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5 octobre 2018 5 05 /10 /octobre /2018 11:04
Le Figaro ment...

Des élus de gauche ne veulent pas d’un lycée d’Estienne d’Orves, «résistant monarchiste»” titre Le Figaro-étudiants.

Aussitôt les trolls se déchaînent sur touitteur. « Des imbéciles patentés » dit un ingénieur En marche. « De pompeux connards ! » ajoute un sous-marinier qui se croit profond (En Marche itou). Au 3e commentaire on atteint le fameux point Godwin avec une anonyme R : « Normal c’est la gauche qui a donné les pleins pouvoirs à Philippe P. » « La gauche tarée, totalement dépourvue de conscience et de morale. » renchérit un agrégé d’histoire-géographie. « Honteux fascistes staliniens », « Abrutis sectaires », « Des ânes ignares de l'histoire et pronazi » ajoutent trois trolls (Docgil95, Proselytatheist, Joke17952).

Or, comme cela se pratique pour tous les établissements nouveaux, le Conseil d’administration du lycée avait été sollicité pour proposer un nom à ce nouveau lycée, tourné vers le numérique, avec une pédagogie innovante et moderne.

«Nous avions proposé d’autres noms, reconnaît Dominique Faure, la directrice de l’école. Non par conviction politique, mais parce que nous préférions que notre lycée, avant-gardiste et novateur, porte le nom d’un scientifique.» ‏ (On notera au passage ce « reconnaît », comme si la dame avouait un forfait, et ce titre de « directrice » qui fleure bon le temps des lycées de jeunes filles).

Michel Serres, Hubert Reeves et Alan Turing : un philosophe et historien des sciences, un astrophysicien et surtout un cryptologue britannique pionnier de l’informatique (mais aussi victime de l’homophobie).

«Nous ne comprenons pas cette volonté d’imposer un nom, écrit sur son blog le conseiller régional du groupe socialiste écologiste radical et républicain (SERR) au Conseil régional, Eric Thouzeau*. Est-ce parce que le grand résistant Honoré d’Estienne d’Orves était issu de la droite monarchiste? Au moment où l’urgence écologique est largement d’actualité, nommer le lycée du nom d’Hubert Reeves ou de Michel Serres serait plus opportun et serait un signal intéressant donné à l’enjeu environnemental. Celui d’Alan Turing mathématicien résistant et inventeur du processeur, pièce maîtresse de nos ordinateurs, aurait aussi l’avantage de montrer un lycée tourné vers l’avenir.»

Ce que dit donc clairement, ce Conseiller régional, c’est non pas qu’il était « contre » d’Estienne d’Orves, mais POUR l’adoption d’un des noms proposés par les membres de l’établissement.

En toute légalité – l’avis du C.A. du lycée n’est que consultatif - la majorité régionale a maintenu un choix en fait arrêté par Bruno Retailleau avant qu’il ne quitte la présidence de la région.  La proviseure a pris acte de ce choix et compte utiliser la figure d’Honoré d’Estienne d’Orves à des fins pédagogiques, pour amener ses élèves à mieux comprendre la Résistance et ses héros.

Que la majorité régionale s’asseye sur l’avis des personnes concernées – qu’elle n’a sollicité que par obligation légale – ne surprendra guère. Que Le Figaro-étudiants découvre le 3 octobre une information parue dans Ouest-France le 12 septembre (et de façon assez biaisée aussi) montre bien la visée idéologique : clouer la vilaine gauche sectaire au pilori.

Et le procédé est classique : UN élu de gauche s’interroge sur l’entêtement de la région à vouloir imposer ce nom en évoquant le monarchisme du héros de la Résistance ; revu et corrigé et par Ouest-France et par Le Figaro, ça devient un rejet du nom par LES élus de gauche, pour cause d’idées monarchistes.  Et procédé classique aussi, on fait passer un avis POUR le choix d’un des noms proposés par le C.A. de l’établissement, pour un avis CONTRE un « résistant mort en martyr ».

