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23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 08:09

Sujets récurrents et chiffres mensongers* : la fameuse baisse de niveau qui n’atteint jamais l’étiage qui va se conjuguer en élèves de 6e qui ne savent plus lire ni écrire, en bacs bradés et en universités poubelles…

 

* Un exemple quasi caricatural de ces chiffres en est donné par Caroline Brizard du Nel Obs : dans un article sur le bac, elle osait comparer le pourcentage de bacheliers par rapport à une classe d'âge en 1936 (3%) avec celui des reçus par rapport aux candidats en 2007 (83%), ce qui n'a aucun sens.

Point de vue, Yves Mény Ouest-France 22 août 2013

Point de vue, Yves Mény Ouest-France 22 août 2013

Les 50 % d’échecs en 1ère année d’Université  souvent mis en avant se transforment sous la plume de M. Y. Mény, politologue, en « quasiment une moitié des effectifs initiaux » qui « quitte les bancs de l’enseignement supérieur sans diplôme » « deux ans après ». (Ouest-France 23/08/13).

 

Contre vérité flagrante !

 

Certes seulement 52% des bacheliers inscrits en 1ère année de licence (L1) se retrouvent en L2 l’année suivante. Mais comme le rappelait le sénateur UMP, C. Demuynck, dans un rapport sur le décrochage à l’université (2011)*, "les taux d'échec, souvent soulignés, de fin de première année de licence universitaire occultent souvent une réalité bien plus positive de notre enseignement supérieur. Huit jeunes Français sur dix qui s'inscrivent dans l'une de nos formations du supérieur en sortent avec un diplôme". Et il affirmait que "la France fait partie des 'bons élèves' de l'OCDE notamment grâce à la diversité de son système, sa quasi gratuité dans de nombreux cas, son système de bourses, ses possibilités de réorientation des études longues vers les courtes."

 

M. Mény commet donc une lourde erreur en confondant taux d’échecs en L1 et taux de décrochage au bout de deux ans, en oubliant donc que, outre les fumistes qui traînent un peu en cours de route, beaucoup d’étudiants travaillent pour survivre, donc certains font les parcours de la Licence, non pas en 3 mais en 4, 5 voire 6 ans. D’autres vont se réorienter (BTS en alternance par exemple).

Une analyse honnête devrait aussi porter sur les bacs d’origine : les bacs généraux, bien qu’écrémés par les classes préparatoires et colonisant un peu les BTS (20 %) et surtout les IUT (60 %), ont un taux de réussite bien supérieur à 50 % ! Les échecs et les décrochages frappent donc essentiellement les bacs technos et surtout les bacs pros égarés à l’université.

 

Mais le politologue ne sort son chiffre inventé de toute pièce que pour attaquer la gratuité – relative – de l’université et la non sélection à l’entrée.

Du mensonge au service d’une idéologie !

 

* On ne soupçonnera pas ce sénateur (à l’époque) UMP d’être un affreux pédagogo comme disait élégamment J. Julliard, cependant il prône dans son rapport plus de « pédagogie » à l’Université !

Photo UNEF (université du Maine Le Mans)

Photo UNEF (université du Maine Le Mans)

En guise de commentaire, une lettre de lecteur à Ouest-France (non parue, évidemment) de J.-P. Landais

Outre les citations de l’ami GG (voir « commentaire »), j’ai reçu copie de ce courrier à Ouest-France de mon éminent collègue Jean-Pierre Landais qui, retraité actif, fait vivre l’Huma-café à Nantes. Inutile de dire que le social-démocrate, cédétiste, que je suis,  ne partage pas entièrement le point de vue conclusif de J-P Landais, même s’il revendique aussi une véritable école pour tous.

 

N.B.  Texte en gras, liens et note sont de mon fait.

« TOUS CAPABLES ! » le vrai débat !

 

Dans un Point de vue publié dans Ouest-France (22 mai), intitulé « Universités : le grand malentendu », Jean-Pascal GAYANT Professeur de Sciences Economiques à l’Université du Mans, réchauffe, pour résumer, le plat ancien de l’intelligence abstraite opposée à l’intelligence manuelle. On aurait pu attendre d’un universitaire de renom et ancien vice-président d’une université, dans laquelle il a accompli sa carrière depuis 1998, davantage de clairvoyance et de retenue.

 

Expliquer, en quelque sorte, l’échec massif en 1ère année par une organisation « absurde », qui laisse entrer des bacheliers « venus là par défaut », faute d’admission dans les filières sélectives (classes Prépas, BTS et autres),  « peu à même de profiter [d’] enseignements abstraits … loin des compétences concrètes requises dans les métiers moyennement qualifiés » … « constituant ainsi une fraction non négligeable d’étudiants [qui n’a pas] le bagage intellectuel suffisant pour suivre les cours », face à des enseignants qui «  ne parlent pas la même langue », est selon moi, d’une grande exagération.

 

Pour les avoir gérées, je considère, en ce qui concerne les filières courtes (BTS) qu’elles ne sont sélectives que parce que les places y manquent et non parce qu’elles seraient plus « faciles ». Quant au Classes Prépas, j’en ai ouvert, pendant cinq années, le recrutement bien au-delà des limites habituelles ou permises, sans diminuer leur efficacité en terme de réussite.

 

Mieux encore, y aurait-il une marée de bacheliers professionnels qui menaceraient les chevilles des universitaires ? Si le propos laisse planer le doute – il n’existe ni statistiques, ni analyse affinée par discipline – il y a là au moins prévention de stigmatisation !

 

Rien ne permet d’affirmer que Jean-Pascal Gayant n’est pas progressiste, mais laisser entendre que la seule solution soit « l’orientation sélective » en vue de placer « chaque étudiant face aux enseignants les plus aptes à les faire progresser et réussir » reste quand même parfaitement rétrograde, d’autant plus que rien n’est dit ni des étudiants (tous types de baccalauréat ?), ni des filières d’accueil, ni des enseignants (enseignants-chercheurs uniquement ?), ni des conditions sociales qui font par exemple que de très nombreux étudiants (50% ?) travaillent pour subvenir à leurs besoins.

