Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 octobre 2010 4 28 /10 /octobre /2010 10:25

Copereac

 

Le bruit court, dans les milieux bien informés, qu’après ses déclarations au Parisien, Jean-François Copé, serait pressenti pour devenir ministre de l’éducation et de la régression nationales* ; il aurait soumis son accord à l’obtention du titre de ministre d’état.

 

En effet, le chef du groupe parlementaire UMP, annonçant que son « club Génération France » organisait un débat sur l’éducation, déclarait : « Je veux défendre une idée forte : l’entrée au collège ne doit se faire que pour l’enfant qui maîtrise totalement les savoirs fondamentaux. Mon idée est de créer un examen de fin de CM 2, d’évaluation des enfants. Ce serait un examen de passage en 6e. On réorganiserait complètement le programme du primaire dans cette perspective. Si on n’a pas acquis ces connaissances (NDLR : lire, écrire, compter…), mieux vaut redoubler, pour protéger l’enfant, que le faire passer au collège et lui faire courir un vrai risque de décrochage. » Le Parisien 24/10/10

 

La NDRL donne le ton des réactions des journalistes qui parlent de certificat d’études alors qu’il n’avait rien à voir avec l’examen d’entrée en 6e, supprimé en deux temps : en 1956 pour les élèves de CM2 ayant la moyenne ; en 1963, pour tout le monde (par Christ-hihan –comme disait Le Canard – Fouchet, sous De Gaulle !).

 

Exemple flagrant d’obscurantisme !

 

Toutes les études scientifiques démontrent l’inefficacité globale du redoublement. Ainsi PISA (dont les rétropenseurs nous rebattent les oreilles pour démontrer l’état catastrophique de l’école française, mais oublient d’aller y voir de plus près) montre que les pays où le redoublement est proscrit réussissent mieux ou aussi bien que ceux qui le maintiennent.

En effet, si le redoublement était utile, s’il valait mieux que les élèves faibles redoublent parce qu’ils ne «pourraient pas suivre», les pays sans redoublement, devraient avoir un niveau moyen plus faible. Par ailleurs, selon l’argument de l’épée de Damoclès, privés de l’aiguillon du risque de redoubler, les élèves devraient se mobiliser moins sur le travail scolaire dans ces pays. C’est l’inverse qu’on observe. Les compétences en lecture et en maths sont plus fortes au Japon, dans les pays scandinaves et au Royaume Uni qu’en France et que dans les pays latins en général. Certes ce n’est pas absolu, l’Autriche, ou le Québec, où on redouble, obtiennent des scores honorables en lecture et en maths, la Norvège, pays sans redoublement, obtient un score inférieur à celui de la France en maths. (d’après D. Meuret)

 

Et le redoublement accroît les écarts entre les élèves les plus forts et les plus faibles. Les pays qui ne pratiquent pas du tout le redoublement, et eux seuls, présentent des inégalités sociales de compétences moins marquées que les autres. C’est le principe même du redoublement qui accroit les inégalités sociales devant l’école. (d’après D. Meuret).

 

« De façon générale, la pratique du redoublement en France constitue un des facteurs explicatifs de ce résultat moyen [aux] enquêtes PISA […]. Lors de l’enquête PISA 2003, près de 40 % des élèves français âgés de 15 ans avaient ainsi déjà redoublé une fois ou plus au cours de leur scolarité : les élèves français qui n’avaient aucun retard dans leur scolarité obtenaient en fait d’excellents résultats, supérieurs aux performances moyennes des pays placés en tête (Finlande, Corée du Sud, Pays-Bas, Japon) ; à l’inverse, les élèves ayant un an de retard se situaient juste devant les résultats moyens de la Grèce, et les élèves ayant deux ans de retard étaient au niveau moyen du Mexique, pays qui obtenait les moins bons résultats. » écrivait la Cour des Comptes, qui n’est pas considérée comme un repaire de gaucho-anarchistes.(L’éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves Mai 2010)**.

 

Difficile, avec ce personnage cynique, de faire la part du calcul et de la conviction. L’idéologie méritocratique - pour qui l’égalité des chances consiste à mettre sur la ligne de départ celui qui a ses deux jambes et l’unijambiste et que le meilleur gagne !- est très prégnante à droite. Déjà Fillon avait redonné la main aux profs pour le redoublement, ce qui dans certains établissements était redoutable (des taux de 20 % en seconde, avec 7 à 10 % de « réorientation », se sont vus, il y a peu et, dans les années 80, un collège, que j’ai dirigé un peu plus tard, affichait 30 % de redoublants en 6e).

Copé, dans sa logique rétrograde, va être amené – car il faudrait bien faire quelque chose des élèves qui iront d’échec en échec : on ne peut les laisser en CM2 jusqu’à 16 ans – à recréer des classes aménagées, des CPPN, des CPA (pas toutes disparues d’ailleurs).

