, mais un rappel du principe de laïcité aux jeunes filles. « Il leur a été dit qu'elles devaient entamer une réflexion pour se positionner par rapport à cette règle et savoir si elles voulaient rester dans l’établissement l'année prochaine, mais cela a pu être perçu comme une menace d'exclusion. »

 

Pas de menace d’exclusion donc. Mais

1°) pourquoi convoquer des élèves pour un « rappel du principe (?) de laïcité » ?

2°) que veut dire cette demande « d’entamer une réflexion pour se positionner » - admirons au passage ce bel exercice de xillographie – et « savoir si elles voulaient rester dans l’établissement » ?

 

Car de deux chose l’une soit cette robe longue – baptisée « abaya » pour quelle raison ?- est une manifestation ostensible ou ostentatoire d’une appartenance religieuse et dans ce cas la convocation s’explique, mais ne s’explique pas l’avortement de la procédure d’exclusion reportée implicitement à la fin de l’année scolaire ; soit cette robe longue n’est qu’un habillement comme un autre et on peut supposer que proviseure-adjointe et CPE ont autre chose à faire que de convoquer des élèves individuellement et au hasard pour leur rappeler les dispositions de l’article L141-5-51 du code de l’éducation.

 

Ni pour savoir si elles veulent rester dans l’établissement l’année suivante.
Car là, si on travestissait les règles de l’orientation (ou plutôt de la réorientation qui, sauf exception, ne se posent qu’après la seconde) en opération disciplinaire qui ne dirait pas son nom, on basculerait dans l’arbitraire.

 

La conclusion laisse planer l’ambiguïté sur ce « non évènement », puisque le Rectorat, tout en affirmant que les jeunes filles sont normalement scolarisées, soutient qu’« une phase de dialogue est en cours ». Sur quoi porte donc ce dialogue ? Ne serait-on plutôt dans une phase d’hésitation ou de temporisation ? Après le voile, la robe ? Mais est-ce opportun et surtout porteur pour la reconquête de voix reparties dans leur étable d’origine ?

 

J. F. Launay

 

* à noter que cet article du 19/03, dont on peut lire la version originale sur mon deblog notes, (c'est-à-dire ci-dessus) n’a été « officialisé » par la rédaction du Post que le 23 et quelque peu « transformé », assorti d’une note et avec une source (Le Parisien) totalement fantaisiste, alors que le lien vers ToutEduc, la source de départ, était supprimée ; de plus, la rédaction du Post faisait un article sur le même thème sans même mention de son prédécesseur…

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27 janvier 2010 3 27 /01 /janvier /2010 14:57

Andre Gerin2

Il n’y va pas par le dos de la cuiller, l’ex-Iman Rouge de Vénissieux, dans une conférence de presse, quasi conclusive de son boulot de président de Mission parlementaire. Le voile intégral n’est que « la partie visible de cette marée noire de l’intégrisme ». (Tiens, on avait cru comprendre que cette histoire de chiffons n’était pas confessionnelle.)

 

"Dans certains lycées, certains adolescents réfutent systématiquement les cours d'histoire-géographie ou de sciences naturelles quand il s'agit par exemple de théorie de l'évolution." "Dans certains collèges, 50% des filles refusent d'aller en cours de gym, surtout quand il y a de la natation au programme" pour des raisons religieuses (devinez quelle religion ?). "Trois à  quatre fois par semaine, on rencontre des attitudes violentes envers les médecins de la part de maris qui refusent que leurs femmes soient examinées par des professionnels de santé hommes", assénait l’ex-Maire de Vénissieux.

 

Sauf que, ses propos sont sérieusement nuancés dans son propre fief. Stéphane Gomez, professeur d'histoire-géographie au collège Gérard Philippe de Saint-Priest (Rhône) en Zone d'Education Prioritaire (ZEP) et secrétaire départemental du SNES, trouve les affirmations "très exagérées" s’agissant d’histoire-géo et de SVT : "C'est vrai que c'est quelque chose qui existait il y a une dizaine d'années quand j'ai commencé: on entendait des remarques en cours sur la théorie de l'évolution". "Mais aujourd'hui, cette réalité me semble marginalisée. Il n'existe pas de statistiques sur ce sujet, mais je peux vous dire que cela n'a jamais été un phénomène de masse."