Echecs à l’université : une contre-vérité flagrante !

Et pour poursuivre sur le débat actuel sur l’Université, faut-il se résumer à la seule question de l’Anglais comme langue d’enseignement ?

 

En pleine médiatisation du rapport de la Cour des Comptes, qui porte alors bien son nom et au moment où Vincent Peillon – qui s’en félicite ! - propose une refondation  bien peu inventive dont la question des rythmes scolaires a constitué un formidable rideau de fumée, les différentes interventions ramènent toutes à la stratégie de Lisbonne (2000).

 

L’heure n’est pas à « moins d’école » mais au contraire à « plus d’école », une école obligatoire de 3 à 18 ans, une refonte des contenus, une avant-dernière ou une dernière année de lycée de « détermination » universitaire ou professionnelle … et pour couronner le tout une amélioration substantielle  du système universitaire.

Laissons « L’Ecole Libératrice » à son niveau, fort respectable d’ailleurs, des années 50, celui du Certificat d’Etudes Primaires, faisons pour de bon un sort à « L’Egalité des Chances », miroir inversé de la méritocratie libérale !

 

Des champs nouveaux peuvent s’ouvrir, les bases théoriques et pédagogiques en sont déjà opérationnelles (GRDS, ESCOL, GRFDE, réseaux divers de recherche et de proposition*).

 

Ne ratons pas le défi d’élévation générale du niveau de connaissances !

Un projet pour l’Ecole, c’est un projet de société, ne passons pas à côté !

 

Jean-Pierre LANDAIS

Proviseur honoraire (au Mans, 1991-1999: Lycées Le Mans Sud et Montesquieu)

Commandeur de l’Ordre National des Palmes Académiques

 

* Par exemple, Education & Devenir, CRAP (cahiers pédagogiques)

 

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23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 19:07

 

« Moi, j’vais vous dire une chose, Laurence Ferrari,  moi, j’fais totalement confiance à la  Justice » N. Sarkozy


 

misenexamen 00La mise en examen de Nicolas Sarkozy ne doit pas faire oublier le principe suprême de la présomption d’innocence. Principe qu’il a lui, largement violé, au moment de l’affaire Clearsteam. Que cette mesure soit contestée par ses avocats est tout-à-fait normal. Que Guano, pétant un câble, pousse des cris de haine à l’encontre d’un des trois juges, est plus que déplacé, grotesque !

 


 

La présomption d’innocence dont peut se prévaloir l’ex-président de la République, après sa mise en examen pour abus de faiblesse de la femme la plus riche de France, il ne l’a, lui, jamais respectée. "Au bout de deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont estimé que les coupables devaient être traduits devant un tribunal correctionnel", a-t-il lâché, le 23 septembre 2009, à propos de D. de Villepin inculpé dans l’affaire Clearsteam.  Ire des avocats : "M. Sarkozy affirmait de New York, devant toute la France, que M. de Villepin était coupable, car il était traduit devant un tribunal". "C'est cela le respect de votre tribunal, de votre parquet? C'est cela le spectacle que le président donne à la France de notre justice ?", avait lancé Me Olivier Metzner. "C'est une atteinte scandaleuse aux principes fondamentaux", avait appuyé son confrère, Me Henri Leclerc. Sarkozy récidiviste, puisqu’il avait qualifié Yvan Colonna d’assassin avant son procès.


Le respect du secret de l’instruction n’a préoccupé l’ex-président que quand ce n’était pas lui qui le violait. Au début de l’affaire Bettencourt, devenu, grâce à lui faut-il le rappeler*, affaire Woerth, alors que, dans un entretien à Mediapart la comptable de la milliardaire faisait déjà état de ses visites, il avait mobilisé Courroye – dit de transmission – pour faire quasiment interpeler la dame et la soumettre à un interrogatoire policier à la légalité des plus douteuses. Interrogatoire dont le contenu, illustré par des photocopies des PV, apparaissait sur Le Figaro du lendemain. Le dévoué Etienne Mougeotte les aurait récupérés à l’Elysée et avait titré mensongèrement que Sarkozy était en dehors de l’affaire.


El Païs compare les amis de Sarkozy à ceux de Berlusconi

misenexamen 001

Après la mise en examen de Sarkozy, El Païs, grand quotidien espagnol, juge que la réaction de la droite française rappelle celle de la droite italienne, mettant en cause les accusation et condamnations infligées à leur leader, Silvio Berlusconi : les ibères sont rudes ! (« La reacción de la derecha gala recuerda mucho la actitud que emplean los conservadores italianos cuando valoran las imputaciones y condenas infligidas a su líder, Silvio Berlusconi. Unos han acusado al juez de actuar por motivos políticos, otros de encarnizamiento contra Sarkozy, y no ha faltado quien, como el exredactor de los discursos del expresidente, Henri Guaino, acusó al juez de haber deshonrado a la justicia. »).

 

 

Guano est un habitué du pétage de plomb, de durite ou de câble. Mais là il dépasse tout. Le juge Gentil « a déshonoré un homme, les institutions, la justice ». Il ne recule devant rien dans l’outrance : "Ce serait risible si cela ne salissait pas l'honneur d'un homme qui, ayant été président de la République, entraîne dans cette salissure la France et la République elle-même".

Même la très modérée Union syndicale des magistrats, USM, a trouvé que l’ex-nègre de Sarkozy poussait le bouchon au-delà des limites de la décence. Son Président a même qualifié les propos de Guano d’abjects et l’a affronté sur Canal +.


Mais, pire, Laurent Wauquiez, a mis en question l’indépendance des juges et affirmé qu’il ne croyait pas au hasard du calendrier ; quand Guano se contente d’insulter, lui met en doute l’indépendance des trois juges d’instruction en affirmant qu’il y a eu une utilisation de la justice à des fins politiques, par cette mise en examen la même semaine que la démission de Cahuzac. Wauquiez est au niveau de Lionnel Luca qui en rajoute une louche, en dénonçant un complot des juges et des socialistes pour favoriser la réélection de François Hollande en 2017 !