 

Mais c’est surtout l’impact populiste qui est cherché, sur un terrain – l’éducation – où la gauche de gouvernement présente des propositions solides.

 

Frein à la démagogie le coût du redoublement (en primaire 5440 € par élève) qui a poussé d’ailleurs le ministère à tenter de les limiter (un collégien c’est près de 8000 €, un lycéen plus de 10000 €). D’autant qu’il y a une règle d’airain dans notre système : qui a redoublé, redoublera ; un redoublant de CP augmente ses risques de redoubler ultérieurement.

 

Copé, l’homme du grand bond… en arrière.

 

* Il serait même en train de constituer son cabinet : Brighelli serait son Guéant, Finkielkraut son Guano mais Alain Bentolila est aussi sur les rangs, on parle encore de Natacha Polony à la communication, un ex-directeur de l’école de Merdrignac est aussi sollicité comme conseiller pour le primaire…

 

Le "Professeur Alain BENTOLILA" m'envoie le message suivant, intitulé "erreur et mensonge" : "Vous devriez savoir, si vous m'aviez entendu (Demorant Europe1) ou pris la peine de me lire que me mélanger avec Brighelli est assez scandaleux. J'ai dénoncé la nostalgie de l'examen de 6° avec force et me bas pour qu'une chance soit donné aux plus fragiles de nos élèves.J'ai été profondément choqué par cet amalgame imbécile."

 

J'invite à relire l'article d'Ouest-France où après avoir rappelé  "que nos étudiants ont été enfants de maternelle, élèves du primaire et du secondaire"., il prévoit une "sélection" dans les universités "d'autant plus cruelle qu'elle aura été inconsidérément différée." (certes ça peut être entendu :  comme on a trop attendu pour la mettre en place à l'entrée des universités, mais plus loin il énumère les exigences de l'aval vers l'amont et notamment "l'engagement de l'élémentaire à livrer (sic) au collège des élèves lisant, écrivant et s'exprimant avec pertinence", on peut donc comprendre qu'il déplore que le tri sélectif a été différé trop longtemps à tel ou tel niveau).

 

** Sur ce sujet lire ou relire « Que vaut l’enseignement en France ? » de Christian Forestier et Jean-Claude Emin (Stock)

Repost0
25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 18:04

Éducation : pour une réforme globale

 

Alain Bentolila Ouest-France 25/02/09  (1)

 

Vingt pour cent de nos élèves quittent le système scolaire sans le moindre diplôme. Ils ont tôt endossé le costume de l'échec et ne l'ont pas quitté.
Vingt autres pour cent en sortent avec un CAP ou un BEP. Ce CAP ou ce BEP, si douloureusement obtenu, ils l'ont décroché parfois par défaut. Ils ont été orientés vers ces filières, non parce qu'ils avaient envie d'exceller dans un métier, mais parce que, « naturellement », c'était la voie qui leur était destinée. Encore vingt pour cent n'obtiennent aucun diplôme d'enseignement supérieur, après un bac qui n'a pas forcément mesuré leurs capacités d'analyse et d'argumentation. Ont-ils pu apprendre à mettre en mots leur pensée, à rédiger un rapport, à faire des synthèses claires ?

 

Comme d'habitude on nous assène des chiffres à la louche avec quelques approximations. Ainsi ce ne sont pas 20 % qui sortent du système scolaire « sans le moindre diplôme », mais 18 % qui sortent avec le Brevet (8%) ou rien (10 %, mais dans le lot certains ont été jusqu'en dernière année d'un cycle de formation post 3e - CAP, BEP, Bacs - sans décrocher le diplôme). Faut-il rappeler qu'à la fin des années 70 c'était 1/3 d'une classe d'âge qui sortait au mieux au niveau 3e ? Pour rester dans les 20 %, l'auteur sous estime les sortants avec un bac comme viatique, puisque ce sont 22 % (2), mais, gros mensonge, pas tous parce qu'ils n'ont pu obtenir un diplôme d'enseignement supérieur :  c'est le cas d'à peine la moitié d'entre eux ; le professeur de linguistique ignorerait-il que les bacs professionnels sont prévus pour déboucher directement sur la vie active ? Ce qui permet, au passage de dégonfler les mensonges habituels sur l'échec dans le supérieur : sur les 52 % d'une classe d'âge qui entrent dans l'enseignement supérieur, seuls 10 % échouent. Presque un sur cinq, c'est déjà trop, certes, mais on est loin des chiffres catastrophiques lancés par nos rétropenseurs !

Si l'on ne peut demander à l'Éducation nationale de faire disparaître les inégalités individuelles et sociales, on ne peut se résigner à ce qu'elle en soit le reflet fidèle. Sa vocation est d'essayer, dans la limite de ses contraintes, d'amener des jeunes à donner un sens culturel et moral au tumulte du monde et de les rendre moins vulnérables aux discours simplistes ou sectaires.

