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27 mars 2019 3 27 /03 /mars /2019 18:30
Clovis TROUILLE

La peinture exalte la couleur et l'érotisme, pourfend le sabre et le goupillon ..."

Je suis pour l’art noir,  pour le caractère Maudit. Je rejette la morale de la société bourgeoise, l’imposture de la religion, la morale de ses curés, son patriocularisme, je désire au contraire une société sans frontière.”

« Le grand maître du tout est permis », Clovis Trouille, tel que le nomme André Breton eût pu être, si le service militaire et la guerre de 14-18 ne l’avait happé, un bon peintre académique, après avoir décroché les premiers prix de l’école des Beaux-Arts d’Amiens.

Clovis TROUILLE

J'ai eu le bonheur de faire mes études de peinture dans un haut lieu d'art qui était l'école des Beaux-Arts d'Amiens. J'ai produit ce Jeune homme au chapeau de paille qui en est un exemple, n'est-ce-pas ? Je le considère comme mon meilleur tableau et c'était l'époque où je me considérais, je peux dire que j'étais un grand peintre à cette époque-là et que, malheureusement je n'égale plus cette époque là, parce que j'ai eu le traumatisme de la guerre, n'est-ce pas, qui m'a séparé de la peinture. Je dis bien à cette époque là, je ne vivais que pour la peinture, que pour elle. J'étais un véritable artiste. Mais je ne suis plus un véritable artiste, parce que j'ai eu le traumatisme de cette guerre là. Je suis devenu anarchiste, et la peinture que je fais est anarchiste et surréaliste, tout ce que vous voulez, mais elle n'a plus cette qualité, cette poésie de cette époque."

Il n’en fut rien, car, comme il le dit, la Guerre 14-18 le détourna d’une carrière classique de bon élève des beaux-arts.

Nous étions la génération sacrifiée. Privé d’amour au meilleur âge de la vie, je sortis de cette guerre abruti par les dangers, l’œil furieux, le cœur plein de rage…Toutes les belles années de ma vie se sont passées à la guerre, n’est-ce pas je ne pardonnerai jamais une infamie pareille. La patrie, c’est le pays où l’on peut vivre le mieux, ce n’est pas autre chose ; ce n’est pas l’endroit où l’on est né. La patrie, c’est le pays où l’on peut être heureux. C’est ça la patrie que l’on a à défendre, et non pas un pays, un pays qui nous fout toute notre vie dans des guerres."

Son gagne-pain fut de peindre des mannequins en cire qui ornaient les vitrines de l’époque. Il se définissait lui-même comme un « peintre du dimanche », peintre, cependant, fidèle à la peinture figurative (il qualifiait Miró de barbouilleur), mais utilisant le décalque de photos, voire le collage, comme Pierre Molinier, mais de façon moins systématique.

Clovis TROUILLE

Peintre du dimanche, son œuvre est peu abondante – 120 tableaux répertoriés – d’autant qu’il les reprend maintes fois comme son « rêve claustral ». Il n’a pratiquement rien vendu de son vivant, n’ayant gagné quelques royalties qu’avec la comédie musicale « Oh ! Calcutta ! » qui reprit et le titre et la reproduction d’une de ses œuvres.

L'échec commercial [est] pour moi, spirituellement, un succès, et la vente, un triste signe de conformisme bourgeois, ayant toujours considéré ma peinture comme anarchisante, démodée et anticommerciale."

Clovis TROUILLE

Remembrance est mon premier tableau d'après guerre. Il a été exposé en 1930 au premier Salon des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires sous l'égide de Vaillant-Couturier. C'est là que j'ai connu les surréalistes - Eluard, Aragon, Dali, Breton qui se sont arrêtés devant ce tableau anti-tout.

Clovis TROUILLE

Remembrance met en scène un cardinal dont le manteau pourpre s’ouvre sur des jambes efféminées avec porte-jarretelles et bas noirs* tandis qu’un académicien reçoit en pleine figure le pet d’un animal. Au premier plan du tableau, des squelettes de soldats en uniforme (l’un français l’autre allemand) serrent dans leurs bras un lapin au pied d’une croix de bois portant comme seule inscription 1914-1918, la sale guerre où ils se sont fait tirer "comme des lapins". Et c’est au prix de furieuses contorsions que la République détourne de sa vue la pluie de médailles qu’elle déverse du ciel sur les planqués. (BPA)

J'ai toujours été contre l'imposture des religions. Est-ce en peignant la cathédrale d'Amiens que j'ai pris conscience de tout ce music-hall ?"