Inutile de rappeler que, s’agissant de Cahuzac, c’est la décision d’un procureur, François Molins, nommé à ce poste par la droite, qui a décidé de transformer l’enquête préliminaire en information judiciaire, confiée à deux juges d’instruction. Et que c’est du temps de la droite, après que le procureur Courroye a complétement pourri le travail de la juge Isabelle Prévost-Desprez chargé de l’affaire Bettencourt, que le dossier a été dépaysé à Bordeaux. Inutile de rappeler que les juges sont totalement indépendants, c’est une notion que la droite n’a jamais vraiment comprise.


En voulant salir la Justice, Guano mais surtout Wauquiez se déshonorent et se salissent eux-mêmes. Au risque de nuire au travail des avocats : en mettant la chambre d’instruction sous pression, ils risquent de froisser ses membres qui ne peuvent que se sentir visés, comme leurs collègues, par ces calomnies. Sarkozy, dans cette affaire, comme dans les autres (Karachi, Khadafi, Tapie-Lagarde…) bénéficie de la présomption d’innocence. Les réactions indignes et surtout exagérées de ses amis risquent d’entacher cette présomption de pires soupçons.


 

* Olivier Metzner, avocat de la fille de L. Bettencourt, avait obtenu de Courroye, procureur chargé de l’affaire Bettencourt, purement familiale au départ, l’assurance qu’il resterait neutre. Mais Sarkozy ayant reçu la mère à l’Elysée, Courroye veut du coup enterrer l’affaire au détriment de la fille. Comme par miracle les bandes enregistrées par la majordome surgissent sur Mediapart et, ce que l’on oublie, aussi sur Le Point. Le nom et le rôle de Woerth apparaissent alors. Sarkozy, par son intervention, a réussi l’exploit de faire d’une affaire privée une affaire politique dans laquelle il est mis en cause. Chapeau l’artiste.

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 21:05

creche-babyloup

La cour de cassation a donc annulé le licenciement de l’employée d’une crèche, pour cause de port de foulard dit "voile islamique". Et Manuel Valls a perdu une occasion de se taire, en se contentant de respecter une décision de Justice.

Premier constat, la lenteur de la justice : jugement en 2008, confirmé par une cour d’appel en 2011, cassé en 2013. Deuxième constat : comme il se doit la cour de cassation se prononce en Droit et confirme un avis de la Halde qui avait valu à son président un déchaînement haineux. Troisième constat : un immense gâchis.

Eh oui ! n’en déplaise aux braillards qui crient « au coup de poignard dans le dos de la laïcité », la France reste malgré tout un état de Droit. En tout cas la cour de Cassation fonde ses décisions sur le Droit. Elle ne se prononce pas sur le fond – elle renvoie l’affaire à la Cour d’Appel de Paris – mais casse l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (Yvelines), qui avait confirmé en octobre 2011 le licenciement, pour port du voile islamique, d'une salariée d'une crèche.

Crèche associative en tout point remarquable, qui rend d’incontestables services au public concerné, mais qui est de droit privé. "Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché", écrit la chambre sociale de la Cour de cassation dans un communiqué. "Tel n'est pas le cas de la clause générale de laïcité et de neutralité figurant dans le règlement intérieur de l'association Baby Loup applicable à tous les emplois de l'entreprise. Une telle clause étant invalide, le licenciement de la salariée pour faute grave aux motifs qu'elle contrevenait aux dispositions de cette clause du règlement intérieur constitue une discrimination en raison des convictions religieuses et doit être déclaré nul". C’est ce que disait déjà la Halde dans un premier avis  "Le fait que l'association Baby Loup reproche à Mme A. d'avoir refusé d'ôter son voile islamique sur le fondement d'un règlement intérieur illicite, établit à lui seul que la décision de licencier Mme A. n'est pas étrangère à sa religion, sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte les autres motifs du licenciement."

La crêche Baby Loup, à Chanteloup-les-vignes, est née à l’initiative de Natalia Baleato, sage-femme, réfugiée politique, ayant fui le Chili, puis l’Argentine. Ouverte 24 h sur 24, sept jours sur 7, elle offre une solution aux mères seules, astreintes dans leur travail à des horaires éclatés ou décalés. Elle est aussi un outil de formation et de promotion pour ses salariées. Fatima A. en est un parfait exemple, puisqu’elle a démarré à la fondation en 1991 comme assistante maternelle en contrat emploi-solidarité. Six ans plus tard, elle décroche le diplôme d’éducatrice (niveau Bac+2) alors qu’elle avait quitté le collège après la cinquième. Elle était devenue directrice-adjointe.

 

La fondatrice, qui se dit «laïque mais respectueuse de toutes les opinions», avait fait inscrire dans le règlement intérieur (RI) une obligation de "neutralité philosophique, politique et confessionnelle".

creche-afifFatima A., de retour de congé parental, décide de porter un fichu que les pseudos spécialistes nommeront hijab et qui sera, pour les médias, « voile islamique ». Le genre de conflit où, dès qu’on en fait une question de principes, ne peut que s’envenimer. D’autant qu’il se nourrit inconsciemment de ressentiments et de soupçons. Eh quoi ! celle qui nous doit sa formation refuse de se plier au RI ; en quoi, mon fichu peut influencer des bambins ; entrisme vs racisme…  A partir du moment où les médias s’emparent du conflit, ça ne peut aller que de mal en pis.