Ignoble et cynique, mais efficace.

 

* Eric Thouzeau, victime d'attaques indignes suite à l'article du Figaro a fait une 2e mise au point : Lycée de Carquefou : le passage en force de la Région

 

 

La rose et le réséda, d'Aragon, sera dédié à Guy Môquet, Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves et Gilbert Dru.

 

......

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

....

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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 15:04
Immigration : le discours de Hollande occulté

Non à la France 'en petit', la France 'du dépit', la France 'du repli'.

Pour ceux qui, reprenant d’ailleurs un slogan du F-Haine, parlent d’UMPS, le discours de F. Hollande à la Cité de l’Immigration, le 15 décembre 2014 est une réponse nette. Loin du discours de Sarkozy qui, braconnant sur les terres de Marine Le Pen, fait de l’immigration un fonds de commerce politique pour alimenter les peurs, loin des élucubrations zemmouriennes, le Président de la République a rappelé que des générations d’immigrés ont fait le visage de la France et que la France est un pays qui ne conçoit son destin que dans l’ouverture. La lutte contre les vents mauvais de la xénophobie et du racisme qui soufflent sur l’Europe n’est certes pas le monopole de la gauche mais on ne peut se dire de gauche si on ne fait pas de cette lutte son combat.

 

Ce discours n’a eu qu’un écho très (trop) limité. Les extraits qui suivent résultent d’un choix arbitraire, mais vous pouvez lire ou écouter son intégralité.

  La vocation de votre musée est de montrer le processus continu par lequel la Nation a intégré les populations d’origine étrangère et a su préserver son unité tout en reconnaissant la diversité des origines et des cultures.

 

La France est un vieux pays d’immigration

 

La France est un vieux pays d’immigration, l’un des plus vieux pays d’immigration d’Europe. Commencée dès la deuxième moitié du XIXème siècle pour répondre aux besoins de ce qu’on appelait la première révolution industrielle, l’immigration s’est poursuivie tout au long du XXème siècle et s’est amplifiée avec la reconstruction du pays après la guerre, avec la décolonisation et enfin avec la mondialisation. Aujourd’hui un Français sur quatre a au moins un grand parent étranger.

 

L’immigration fut à la fois le produit de nos propres nécessités, de nos propres besoins, j’entends par là ceux de la France, et en même temps des convulsions de l’Histoire, qui ont fait que des femmes et des hommes sont partis de très loin pour venir s’établir ici.

 

Les premiers vinrent de tout près, ce furent les Belges, dans l’industrie textile du nord. Puis les Italiens dans l’industrie lourde de l’Est, les Polonais dans les mines. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les Espagnols, les Portugais, les Maghrébins, les Africains, qui contribuèrent à leur façon à la reconstruction du pays, à sa croissance à ce qu’on a appelé les trente glorieuses. Au bout de 30 ans après la guerre, on a estimé que ces forces-là auront construit l’équivalent d’un logement sur deux, d’une machine sur sept, et de 90% des autoroutes de notre pays.

Enfin la décolonisation poussa des populations jusque-là intimement liées à la France à venir y travailler. Ces populations venaient de cette Afrique, de ce Maghreb, et considéraient qu’elles avaient le droit de venir, ici. Elles avaient le droit parce que l’histoire leur rappelait le rôle qui avait été celui des plus anciens, ce qu’on appelait les « troupes coloniales », et qui étaient venues sauver la France. Ces troupes venaient de partout. Parmi les « Poilus » de 14-18, on comptait ainsi 180.000 Algériens, 60.000 Tunisiens, 37.000 Marocains, 134.000 soldats d’Afrique noire, 34.000 Malgaches. C’était l’empire qui était venu sauver la France.