 

S’agissant des 50 % de filles n’allant pas en EPS, Anouk Médard, professeure de sports depuis 1995 au collège Jules Michelet situé aux Minguettes, un quartier réputé difficile de Vénissieux, juge toutefois que "c'est très, très largement exagéré !" "Après en avoir discuté avec mes collègues, je peux vous dire que pour les cours de natation où, c'est vrai, nous avons les plus forts taux d'absentéisme et de dispenses, 5 à  10% seulement des élèves ne viennent pas", assure-t-elle. "Et il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'adolescents dont le corps change et que certains ne viennent pas uniquement parce qu'ils ne se sentent pas à  l'aise en maillots de bain devant toute leur classe !"

 

Quant aux incidents hebdomadaires dans les hôpitaux, Frédéric Abad, un homme sage-femme à  l'hôpital Lyon Sud, assure que "ce genre de situation n'est absolument pas courant". "C'est même très exceptionnel", ajoute-t-il. "En treize ans d'exercice, j'ai eu un problème."

 

La conférence de presse avait-elle lieu à la buvette de l'Assemblée ? Car les déclarations de ce président d'une Mission parlementaire tiennent plus du propos de comptoir que d'une conclusion sereine et surtout rigoureuse des travaux de cette Mission.

 

Sources Touteduc http://www.touteduc.fr/index.php?sv=33&aid=1359  et A.P.

 

 

 

 

 

Cet article ayant servi de prétexte à un assez mauvais procès, je me permets de renvoyer au précédent et en particulier aux extraits d'une chronique de C. Fourest. Cela permettra, peut-être, d'éviter une bizarre équation : contre la loi "burqa" = pro intégristes = complice des actes de barbaries (lapidation, vitriolage, flagellation, etc.). Voir aussi l'avis de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme (CNCDH).
Il est consternant d'être obligé de faire des mises au point de ce genre, mais devant l'excès de mauvaise foi, il est prudent de tenter de se prémunir !

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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 13:31

Pascal Bouchard (ToutEduc), auteur notamment d'un indispensable Anti-manuel d'orthographe, nous fait part d'un coup de cœur pour cet ouvrage d'A. Pérez-Reverte.

 


Arturo Pérez-Reverte est, comme son nom l'indique, espagnol. Il a lu tout ce qu'il a pu trouver, jusqu'au fin fond des archives, sur la journée du 2 mai 1808 qui vit le petit peuple de Madrid se révolter contre l'occupation française, et, disons-le, la parfaite imbécillité de Marat, duc de Berg, qui ne comprend rien à ce qui se passe. Les Espagnols non plus ne comprennent rien. La bonne société est dans un état avancé de décomposition et de compromission. Les intellectuels attendent avec impatience que Bonaparte, l'héritier des lumières, les débarrasse d'une aristocratie bornée et du poids d'une Eglise qui ne l'est pas moins. Mais les soudards portent bien mal l'étendard de la libération. Quant à l'armée espagnole, elle n'aime pas la populace, et se méfie des insurrections populaires. Elle hésite. Sauver l'honneur, et se suicider aux côtés des maçons, des jardiniers et autres commis boutiquiers qui se jettent sur les mamelouks ou les hussards, et les tuent avec leurs navajas, leurs couteaux de cuisine, voire leurs ciseaux de couture pour les femmes... ou obéir aux ordres et rester dans les casernes?
Heure par heure, minute par minute parfois, Arturo Perez-Reverte suit chacun des personnages dont il a retrouvé les noms, et la relation des faits et gestes, dans la masse de la documentation qu'il a réunie. Et c'est fascinant. Il y a le récit, parfaitement mené par un très grand écrivain, d'une bataille vécue tantôt dans la rue, au plus près des coups de sabre, et des entrailles des chevaux et des hommes qui se confondent dans l'horreur, tantôt dans les salons de Marat, ou dans le cabinet de travail d'un écrivain, ou du haut du balcon où Goya suit le déclenchement d'une guerre dont il va croquer les "désastres" durant les 8 années qui suivront. Mais plus encore, est fascinant le désir de l'auteur de donner un tombeau, et de restituer leur nom à chacun de ces hommes et de ces femmes, de ces enfants parfois, tombés dans la confusion d'une bataille sans chefs ni logique militaire. Dans l'inhumanité des massacres et des exécutions sommaires, l'auteur invente une forme d'humanisme.

 

Un jour de colère Arturo Pérez-Reverte (François Maspero Traducteur) Le Seuil

 

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