 

creche-Baby-Loup-desaccord-entre-la-Halde-et-sa-presidente-Après que Jeannette Bougrab, succédant à L. Schweitzer, eut désavoué son prédécesseur, Fatima A. a affronté la grosse artillerie. Bien sûr tous les identitaires – gaulois, de souche, catholiques et français toujours, faux laïcs et vrais xénophobes, tous pourfendeurs de sarrazins au cimeterre entre les dents – se sont déchaînés et vont encore se déchaîner. Mais aussi Manuel Valls, maire d’Evry à l’époque, Elisabeth Badinter, au nom des grands principes laïques, la condamnaient. L’avocat de l’association Baby Loup, Richard Malka, conscient sans doute de la faille juridique, axa son réquisitoire sur le fait que la crèche « qui fonctionne 24 heures sur 24 et sept jour sur sept est une activité de service public et donc astreinte à la neutralité ».

creche richard-malka-un-des-avocats-de-la-creche-et-natalia

C’est à cette question que la Cour de cassation répond négativement. Est-ce que ça doit amener Me Malka à des réactions outrancières comme "C'est tout l'édifice de la laïcité qui se fissure aujourd'hui" ? Est-ce que ça doit autoriser un Ministre à bafouer le respect des arrêts d’une des plus hautes juridictions en déclarant : "En sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision de la Cour de cassation aujourd'hui sur la crèche Baby Loup et sur cette mise en cause de la laïcité".

 

Qu’un avocat ait le verbe un peu trop véhément – qu’elle serait fragile notre belle laïcité si une décision fondée en Droit la fissurait – rien que d’habituel. Mais le Ministre ferait bien de s’inspirer d’un de ses lointains prédécesseurs, cheville ouvrière de la Loi de 1905, qui prônait une « laïcité de sang-froid* », Aristide Briand !

 

* « Je crois pouvoir dire à mes amis : Ayez du sang froid, sachez résister aux  surenchères, ne craignez pas d’être taxés de modérés, d’opportunistes. Personnellement, j’ai été traité de clérical, à cause de la modération de mon projet [de séparation des Eglises et de l’Etat] ; peu importe ! Le pays nous saura gré de la sincérité de nos efforts. »

NB Le même jour - 19/03/13 - la cour de cassation rejetait le recours d'une employée d'une Caisse primaire d'assurance maladie, dans un arrêt qui donne tout le sens de la laïcité : "la mise en oeuvre du principe de laïcité [est] de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public".

 

Pour compléter : Baby-Loup : "La Cour de cassation défend une liberté publique"

 

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 21:30

pape_pagina12.jpg

 

Le grand air de la calomnie, orchestré par des éléments de gauche anticléricale, tenterait de souiller la blanche soutane du nouveau pape. Dans le collimateur du Vatican, Pàgina 12 et son patron Horacio Verbitsky. Qui se défend vigoureusement.

 

Les vieillards du conclave ont désigné un vieillard comme patron. Peut-être sera-t-il leur Kroutchev ? Cet argentin imprévu, à 76 ans, a connu la dictature militaire. Il était dans ces sales années, provincial des jésuites*.

 

pape_iglesiaymilicos.jpg Ce qui est sûr, c’est que la hiérarchie de l’église argentine a non seulement fermé les yeux, mais approuvé le coup d’état de mars 1976. “Les principes qui régissent la conduite du général Videla sont ceux de la morale chrétienne. C’est un militaire de premier ordre et un catholique extraordinairement sincère et fidèle à sa foi”, a déclaré le vicaire et président de la Conférence épiscopale Argentine, Adolfo Tortolo, ajoutant que des “mesures dures et violentes” devaient être prises contre la subversion.

 

pape_Von_wernich.jpg Contrairement à l’église espagnole, les prélats argentins, dont Mgr Bergoglio, ont reconnu des défaillances de l’église – officielle, car de nombreux prêtres et religieux-ses, dont le seul crime fut d’être fidèle à Vatican II, ont été victimes de tortionnaires – pendant la dictature. Cependant, le seul prêtre condamné, Christian von Wernich, ex-aumônier de la police de Buenos Aires, avait été exfiltré au Chili où il officiait sous un faux nom. Et en mai 2007, alors qu’il ouvrait l’Assemblée plénière de l’épiscopat, son président, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, a laissé entendre que le procès de von Wernich faisait partie d’une campagne de persécution calomnieuse envers l’institution religieuse.

 

C’est la même ligne de défense prise par le porte-parole du Vatican face au rappel par Pàgina12 de l’attitude de J. Bergoglio vis-à-vis de deux autres jésuites. Federico Lombardi, jésuite lui aussi, dénonce une campagne venant d'«éléments de la gauche anticléricale pour attaquer l’Eglise et [qui] doivent être rejetées». «Il n’y a jamais eu d’accusations crédibles à son encontre » concernant l’enlèvement la détention et la torture, pendant cinq mois, des deux jésuites Orlando Virgilio Yorio et Francisco Jalics. F. Lombardi ajoute que l’un des jésuites, Jalics, aurait co-célébré une messe avec J. Bergoglio, devenu évêque, à Buenos-Aires.

 

pape_mignone.jpg Horacio Verbitsky, contre-attaque dès le 17 mars avec « Cambio de piel ». Il rappelle que les premières accusations contre Bergoglio ont été formulées avant que son journal soit créé, par Emilio F Mignone. Mignone fut directeur de l’organe officiel de l’Action Catholique, Antorcha (Flambeau), fondateur de l’Union fédérale démocrate chrétienne et haut fonctionnaire pour l’éducation avant de devenir recteur d’une Université. Rien d’un gauchiste suppôt de guerilleros. Un fervent chrétien qui n’a pu exercer ses fonctions qu’avec la bénédiction de l’église.

pape-fille-de-mignone.jpg Sauf que sa fille, Mónica Maria Candelaria Mignone, à 5 h du matin, le vendredi 14 mai 1976, a été enlevée, torturée et a disparu, sans doute jetée à la mer. « Los militares limpiaron “el patio interior de la Iglesia, con la aquiescencia de los prelados » (Les militaires n’ont pu nettoyer l’arrière-cour de l’église, sans l’assentiment des prélats), écrit-il dans son livre Eglise et dictature. Un prélat, Vicente Zazpe, lui aurait révélé qu’il était convenu qu’avant d’arrêter un prêtre, les forces armées préviendraient son évêque. Pour Mignone, le fait que, pour refus de quitter le bidonville où les deux prêtres exerçaient leur ministère (manquement à l’obéissance), le Provincial leur ait retiré l’appartenance à la compagnie de Jésus, a été considérée comme une autorisation à leur arrestation. Bergoglio fait parti des “pastores que entregaron sus ovejas al enemigo sin defenderlas ni rescatarlas” (pasteurs qui ont livré leurs brebis à l’ennemi sans les défendre ni les délivrer).