 

Comment oublier 30 ans après, les 100.000 soldats africains de l’Armée de De LATTRE, qui accomplirent le débarquement de Provence, les tirailleurs sénégalais, les goumiers, les tabors, les spahis, les zouaves. Comment oublier les résistants de la MOI (Main d’Œuvre Immigrée), juifs, arméniens, les martyrs de l’affiche rouge chantés par Aragon.

 

La peur sciemment installée d’une religion, l’Islam

 

La présence de personnes étrangères a toujours suscité à toutes les époques de l’inquiétude, de la peur, de l’appréhension, surtout quand aux différences de langue, de culture, s’ajoutent des différences de couleur et de religion. Il y a toujours eu des démagogues, pour les attiser, pour utiliser les manquements aux règles communes - qu’il faut déplorer, pour justifier le rejet et démontrer qu’il y en a qui ne s’assimileront jamais.

 

Dès août 1893, à Aigues-Mortes, des Français excités par d’absurdes rumeurs, avaient massacré des travailleurs italiens, parce qu’ils venaient prendre des emplois, occuper des villages et finalement mettre en cause les équilibres de telle ou telle famille. Puis la boue antisémite s’est déversée lors de l’affaire DREYFUS.

 

   Les étrangers sont toujours accusés des mêmes maux : venir prendre l’emploi des Français, bénéficier d’avantages sociaux indus quand bien même les études les plus sérieuses montrent qu’ils contribuent davantage aux comptes sociaux qu’ils n’en bénéficient.

 

Ce sont toujours les mêmes préjugés, les mêmes suspicions qui sont invariablement colportés. Mais le fait nouveau, et nous devons le regarder en face, c’est la pénétration de ces thèses dans un contexte de crise… C’est la peur aussi sciemment installée d’une religion, l’Islam, qui de façon inacceptable est présentée par certains comme incompatible avec la République, alors que la République a toujours respecté les religions, et que les religions ont toujours été capables de comprendre les valeurs qui devaient être respectées.

 

Le fait nouveau, c’est que ces vents mauvais soufflent de plus en plus, et pas seulement en France, partout en Europe.

 

Les enfants des immigrés dépeints comme inassimilables hier, sont devenus des patriotes sans avoir jamais à renier leurs origines. Parce que depuis 150 ans, la République n’est pas liée aux origines, c’est l’adhésion à un projet commun.

 

La Laïcité

 

La laïcité n’est ni la lutte contre la religion, contre une religion. La laïcité n’est pas la suspicion non plus à l’égard de telle ou telle communauté. La laïcité est une école de respect, de la règle commune, une reconnaissance de la liberté de croire ou de ne pas croire.

La France ne peut tolérer qu’un citoyen soit agressé pour sa religion, sa couleur de peau, ses origines.

 

[Il y a] ceux qui rêvent d’une France en petit, d’une France de dépit, d’une France en repli, bref d’une France qui ne serait plus la France.

 

 

La France est un pays qui porte plus qu’une histoire mais une ambition, qui ne conçoit son destin que dans l’ouverture.

 

Schengen

 

Notre frontière, c’est Schengen. Cet accord est né de la volonté de remplacer des contrôles aux frontières nationales qui n’avaient plus d’efficacité par des coopérations uniques et sans précédent en termes de liberté, de sécurité et de justice. Et on voudrait faire éclater Schengen ?

Mais cela serait reculer, aboutir à rétablir des frontières, pays par pays.

 

 

Depuis 10 ans, notre pays accueille environ 200 000 personnes par an, soit la proportion la plus faible d’Europe, rapportée, bien sûr, à notre propre population.

90 000 viennent au titre de l’immigration familiale

60 000 autres arrivent chaque année comme étudiants. Que serait la France dans 20 ou 30 ans si elle ne les accueillait plus alors que le nombre d’étudiants dans le monde va doubler d’ici 2020 ?

Puis, pour arriver aux 200 000, il y a l’asile, c’est-à-dire un droit constitutionnel qui fait partie de l’identité même de la France.