Clovis TROUILLE

La pécheresse à la cathédrale d'Amiens

Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE

Les inquisiteurs à la recherche du signe du démon qui marque la sorcière

Clovis TROUILLE

Religieuse italienne fumant une cigarette

Clovis TROUILLE

Dialogue au Carmel

Clovis TROUILLE

Le rêve claustral

 

« [Clovis Trouille] ne voulait rien vendre. Je lui ai proposé de faire un livre sur lui. Nous sommes devenus amis et il m’a cédé une toile représentant des bonnes sœurs s’embrassant. Un peu plus tard, il m’appelle et me demande de lui rapporter la toile… J’étais un peu inquiet pensant qu’il cherchait à la récupérer. Il m’a simplement dit qu’il voulait la garder quelques jours et quand il me l’a restituée, il avait ajouté quelque chose: la bonne sœur dans le trou, captivée par la scène du baiser entre deux nonnes. Un an plus tard, il me demande de revenir encore une fois avec le tableau. Et encore une fois il le garde pendant plusieurs jours. Quand il me le rend, il a ajouté deux petits livres de messe tombés sur le sol. Une troisième fois, Clovis Trouille me fait savoir qu’il voudrait encore ajouter un petit détail à son œuvre « inachevée ». Cette fois, il garde la toile assez longtemps et quand il me la rend, je n’ai pas tout de suite remarqué ce « petit détail » : un grain de beauté sur la cuisse dénudée de la bonne sœur. » Daniel Filipacchi

 

Clovis TROUILLE

Le baiser du confesseur

LE VICE ET LA VERTU

 

Son souvenir s’invita un beau jour au détour d’une conversation, avec son nom si particulier, comique si l’on veut… Je veux parler du peintre Clovis Trouille. Cet artiste provocateur et pourtant discret est peut-être la figure la plus emblématique de ce qu’on pourrait appeler l’érotisme anticlérical, avec ses nonnes callipyges, ses sœurs tourmentées par de moites désirs, ses moniales, débauchées par des prêtres paillards, et qui se prêtent volontiers au jeu. Dans cette forme d’inspiration, le couvent apparaît comme la figure symétrique et inversée du bordel. Les deux lieux, sans doute, et leurs femmes, enfermées dans d’austères cellules ou de luxueux lupanars, suscitent bien des fantasmes. Mais où le bordel exhibe ses impudicités, le couvent s’emploie à les cacher. La vertu des maisons closes réside dans cette transparence, et la part faite au vice le cantonne à d’indispensables assouvissements, l’annule presque. Les dames, le reste du temps, peuvent s’adonner à d’anodines activités et, si l’on en croit La Maison Tellier, montrer une surprenante sentimentalité. Si le démon existe, il doit finalement trouver bien ennuyeux le bordel et, on le soupçonne, il doit lui préférer le couvent. Ici, les formes les plus exaltées de l’amour finissent par se confondre avec un éréthisme des sens que l’interdit ne fait qu’attiser. Les royaumes du Diable et du Bon Dieu sont si proches… Et cette proximité est un scandale absolu pour tous les tartuffes qui hantent pourtant ces indécises frontières. La censure ne s’y trompe pas qui ne s’effarouche guère des grivoiseries, des grosses gaudrioles inspirées par nos péripatéticiennes, mais qui avait interdit La Religieuse de Rivette, adaptée du livre de Diderot, et traitée comme un vulgaire brûlot.

 

Yoland SIMON

Variations. (éditions du chameau)

Clovis TROUILLE

Le bon confesseur

Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE

L'immenculée conception

En deux versions, l'une où l'acte est pudiquement masqué par des chauve-souris et l'autre plus directe).

Clovis TROUILLE

C’est tout simple. Habituellement, le Christ loge sur une croix en se tenant pendu par les bras, façon aviateur antique. Jarry disait que c’était plutôt un cycliste qui cyclait à l’envers, couché sur le dos. Moi, je penche pour l’aviateur dans les débuts, genre Icare, mais sur un cadre en bois posé à la verticale comme une fusée au décollage.

Donc, dans mon tableau, il y a la croix, mais sans le Christ, car il est descendu au milieu de la cathédrale comme il était habillé avec juste une petite liquette pour cacher sa…, je vous laisse trouver la rime, enfin, vous voyez ce que je veux dire et puis sur la tête, un drôle de bandana clouté, modèle pour masochiste.

Il est là, ce pauvre Christ, au milieu de la nef de la cathédrale et il se tient les côtes tant il rit, il rit, il rit.

C’est un Christ joyeux, pas du tout dans la douleur.

Il rit, car il vient de découvrir le monument qu’on a construit en son honneur. Il se marre de l’absurdité de la chose.

Après ça, aller dire que je ne suis pas anticlérical. Le propos du tableau est très clair : je me fous carrément de Dieu et de tout le saint bazar et le Christ aussi, apparemment. (Athées)

Tel Brassens, il a envisagé avec les plus grand sérieux son enterrement : funérailles et tombeau.

Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE

Les bigoudens à la coiffe phallique l'inspirent.

Clovis TROUILLE

Le présent des Gaules

Il ne se refuse pas à plagier l'orientalisme, avec de fiers spahis qui défilent tandis que des belles, derrière les épis (et deux moines dont l'un à l'état de squelette), se font dorer en bikini ; mais c'est aussi une odalisque quand ce n'est pas une danseuse de bordel ou des belles qui sortent des sarcophages.

Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE

Autre source d'inspiration la rue, son bordel, ses affiches de ciné et ses réclames ...

Clovis TROUILLE

 Naguère ou "le 106 n'était pas consigné à la troupe" 1942

La porte au fond avec la femme encastrée c'est l'image exacte du bordel (avec son N° exact ), qui se trouvait derrière l'École Militaire.

Clovis TROUILLE
Clovis TROUILLE

La rue des enfants trouvés,

avec le détail de l'affiche cinématographique où l'on voit mieux la main de "ma soeur", à noter que "le 106 n'était pas consigné à la troupe" apparaît au-dessus des vespasiennes, à noter aussi les réclames portées par l'homme-sandwich. Quant à ce "pan-pan l'arbi" qui orne la façade du bordel, il renvoie à une chanson guerrière et coloniale.

Le zouave se retrouve avec un cochonnet sur le bras et une promise cuitée entre les jambes.

Clovis TROUILLE

La poésie est aussi source d'inspiration.

Clovis TROUILLE

Le bateau ivre

sur sa proue : "Ni dieu ni maitre"

Le poète aussi l'inspire (en l'occurrence Breton)

Clovis TROUILLE

Le poète rouge

C'est une toile où le peintre s'attaque à tous les pouvoirs. Devant la « prison des poètes non-conformistes » est installée une guillotine. Un poète avec une cape noire ressemble aux anarchistes du début du XXe siècle. Planqué derrière une pissotière, il tire sur le bourreau. Pour que les flics servent à quelque chose, ils ont dans le dos une pendule, un baromètre ou un plan de Paris. Les femmes des poètes, en tenue de nuit, tiennent à la main des mitraillettes et se préparent à l'assaut. Le poète rouge est André Breton qui « cherche l'or du temps à bord d'une planète égarée ». Au premier plan, un monument en forme de phallus a été érigé en l'honneur de Sade mais il est surmonté d'un buste du pape Pie XII... (CIRA Marseille)

Sade encore est le thème d'une autre toile.

Clovis TROUILLE

Dolmancé et ses fantômes de luxure

La fête aussi est là.

Clovis TROUILLE

Madame Rosa voyante

Clovis TROUILLE

Chez la princesse et le tsigane

Clovis TROUILLE

Le magicien

Clovis TROUILLE

Le bon désir à belle époque

Clovis TROUILLE

Le palais des merveilles, hommage au Modern style

Clovis TROUILLE

Partouse

Comme une synthèse, avec son sacristain pelotant la jeune tambourineuse, le prêtre quasi nu avec sa calotte et son rabat qui cache ses attributs virils qui contemple la jeune fille haut perchée, le maire perché aussi jouant du cor de chasse,  le moine et le zouave, zouave qui yeute les cuisses de la jeune fille au-dessus de lui, les deux vierges amoureusement penchées l'une vers l'autre sous le regard inquiétant d'un moine accroupi dans une niche et à l'arrière-plan un fantôme qui fait voler son voile. pour découvrir ses dessous...

Clovis TROUILLE

Sous le culte des sorcières en flirt

Ce qui m’intéresse le plus dans mon oeuvre, c’est sa valeur intrinsèque : la couleur, la matière. Ce qui n’intéressait pas Breton; il n’était pas rétinien; il ne voyait que l’histoire. Ce qui compte, c’est la composition, la matière : ce que j’étudiais au Musée de Picardie en présence de Velázquez. Je me situe de façon très indépendante. Je n’ai jamais admis le cubisme. Ça ne m’émouvait pas. J’aime peindre la beauté féminine. J’ai cherché toute ma vie ce qu’il y avait de plus beau dans la nature pour l’exprimer dans mes tableaux. Je n’ai rien trouvé de plus beau que le nu de jeune fille. Pour les hommes qui sont hommes, c’est un spectacle émouvant. Par le sexe de la femme, c’est Dieu qui se révèle. Je ne me suis pas attaché à peindre des hommes dans mes tableaux. Vous savez, l’homme, c’est pas drôle."

Clovis Trouille, individualiste anarchiste, ne fera pas partie d'un groupe - il signa quelques textes surréalistes, mais ne participa à aucune réunion. Molinier était proche de lui qui envoya une de ses oeuvres à M. et Mme Trouille.  Sans doute eût-il quelques affinités avec Picabia. Dans la génération suivante, Jac Zap lui rend hommage.

 

 

* La réalité rattrape la fiction puisque dans Amores Santos un évêque soulève sa soutane et dévoile une culotte de dentelle rouge.

 

En complément

On peut aller sur le site qui lui est consacré ou sur la page fessebouc.

Un aperçu de ses oeuvres ici, ici ou ici...

Pierre Tisserand l'a chanté dans "Mon enterrement"

Et si vous aimez les comédies musicales, regardez "Oh ! Calcutta"

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