 

Restriction mentale ?

 

pape_jalics.jpeg Le porte-parole du Saint-siège argue aussi d’une réconciliation entre Jalics et son ex provincial. Jalics, 85 ans, retiré dans un monastère allemand, a dit qu’il se sentait réconcilié avec « ces événements sur lesquels j’ai mis un point final ». En fait, il a pardonné à son prochain les offenses reçues, comme le recommande le Pater Noster. Dans un livre de 1994, il explique que leur présence dans les bidonvilles était interprétée comme un soutien à la guerilla. Et ces calomnies étaient relayées par une personne qu’il ne nomme pas. « Je suis allé parler à la personne en question et je lui ai expliqué qu’il jouait avec nos vies. » Personne qui l’a assuré qu’il allait rectifier le tir, pratiquant sans doute l’art de la restriction mentale. Car, Jalics affirme clairement, en s’appuyant sur le témoignage d’un officier et une trentaine de documents auxquels il a pu avoir accès, que cette personne a rendu « la calomnie crédible ».

Dès novembre 1977, à Rome, son collègue, Yorio,dans une lettre adressée à un haut responsable des jésuites, dit la même chose mais remplace “una persona” par Jorge Mario Bergoglio. Et il mentionne des racontars qui circulaient dans la compagnie de Jésus sur leurs prières bizarres, des relations avec les femmes, des liens avec la guerilla…

H. Verbritsky dit même avoir découvert un document qui prouverait que Bergoglio serait intervenu pour bloquer le renouvellement du passeport de Jalics, en 1979, avec les mêmes calomnies, notamment d’activités dissolues (« dissolvente »)   dans des congrégations féminines.

 pape-balcon.jpg

Le mécréant que je suis, s’il se sent le droit de rappeler les méfaits de l’église espagnole ou les tentations de cléricalisme des prélats français, n’a, en revanche aucune qualité (ni compétence) sur des questions qui relèvent de la vie interne d’une religion. Même si, pour l’avoir quelque peu pratiquée, il n’est pas totalement ignare. Mais l’église d’Argentine en tant qu’institution s’est gravement compromise avec la dictature militaire, avec aumôniers de l’armée ou de la police justifiant les assassinats dont furent victimes notamment deux religieuses françaises. Et, sauf à considérer, Yorio et Jalics, comme des affabulateurs, les accusations dont Jorge Bergoglio* a été l’objet ne sont pas que le fait d’une affreuse gauche anti-cléricale.

 

François, comme celui dont il se réclame, le povorello d’Assise, s’est peut-être défait non seulement des oripeaux de Jorge mais de sa vieille peau, pour en revêtir une nouvelle. Ou, ce qui est plus probable, en gardera-t-il les contradictions entre félonie et générosité, entre raideur doctrinale et sensibilité sociale. Monseigneur Jorge et Pape François… 

 

* Sobre la polémica de que evitó pronunciarse sobre los desaparecidos durante la dictadura militar en Argentina, cuando fue provincial de los jesuitas, admitió: “Tenía 36 años, (fue) una locura, había que afrontar situaciones difíciles y yo tomaba mis decisiones de manera brusca y personalista”. (http://www.lamujerdepurpura.com/2013/09/el-papa-rechaza-la-injerencia.html)

 

 

N.B. Cet article repose largement sur la traduction de « Cambio de piel » par M-S D-S, Maîtresse de conférences, émérite (ô combien !), qu'elle en soit vivement remerciée.

 

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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 22:11

chavez 03Victorin Lurel a déchaîné les foudres de Copé-Mélenchon. Copé gaulliste défenseur de la vraie croix (de Lorraine) est aussi crédible que Frigide Barjot en chaisière de St Nicolas du Chardonnay. Avec Mélenchon, c’est l’éructation permanente : comme il a des aigreurs perpétuelles, il a le rot verbal acide.

Et Chavez, dictateur … ou pas ?

chavez 02

Melenchon Front de Gauche 2009-03-08Or donc, l’homme des Caraïbes* a dit fort sereinement, après s’être recueilli devant la dépouille d’Hugo Chavez "Il était tout mignon (...), frais, apaisé comme peuvent l'être les traits de quelqu'un mort, on avait un Hugo Chavez pas joufflu comme on le voyait après sa maladie". Sacrilège ! « Comment a-t-il pu avoir l’audace de parler d’un mort sur le ton de la blague comme il a osé le faire devant le cadavre d’Hugo Chavez ? » s’est écrié l’imprécateur, agrémentant son indigne propos d’insultes comme à l’accoutumée.


"Moi je dis, et cela pourra m'être reproché, que le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme Hugo Chavez, puisqu'on prétend que c'est un dictateur. Il a pendant ces 14 ans respecté les droits de l'Homme (...) Toutes choses égales par ailleurs, Chavez c'est de Gaulle plus Léon Blum". Là c’est Copé – qui n’a pas choisi l’ironie en 1ère option linguistique, mais, comme Mélenchon, l’insulte et l’anathème – qui se déchaîne.


Question donc : el comandante fut-il un dictateur, oui ou non ? Question subsidiaire : fut-il un bon président du Venezuela ?


chavez ahmadinejadCohn-Bendit n’a certainement pas tort de lui reprocher ses amitiés sulfureuses avec El Assad ou Kadhafi (mais ces deux-là n’ont-ils pas été reçus en grandes pompes – à talonnettes - par le prédécesseur de F. Hollande ?), ou encore l’Iranien Ahmadinejad, sans oublier son quasi culte pour Castro.