 

Titre de séjour

A quoi sert-il de faire subir à des étrangers en situation régulière une attente interminable devant les Préfectures, les Sous-préfectures, pour le renouvellement de leur titre de séjour, comme pour bien les punir de ce qu’ils viennent réclamer : un titre de séjour. Ils l’ont déjà, c’est juste pour le renouvellement.

 

Droit de vote aux élections locales

Beaucoup d’étrangers, ce ne sont plus les mêmes, sont là depuis des décennies. C’est cette situation d’étranger depuis longtemps en France qui a justifié la revendication de leur ouvrir le droit de vote aux élections locales. Rien ne peut se faire sans une révision de la Constitution, ce qui suppose, dans notre droit, une majorité des 3/5ème au Parlement. C’est-à-dire l’accord de toutes les forces républicaines. J’y suis pour ma part favorable, à elles de prendre leur responsabilité.

 

 

[Ce] musée a l’immense mérite de donner à des générations d’immigrés la place qui doit leur revenir et de nous faire comprendre qu’ils ont fait le visage de la France.

 

Un visage qui a la couleur de la République. Celle qui unit, rassemble et fédère.

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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 15:48

Le seul Léotard que j'ai croisé était « Léotard, le vrai », Philippe, l'acteur, le chanteur, dans un quatre pentes sur l'autoroute, visage ravagé par l'alcool, mais avec un regard bouleversant. L'autre, l'UDF, ne gagna une vague estime que quand il se retira de la vie politique. Mais qui n'alla pas jusqu'à lire son livre sur celui qu'il tutoie et pour qui il a voté. A tort. Car ces quelques courts extraits, dans une langue ciselée, sont d'une lucidité extrème.

« Ça a débuté comme ça. Une élection, une fête, du Champagne. Et du chiffre d'affaires au mètre carré. C'était pétillant. Je n'allais pas bouder mon plaisir puisque j'avais voté pour lui. [...] Naturellement mon côté gaulliste avait quelques regrets. La France prenait des allures de grande surface, et parmi les candidats mon produit était en tête de gondole. La publicité et les promesses s'accompagnaient l'une l'autre comme deux petites voleuses qui font les sacs à main. Ensemble tout était possible. J'étais heureux qu'on soit ensemble. C'est étonnant comme on aime à croire ce qui n'est pas croyable.

Il a fallu plusieurs mois pour entendre parler de faillite. L'homme de Matignon, Mon* le velouté, s'était laissé aller. Faillite ! C'est un mot que l'on aurait aimé entendre au mois de mars, avant l'élection... Au moment des giboulées. On s'y serait fait. Moi, je pensais à Churchill : "Je n'ai à vous offrir que de la sueur, des larmes et du sang." Et Londres bombardée tous les soirs. Nous, on allait très bien. Merci. La dette faisait à peu près l'équivalent du budget de l'Éducation nationale. Les intérêts seulement ! Pas le capital. Je me disais : ça va être bien. On pourra faire deux fois plus de lycées... Il suffira de rembourser ce que nous devons, de revenir à l'équilibre et le tour sera joué ! D'autres le font autour de nous. C'aurait été une promesse de grande qualité. Un millésime rare au rayon de l'œnologie politique. J'avais oublié que la dette, c'est comme la morphine : du bonheur immédiat ! On a donc choisi la béatitude. [...] Dès le lendemain on ne fut pas déçu : la retraite monastique bercée par le clair de lune sur un scénario de Fitzgerald, le clapotis des flots au large de Malte, puis aussitôt après le déferlement des milliardaires, la chasse aux nigauds baptisée modestement "ouverture", les infirmières bulgares, le drapeau tricolore relooké par Prada, les intermittences du cœur sous les ombrages de la Lanterne, un gouvernement tétanisé par les engueulades, les escapades à Saint-Tropez, enfin les bien-aimés du pouvoir, le gratin du Bottin mondial : Chavez, El-Assad, Kadhafi, Poutine... les cancres du passage en terminale de la démocratie. Je commençais, petit à petit, à bouffer mon bulletin de vote.