Évitons l'erreur qui consiste à vouloir transformer le système éducatif, morceau par morceau, sans se préoccuper des autres composantes qui le soutiennent et l'alimentent. Ce serait ignorer que nos étudiants ont été enfants de maternelle, élèves du primaire et du secondaire.

La nécessaire refondation du lycée et de l'université

La qualité de la formation intellectuelle et linguistique qu'ils y ont acquise conditionnera la hauteur des ambitions de l'université qui pourra les accueillir. En bref, l'autonomie nécessaire des universités engendrera, sans doute, une sélection plus exigeante ; elle risque d'être d'autant plus cruelle qu'elle aura été inconsidérément différée.


Sur quoi pourra s'appuyer la nécessaire refondation du lycée et de l'université ? Sur l'engagement de la maternelle à veiller à une réelle maîtrise du langage oral (et notamment du vocabulaire). Sur l'engagement de l'élémentaire à livrer au collège des élèves lisant, écrivant et s'exprimant avec pertinence. Enfin, sur l'engagement du secondaire à former de futurs étudiants capables de mettre en mots leur pensée avec précision, clarté et, si possible, aisance.

 

Apparaît  ici, au-delà d'une phraséologie vague et de quelques vérités premières (et oui, les étudiants sont passés par la maternelle, le primaire et le secondaire), d'abord le postulat d'un pilotage du système éducatif par l'aval : c'est en quelque sorte les exigences de l'enseignement supérieur qui déterminent ce qu'il faut enseigner à ... l'école maternelle ; et, incidemment, comme conséquence d'une nécessaire autonomie une non moins nécessaire sélection à l'entrée à l'université.

Surtout - et le linguiste n'a pu employer ce verbe par hasard - surgit un « livrer » révélateur : « l'engagement de l'élémentaire à livrer au collège des élèves... » ! Cela dénote une vision de l'élève comme un produit dont il faut assurer une livraison conforme au cahier des charges (sinon le « service qualité » refusera la livraison ?).

 

Sinon, nous aurons, à côté de quelques pôles d'excellence, des universités parkings, dans lesquelles seront maintenus artificiellement en vie universitaire des étudiants sans avenir culturel ni professionnel. Si, aujourd'hui, une véritable faille culturelle divise notre système éducatif, c'est parce qu'aucun responsable politique, aucun responsable syndical n'a osé sacrifier le confort d'un statu quo, sans cesse négocié, à l'impopularité des réformes globales nécessaires.
 

La conclusion montre surtout le mépris dans lequel Bentolila tient les étudiants « sans avenir culturel et professionnel » (car le "nous aurons" n'est qu'une clause de style). Et les « universités parking », comme il dit, ont un bel avenir devant elles puisque, si l'on suit son raisonnement, ce ne serait que dans 15 ans que de maternelle en terminale, les premiers étudiants bien formatés seraient livrés à l'enseignement supérieur.



(*) Professeur à l'université Paris Descartes. Dernier ouvrage : Quelle école maternelle pour nos enfants ? (Odile Jacob 2009).

 

 


 

 1 http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-education-pour-une-reforme-globale-_3633-838121_actu.Htm

2 Tous ces chiffres sont tirés de L'état de l'école 2008 http://media.education.gouv.fr/file/etat18/17/0/etat18_41170.pdf  (chapitre 09 Le niveau de diplôme, tableau 01 Répartition des cohortes de sortants de formation en fonction de leur diplôme le plus élevé)

Repost0

Présentation

  • : Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • : Education, laïcité, politique et humeurs personnelles, en essayant de ne pas trop se prendre au sérieux.
  • Contact

Nota Bene

Le deblog-notes, même si les articles "politiques" dominent, essaie de ne pas s'y limiter, avec aussi le reflet de lectures (rubrique MLF tenue le plus souvent par MFL), des découvertes d'artistes ou dessinateurs le plus souvent érotiques, des contributions aux tonalités diverses,etc. Pour les articles que je rédige, ils donnent un point de vue : les commentaires sont les bienvenus, mais je me donne bien sûr le droit d'y répondre.

Recherche

Nelle Formule

Overblog - hébergeur du deblog-notes - a réussi l'exploit de lancer une nouvelle formule qui fait perdre des fonctions essentielles de la version précédente. Ainsi des liens vers des sites extérieurs disparaissent (désolé pour  Koppera, cabinet de curiosités, ..). Les albums se sont transformés en diaporamas, avec des cadrages coupeurs de têtes. La gestion des abonnés et des commentaires est aussi transparente que le patrimoine de Copé. Et toutes les fonctions de suivi du deblog-notes - statistiques notamment - sont appauvries.