Sauf que, contrairement à ses peu fréquentables amis, il a été pendant 14 ans élu et réélu, dans des élections au moins aussi démocratiques que celle qui a conduit Georges Bush junior à la Maison Blanche en 2000. Il a même dû affronter un coup d’état en 2002 soutenu par le même Bush, a accepté un référendum négatif et l’opposition détient des postes de gouverneurs de province. Les scores sont nets, mais n’ont rien de ceux des républiques bananières : 1998 : 56%, 2006 : 61,3%, 2012 : 54,4%.

Dans un article peu flatteur des Echos, Y. Bourdillon écrit : "Il faut toutefois reconnaître que le régime Chavez n'a jamais basculé dans la dictature absolue ; les partis d'opposition fonctionnent presque librement et les cas documentés d'arrestations arbitraires ou de tortures d'opposants sont quasi inexistants". Beaucoup de Cubains ou d’Iraniens aimeraient pouvoir en dire autant.


Mais la démocratie ne se résume pas à des élections. C’est aussi un état de droit.  S’agissant des médias audiovisuels, outre l’obligation d’interrompre tous les programmes pour passer ses discours, souvent à la Castro, de plusieurs heures, Chavez a muselé radios et télés privées. Ainsi interrogé sur le sort d'une chaîne nommée RCTV, il répond ne pas l’avoir fermée mais avoir refusé de renouveler la concession hertzienne, autrement dit de l’avoir quasiment privé d’audience. Un reportage d’Euronews, le 11/03/2013, intitulé « Globovisión la dernière chaîne rebelle » fait état de pressions sur les annonceurs, menaces physiques contre les personnels en reportage qui seraient le lot de cette TV. “L’un des aspects les plus sombres du chavisme réside dans ses liens avec la presse. En un peu plus d’une décennie, presque toutes les voix allant à l’encontre des idéologies qui soutiennent le gouvernement ont disparu, via la fermeture ou l’achat de dizaines de chaînes de radio et de télévision. Globovisión est la dernière chaîne rebelle, mais pour combien de temps?” demande Luis Carballo, l’envoyé spécial d’Euronews à Caracas.


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Bilan globalement positif… comme disait Marchais ?

 

Les rues de Caracas sont à peu près aussi sûres qu’une sortie de prison à Marseille, si l’on en croit Paulo A. Panugua, journaliste du Monde. Le Venezuela est "le deuxième pays le plus meurtrier au monde", juste après le Honduras. Caracas est la ville la plus dangereuse du monde. Et la situation ne cesse d’empirer. Même Le Monde diplomatique – rien à voir avec Le Monde – est obligé, du bout des lèvres, de le reconnaître. Il rappelle cependant que la violence n’a pas attendu Chavez pour régner dans les rues de la capitale : en 1996, « Avec une moyenne de quatre-vingts morts par balles chaque fin de semaine, avec des attaques quotidiennes dans les transports en commun, avec sa pauvreté au développement exponentiel, avec enfin une crise économique qui ronge le pays depuis plus de quinze ans — l’inflation est de plus de 1 000 % par an —, Caracas est devenue depuis quelques années l’une des villes et peut-être même la ville la plus dangereuse du monde » (Raids). Sauf que là, l’équation mécaniste – pauvreté-à insécurité – ne devrait plus exister, ou au moins être nettement atténuée après 14 ans de chavisme. « Le gouvernement bolivarien ne serait-il pas tombé dans l’analyse réductionniste qui attribue la violence à la seule misère ? On peut le supposer. » Sécurité, échec patent donc !


Pour reprendre un cliché, Chavez a bénéficié d’une manne pétrolière qui lui a permis, si l’on en croit Le Monde diplo, de faire dégringoler le taux de pauvreté de 60 à 23% et l’indigence de 25 à 5%. Elle a permis la gratuité des soins et de l’école. Mais outre que l’histoire – à commencer par celle de Cuba – nous a rendu méfiant sur les bilans toujours triomphants des plans quinquennaux, il semblerait que la dernière des grandes « missions sociales », celle récente sur le logement a été quelque peu improvisée ; et aussi qu’il y a beaucoup de pertes en ligne, corruption aidant. Mais, quelles que soient les insuffisances de ces « missions », il faut aussi rappeler qu’entre 1984 et 1995, le nombre de pauvres était passé de 36 à 66%, 70% de la population n’avait aucune couverture sociale, la moitié des enfants et des adolescents étaient déscolarisé. Avec l’aide massive de médecins cubains, un système de santé a été mis sur pied qui accueille les pauvres. L’analphabétisme a été éradiqué et les efforts sont poursuivis pour hisser le niveau de formation. Une retraite minimum est assurée à des travailleurs qui n’avaient pu cotiser…


Cependant, comme le souligne Le Guardian, les infrastructures sont en déliquescence : “Les routes sont crevassées, les ponts s'effondrent et les raffineries explosent. Le réseau électrique, asthmatique, enchaîne les coupures de courant. Les hôpitaux publics sont rongés par l'humidité et dans les prisons d'une saleté répugnante la barbarie règne". Et la situation économique reste pétrodépendante donc soumise aux fluctuations d’un marché largement manipulé par l’ennemi suprême, les Etats-Unis.


Laissons donc Mélenchon à son adoration béate et hargneuse et Copé à son cynisme politicien. El comandante, comme le prévoit Ouest-France, va devenir une icône quelque part entre Eva Peron et Che Guevara. Son legs idéologique – le bolivarisme - est des plus flous. Comme son rôle à la tête du Venezuela, démocrate et autocrate, son bilan est assez mitigé. Mais il aura rendu sa fierté aux plus modestes de son pays et levé des espoirs dans toute l’Amérique latine.


pepeMUJICA2Mais quant à choisir une icône en Amérique latine, pourquoi pas José Mujica Cordano, surnommé « Pepe Mujica », le Président de l’Uruguay ? 