[...] Sarkozy, c'est Glenn Gould en moins délicat. Il joue avec les mots sur son piano. Un artiste. Comme l'interprète canadien, il accompagne ses partitions de soupirs, de mouvements du visage qui donnent à la pièce jouée la permanente allure d'un chef d'œuvre. Mais ce n'est pas du Bach. Prenons l'exemple de ses rapports avec la police. Ils ont séduit une droite qui ne plaisante pas avec ces choses-là, ils ont alimenté ses nombreux discours, et sans doute, comme pour tous les enfants, marqué son parcours. Voilà une institution qu'il aime. Il s'y plaît. [...] Sarkozy ne parle pas de la police. Il est la police. Il est l'ordre. L'ordre seulement, mais l'ordre complètement. Sa doctrine est faite : les loubards des banlieues n'ont pas de problèmes sociaux, ni de logement, ni de culture, ni d'emploi. Les pédophiles n'entrent pas dans la catégorie de l'acquis mais dans celle de l'inné, les récidivistes que la prison a largement amochés doivent y retourner le plus vite possible. Ils ont été jugés ? Aucune importance. Pour le même délit, déjà purgé, on va inventer 'un suivi' en milieu fermé, c'est-à-dire une deuxième prison qui s'ajoute à la première, mais sans jugement. A quoi bon ? C'est l'Etat qui doit décider, c'est-à-dire l'exécutif, c'est-à dire la police. Il semble que notre président n'ait lu ni Tocqueville, ni Montesquieu, ni Benjamin Constant, il semble que la séparation des pouvoirs lui soit une énigme. Si l'on rend la justice Place-Beauvau, ce sera plus rapide. Et surtout plus près de l'Élysée. [...] On se souvient qu'il répétait volontiers qu'on ne faisait appel à lui que dans les moments désespérés. Alors il arrivait, soulevait le RPR et l'exaltait en quelques jours, redressait le budget de la nation, rendait à la police la confiance qui lui manquait. [...]

C'est vrai, on aurait dû se méfier. Dans le monde sauvage des animaux politiques, il ne faut pas être sur le passage d'un prédateur. Je le sais, j'ai traversé imprudemment la savane. Chirac était un carnassier débonnaire. Avec lui, on était mort, mais c'était sans rancune. Chacune de ses victimes, antilope déchiquetée et consentante, devenait digne d'une amitié nouvelle définitivement inoffensive. Avec Sarko, c'était différent. Le fauve avait - si l'on peut dire - une mémoire d'éléphant. Un jour, me parlant justement de Chirac, il m'avait dit : "François, n'oublie jamais ceci : je suis fidèle à mes ennemis." J'en ai encore froid dans le dos. L'ouverture n'a rien changé à cela.

      Elle donne à la victime un côté comestible qui la fait s'aplatir avec une docilité déconcertante. La douceur de Jack Lang dans ses approches concentriques du pouvoir fait penser aux roucoulements des pigeons qui ne voient pas, dans la casserole, les olives dont ils seront bientôt entourés. [...] Et je crains que la belle histoire qui nous est racontée du haut de Élysée ne se termine mal. Parfois je ne peux empêcher un certain malaise de venir en moi. J'essaie de le chasser et il revient. Je prends un livre et ça revient de plus belle. [...] Depuis que tu es à Élysée je suis inquiet. Qu'est-ce qui t'a pris exactement ? Je lis dans un journal que désormais la police française arrête des enfants... J'ai suivi avec consternation le morceau de Grand-Guignol qui t'a mis dans les bras de Kadhafi... J'apprends que tu as une « plume » qui te fait dire des bêtises... Il paraît que tu n'écoutes plus ceux qui t'entourent... Tu aurais même traité mon ami Martinon d''imbécile"... Et ce pauvre Mon* avec ses beaux yeux de labrador... C'est pas bien tout ça, Nicolas. Je te le dis parce que nous avons grandi ensemble. [...] Et puis ces histoires d'ADN pour le regroupement familial, ce n'est pas toi ! Tu t'es fait déborder par quelques malades de l'UMP. Des frénétiques... [...]