 

 

* Que sous-entend l’ex-sénateur PS avec ce « masque d’homme des Caraïbes ». En tout cas tous ceux qui écoutent l’extrait d’entretien donné à RTL constatent que les insultes grossières dont Méluche l’assaisonne – arrogance, mépris - s’appliquent tout-à-fait à celui qui les profère.  Quant à « solférinien » - outre la niaiserie de cette appellation – Lurel, homme des caraïbes, le fut sans doute moins que l’ex-membre du bureau national et même ex-secrétaire national et néanmoins sénateur PS qui a encore perdu une occasion de se taire – ça ne veut rien dire. Mais même ses alliés du PC commencent à se lasser de cette hystérisation permanente du débat public.

 

Pour compléter : http://www.courrierinternational.com/dossier/2013/03/06/le-venezuela-perd-son-leader voir notamment Hugo Chàvez ou la fabrication d'un mythe avec l'étonnante prière finale

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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 18:43

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« Voici la liste de députés qui se prétendent « socialistes » et qui jouent le Medef contre les travailleurs. Nous nous en souviendrons ! » peut-on lire dans un blog. Tout bénéf pour le medef, tout malheur pour l’travailleur, tel est, à peine résumé, le jugement des contempteurs de la flexisécurité.

Un peu de désintox n’est peut-être pas inutile.

 

La messe CGT-FO était dite, même si elle n’a réuni que peu de fidèles : Loi scélérate était-il écrit sur une banderole. C’était le 5 mars et la loi en question ne sera présentée que le lendemain, mais pas besoin d’en avoir le texte puisqu’elle entérine un accord scélérat signé par une CFDT scélérate. Ça aura au moins permis de voir Thibault et Mailly côte à côte !

 

Un accord – donc une loi – qui va donner les mains libres au patronat pour licencier, accroître les contrats précaires, démanteler le code du travail… pour tout dire tout à jeter.

 

Sauf que, des accords non encadrés, eux, par une loi ont lieu. Et pas d’aujourd’hui. Ne voit-on pas dans le film de Robert Guédiguian, « Les neiges du Kilimandjaro »*, la CGT organiser un tirage au sort des victimes d’un plan social qui doit sauver la boîte. Des exemples nombreux sont donnés à la télé ou dans les journaux d’accords d’entreprises, antérieurs à la loi, se traduisant par des sacrifices pour les salariés. Et, ironie de l’histoire, c’est au lendemain de la manif que l’on apprend que FO-Renault s’apprête à signer l’accord de compétitivité proposé par Carlos Ghosn « Il vaut mieux prendre le risque d'un avenir que de ne pas avoir d'avenir du tout", a expliqué Laurent Smolnik, responsable FO.

 

Combien de manifestants d’hier qui brandissaient des pancartes anti Ayrault-Sapin avaient lu le projet de loi ? Aucun ! L’accord signé ? Très peu. Mailly et Thibaut, si. Mais ça ne les empêchait pas de caricaturer à l’extrême.

 

 

 

 

 

Inutile de rappeler que cet accord doit permettre, avant 2016, aux 4 millions de salariés qui en sont dépourvus de bénéficier d’une complémentaire santé collective, prise en charge à 50 % par l’employeur. Broutille.

 

Cet accord, mais c’est la mort du CDI affirment, sans vergogne, ses détracteurs. L’accord prévoit de surtaxer les CDD courts (1 mois + 75 %, 3 mois +40%) et l’embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans donnera droit à un allègement des charges !

 

Surtout cet accord donne carte blanche au Medef pour le chantage à l’emploi, la mobilité imposée, les licenciements clament ses contempteurs. Si on regarde d’un tout petit peu plus près, on constate d’abord que tant en ce qui concerne les accords compétitivité-emploi que mobilité, les syndicats signataires devront représenter plus de 50 % des salariés. Les accords de « maintien dans l’emploi » seront certainement mieux cadrés que ceux qui sont signés actuellement : graves difficultés conjoncturelles attestées, deux ans maximum, tous les emplois maintenus.

 

Loin de faciliter les licenciements économiques l’accord prévoit des conditions plus strictes d’élaboration des plans sociaux. L’employeur devra soit l’élaborer en négociant avec les syndicats (et entériné majoritairement), soit le faire seul, mais il devra être validé par l’administration. Autrement dit, celle-ci devra vérifier que les droits des salariés sont respectés, donc éviter les licenciements abusifs. Aujourd’hui, c’est a posteriori, après de longs délais, que ce contrôle est fait par le juge et la perte d’emploi effective n’est compensée que par des dommages et intérêts.

 

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Truisme : tout accord syndicats-patronat est un compromis.

 

Certains peuvent voir le verre à demi-vide et d’autres le verre à demi-plein. Refuser l’accord parce que les avantages ne sont pas à la hauteur des concessions faites. Ou au contraire, y souscrire car jugé équilibré. Désaccord donc, mais qui ne se traduit pas par des anathèmes.

 

Là on est dans un discours manichéen. Les éléments de langage ne font pas dans l’argument mais dans le slogan. Et la confrontation des points de vue se mue en dénonciation de prétendues trahisons, sur un ton qu’on croyait d’un autre âge.

 

Le gouvernement, d’entrée, a indiqué qu’il ne se substituerait pas aux partenaires sociaux, que c’était à eux de dessiner les changements qu’ils voulaient voir pris en compte et que la loi ne jouerait qu’un rôle d’accompagnement. Ainsi, instituer un contrôle administratif a priori sur les licenciements économiques passe par la loi. Il faut donc, pour que cet encouragement au dialogue social se concrétise, que la loi reflète l’accord conclu. Cela ne mérite pas une parodique chasse aux sorcières, je veux dire chasse aux députés qui osent se dire socialistes.

 

L’accord, conforté par la loi, va encadrer des accords d’entreprises compétitivité-emploi, pour le moment sauvages, mieux encadrer aussi les temps partiels, accorder des droits nouveaux aux travailleurs… C’est une étape : le chantier de la Formation Professionnelle est déjà ouvert pour les partenaires sociaux, celui de la reprise des sites industriels doit être réglé par la loi, l’encadrement des revenus indécents sur le modèle suisse est encore à l’ordre du jour sans parler des retraites… Les avancées seront toujours insuffisantes pour les adeptes du yakafokontoutésimple.  