Tu as eu raison de citer Guy Môquet. Cette jeunesse-là, intacte et fervente, qui s'abat d'un seul coup, laissant derrière elle le grand silence du courage, cette jeunesse-là, elle est belle et sans doute plus belle que la nôtre... J'aurais aimé qu'à côté de Guy Môquet tu cites Aragon, celui de 'l'Affiche rouge'. Parce qu'il parle de Manouchian et que le poème d'Aragon est lové dans l'écriture de la dernière lettre du futur fusillé. Pourquoi dis-je cela ? Parce que ces étrangers "mais nos frères pourtant" ont davantage honoré la France que ces "bons Français" qui tranquillement la salissaient à Vichy. Parce que ce sont souvent des étrangers qui ont aimé notre pays plus que nous ne l'avons fait. Parce qu'ils portaient "des noms difficiles à prononcer", parce qu'ils considéraient que peut-être dans le mot France il y avait un désir de droit et - qui sait - une résistance cachée. »

 

"Ça va mal finir", par François Léotard, Grasset, mars 2008.

* "Mon" : François Fillon

Images empruntées à sarkostique

 

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7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 21:32

Une première - mais il peut y en avoir d'autres -  je laisse la place pour cet article à un maître d'école haut-normand  qui s'adresse à notre chanoine-président.

 

 

 

latran.jpgSur le grand cahier des opinions comptabilisant les incompétences supposées des enseignants, le Président de la République vient d'ajouter d’un coup de plume peu angélique une nouvelle doléance valant le détour, même si comme tous les chemins celui-ci mène à Rome, et plus précisément... au Vatican !

 

Au départ, il y a, après sa rencontre avec le pape, l'intronisation officielle le 20 décembre de Nicolas Sarkozy comme chanoine du Latran, étonnante cérémonie au cours de laquelle le président français a passé au Kärcher les fondements de notre république, dans la droite ligne de son livre sur le sujet (« La République, les religions, l’espérance »). Après s'être comparé aux religieux : «nous avons au moins une chose en commun, c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié on l’est dans toutes les dimensions de sa vie, croyez bien qu’on n’est pas Président de la République à moitié», le président a montré sa bonne connaissance du dossier : « Je sais aussi que la qualité de votre formation, la fidélité au sacrement, la lecture de la bible et de la prière vous permettent de surmonter ces épreuves».  Pire encore, parlant de la séparation des églises et de l'état, il a ajouté avec sa compassion sélective  habituelle : «je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905». Enfin, vint le coup de grâce évoqué en introduction : « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

 

Ah, c'est qu'on le connaît bien ce fonctionnaire grisâtre sans espérance, incapable de sacrifier sa vie et qui, à l'instar de "l'homme africain", jamais ne s’élance vers l’avenir, jamais ne sort de la répétition pour s’inventer un destin (discours de Dakar 26/7/07) ! Alors, pour une fois, inversons les rôles et, à grand renfort d’imagination, voyons ce qu'aurait dit un autre Nicolas Sarkozy, radical-socialiste celui-là, à un président qui mériterait franchement de se faire sonner les cloches :

 

"Dis donc toi qu'as fait ton droit, t'as pas bien compris ta leçon ou quoi ? Parce qu'entre c' que tu dis et c' que tu fais,  y a la place pour faire passer toute la grande parade d'Eurodisney et l' public qui va avec ! Y a personne qui t'a expliqué qu' d’puis plus d'un siècle  la République ne reconnaît, ne salarie ni n’ subventionne aucun culte ? Mais qu’est-ce qu’elle fout M’ame Chabot ? C'est quand même toi, l' garant des institutions, non ? Alors qu'est-ce qui t' prend d'amuser la racaille intégriste ? Arrête de fréquenter Bigard et son  "lâcher de salopes", oublie Clavier et ses imitations d' Jacouille, et file réviser l'article 1er d' la Constitution ! Tu verras qu' la République française est laïque, démocratique et sociale.

 

J't'explique. "Laïque", ça veut dire qu' malgré ton ambition débordante, tu dois pas convoiter la place du pape, c'est un péché. Et puis d’ toute façon, t'es nul en latin sans parler que côté séduction, ça t'obligerait à quelques abstinences contre nature. Tu dois aussi t’ rappeler qu’ la laïcité c’est la paix. Ensuite, "démocratique", ça signifie qu' tu peux pas tout commander tout seul tout le temps à tout l’monde. Normalement, toujours d'après cette foutue constitution, tu dois laisser ton Premier ministre ainsi qu' ses ministres gouverner un peu. Et puis, c’est pas toi qui fais les lois ! Quand l' peuple ("people" en anglais) refuse un traité de constitution européenne, c'est pas très démocratique de l'adopter quand même dans son dos.  « Démocratique », ça veut dire aussi que tu dois lutter contre les injustices au lieu de féliciter Poutine pour des élections truquées, de vendre des armes aux dictateurs et de mettre en prison les enfants des sans papiers. Attention, même ton nouvel ami, le Guide touristique Kadhafi, t'a grondé l'autre jour ! Pareil pour tes déclarations sur le caractère inné du suicide ou ton ministère de l’identité-nationale-et-des-tests-ADN.

 

Enfin, "sociale", c'est un peu plus compliqué à t'expliquer. Par exemple, quand t'étais hors-la-loi en refusant de construire dans ta commune les 20 % de logements pour les moins riches, t'étais pas très "social"... Pareil, quand t'as multiplié d'un seul coup d'un seul ton salaire par trois. Cherche bien, tu l'as fait d'autres fois avec ta nuit aux Champs-Élysées, ton yacht à Malte, tes vacances de milliardaire aux USA, tes avions privés et tout le tralala.  Même quand tu fais profiter tes amis de tes largesses en les emmenant au stade, au restaurant, chez l' pape ou en leur faisant cadeau d'un bouclier fiscal comme l'été dernier t'es toujours pas social. Crois-moi, tes CRS, c'est un autre bouclier qu'ils nous envoient quand on essaie de te l' dire. Faudrait qu’ t’en parle à Johnny, i’ t’ chantera tout ça. Enfin, arrête de nous sortir le grand « je » chaque fois qu' tu parles, on est dans la vraie vie terrestre nous, pas dans ton paradis de paillettes, gourmettes, Fouquet’s, jets et starlettes. Tu veux noter tes ministres à c'qu' i paraît mais toi, pour ton agression cléricale, c'est le conseil de discipline direct pour haute trahison !".

 

Plus sérieusement, l'instituteur de la République, attaché à la recherche de la vérité et non à la perpétuation des croyances, qui préfère les Hommes debout plutôt qu'à genou, qui refuse les fatalismes et autres déterminismes, n'en est pas moins laïque dans toutes les acceptions que couvre ce terme. Il est tolérant parce qu'il se souvient que dans les moments les plus dramatiques de notre histoire, des hommes et des femmes ont lutté côte à côte sans se poser la question de leurs croyances, sans chercher à  distinguer « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas » comme disait Aragon. Il sait, malgré des divergences profondes sur les motivations, que d'autres tentent de faire le bien autour d'eux. Et puis, il n'oublie pas que les grands criminels du XXème siècle, Hitler, Staline, Pol Pot ou Mao, n'ont pas eu besoin de l'opium du peuple pour expédier une partie de l'humanité dans leur enfer.

 

En tant que pédagogues, il faut aussi contester une vision des apprentissages qui prétend se faire par la délivrance de la bonne parole du haut de notre chaire. On n'apprend qu'avec le pouvoir de douter. Or la religion a la faiblesse des certitudes, émanant même de responsables prétendument incontestables et infaillibles. Voilà pourquoi cette vision est incompatible avec ce que le pédagogue met en place comme le tâtonnement expérimental ou la recherche documentaire. Il ne confond pas l’erreur et la faute, autorise l'expression, la communication, la création, l’accès direct aux connaissances, ne craint pas le débat et les initiatives. On s’amusera au passage en constatant que quelques autoproclamés « républicains » voudraient pourtant que l'on procède en classe comme à la messe, à coup de leçons ex cathedra où seule compterait la parole sacrée du maître ! 

 

Enfin, être laïque ce n'est pas comme on le dit trop souvent « respecter les religions » puisqu'on tue en leur nom et que la somme des interdits courant sur cette planète nous laisserait tout juste le droit de respirer, et encore, sur un pied et par le nez ! C'est au nom de dieu que l'on enferme, voile, torture, impose les mariages ou lapide. Au nom de dieu que l'on a freiné l'avancée de la science et de la médecine ou encore que l'on laisse parfois se propager le sida. Au nom de dieu, que l'on fait exploser un adolescent avec sa ceinture de dynamite ou que l'on explique de part et d'autre les attentats du 11 septembre, même si de toute évidence la religion sert parfois de prétexte pour asseoir d’autres pouvoirs. Mais être laïque, ce n'est  même pas « respecter les croyances », car jusqu'à preuve du contraire, elles ne sont fondées sur rien d'autre qu'un mélange de superstitions et d'explications antalgiques. Bien sûr, les légendes religieuses et leurs rituels ancestraux peuvent avoir un rôle apaisant dans les moments difficiles, mais marcher avec des béquilles s'avère dangereux quand on peut s'en passer. Non, dans sa pratique professionnelle, l’enseignant doit simplement respecter la sincérité des croyances, c'est-à-dire l'honnêteté intellectuelle de celui qui s'engage sur ces voies (voix ?) explicatives. Ni plus ni moins. C'est cette position ferme mais bienveillante qui permet de travailler avec toutes les familles auprès de tous les enfants (et avec tous les collègues !), pour l'acquisition d'un savoir qui encourage chacun à être totalement libre de ses choix intellectuels et spirituels, pour désirer une vie avec ou sans maîtres, avec ou sans dieux. Et ça, Monsieur le Président de la République, ni le pasteur ni le curé n'en seront jamais capables.

 

Sylvain Grandserre

Maître d’école (76)
sylvain.granserre@wanadoo.fr

Sylvain Grandserre est l’auteur d’Ecole : droit de réponses (voir http://education.devenir.free.fr/grandserre.htm)


 

Pour lire le discours du chanoine honoraire de Latran (un grand morceau d’anthologie) : http://www.elysee.fr/documents/index.php?lang=fr&mode=view&cat_id=7&press_id=819

 

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27 octobre 2007 6 27 /10 /octobre /2007 22:02

Laissons de côté, un moment, ce règlement de mécomptes – quelle idée d’ailleurs de démarrer sur une note aussi négative ?

Revenons sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre (virtuelle souvent) la lettre de Guy Moquet. Fallait-il la lire ou pas ? Le principal honoraire (j’aime cet honoraire) que je suis ne tranchera pas.

En revanche, il s’étonne que le porte parole de l’Elysée ait osé prétendre que cette lecture était obligatoire. Eût-il regardé, un tant soit peu, un site comme « Légifrance » qu’il eût appris qu’une circulaire n’avait aucun pouvoir réglementaire. Seuls lois, décrets et arrêtés ont ce pouvoir.

 

Maintenant, face à cet « ordre » quelque peu infantile du Président qui nous gouverne (constitutionnellement faux, mais objectivement vrai), j’eusse été tenté de lire – ou plutôt de faire écouter – « L’affiche rouge » d’Aragon (avec aussi quelques précautions contextuelles) en insistant sur ces vers :

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

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