Mais la démocratie marche aux compromis.

 

* Certes c’est  de la fiction mais les films de Robert Guédiguian sont nourris de la réalité sociale de Marseille  et, sauf erreur, l’épisode fondateur du film n’a provoqué aucun cri d’orfraie de la CGT, à l’époque.

 


"Les Français en ayant entendu parler sont aussi une majorité relative (49%), à considérer que cet accord favorise autant salariés et entrepreneurs (contre 44% estimant qu’il profite davantage aux employeurs et seulement 6% estimant qu’il profite davantage aux salariés)."

Sondage BVA 08/03/2013

Le détail du sondage est téléchargeable : http://www.bva.fr/data/sondage/sondage_fiche/1251/fichier_bva_actu_-_les_francais_et_la_reforme_du_marche_du_travail6ca5a.pdf

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3 mars 2013 7 03 /03 /mars /2013 17:58

 

Barcenas CorruPPlandia-2

Après l’Italie, l’Espagne ? Le gendre du roi – lui-même touché par le scandale de ses chasses aux éléphants – est accusé d’avoir détourné 6 millions d’euros de fonds publics destinés à une fondation. Surtout, Rajoy, le 1er ministre, et le Parti Popular sont touchés de plein fouet par le « caso Barcenas ».

 

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Début février, El Païs, publie à la une copie des carnets secrets de la comptabilité de Luis Bàrcenas, ex-trésorier du parti Popular (PP). « Dans la comptabilité de Bárcenas, figure depuis 1997 Mariano Rajoy, président du gouvernement et du parti, avec des paiements toujours identiques qui représentent 25.200 euros par an », révèle El Païs. En liquide, non déclaré et à partir de fonds d’origines suspectes. Cette révélation, sur des enveloppes distribuées à des responsables du PP recoupe celles d’un autre quotidien, El Mundo, qui, cependant, en exonérait Rajoy.

 

Luis el cabrón

barcenas

Luis Bàrcenas, qui connaît le PP mieux que le PP lui-même dira un membre de ce parti, avait déjà été impliqué dans un grand scandale, l’affaire Gürtel - blanchiment, trafic d’influence, favoritisme et fraude fiscale* - qui avait déjà touché des caciques du PP. Guillermo Ortega, maire de Majadahonda, à une soixantaine de kms de Madrid, avait acquis 8 voitures, 5 motos et 1 bateau entre 2001 et 2005, un niveau de dépenses sans aucun rapport avec ses revenus déclarés. Le maire de Madrid, Alberto Ruiz-Gallardón,, fut obligé de reconnaître avoir favorisé, avec une "manipulation du rapport technique", l’attribution d’un contrat à une entreprise de Correa (alias Gürtel). Le gendre de José Maria Aznar, ancien Premier ministre PP, est soupçonné d’avoir bénéficié des bienfaits de Correa. Mais surtout Luis Bàrcenas est au centre de cette enquête initiée par le juge Baltazar Garzón. Son nom, sous les initiales "L.B.", "L.B.G.", ou encore sous le pseudonyme "Luis el cabrón" - Luis l’enfoiré - apparaît à maintes reprises.

 

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Barcenas, portant vieux beau avec ses costumes bien coupés, ses cheveux gominés, son teint hâlé, est entré au PP à 26 ans. Il a collaboré avec tous les trésoriers avant de le devenir lui-même en 2008. Un bon choix, si l’on en croit la manière dont il a fait prospérer son propre patrimoine. Patrimoine certes placé en Suisse – donc non déclaré – mais qui a atteint 30 millions d’euros, grâce à des opérations boursières et des investissements immobiliers, d’après lui. Rien à voir donc avec sa fonction de trésorier du PP !

 

Distribution d’enveloppes

Barcenas kap-Rajoy-corruption

Mais quand El Mundo révéle que des dirigeants du PP ont reçu pendant vingt ans des compléments de salaires non déclarés provenant d'entreprises privées, là Barcenas  est directement mis en cause dans la distribution d’enveloppes. Et quand El Païs en remet une couche en publiant des comptes manuscrits de 1990 à 2008, établis par Barcenas et Alvaro Lapuerta, comptes qui font apparaître que l’actuel 1er ministre touchait 25 200 € annuels  (en plus de son salaire de chef du parti) et que l’on note que Dolores Cospedal sa n° 2 ou Ana Mato, ministre de la santé avaient aussi droit à leur enveloppe, ça fait désordre.

 

 

 

"Je le dis, c'est une manipulation grossière", a clamé Bàrcenas, interrogé par la chaîne de télévision Antena 3. "Il n'existe pas et il n'a jamais existé de carnet secret" !

Le PP a également démenti que Rajoy en ait palpé. Mais c’est lui qui l’avait nommé trésorier. Après son inculpation dans l’affaire Gürtel, il ne lui a jamais demandé de démissionner.  Mieux, c’est le PP qui lui payait un avocat et il gardait bureau au PP et voiture de fonction. En avril 2010, il aurait été chassé de tout rôle au sein du PP.

Coup de théâtre : Bàrcenas vient de porter plainte pour licenciement abusif. Loin d’être viré en 2010, il a continué à percevoir 21 300 € mensuels, jusqu’au 31 janvier 2013, comme consultant ! Quels secrets détient-il pour avoir été gardé au chaud au sein du PP ? Et quelle vengeance exerce-t-il en révélant ainsi que la n° 2 du PP, María Dolores de Cospedal, a menti en affirmant qu’il n’avait plus rien à voir avec le parti ?

L’Espagne, l’autre « homme malade » de l’Europe ? 

 

Rien d’original penseront des mauvais esprits : rétro-commissions diverses, valises d’argent de la françafrique (merci Bongo et les autres) sans revenir à des emplois fictifs et autres menus mini-affaires style Woerth-Bettencourt, la France n’est pas avare de scandales politico-affairistes. Et ils alimentent aussi les vieilles racines poujadistes (qui remontent à bien avant le papetier de Saint-Céré).

Sauf qu’en Espagne, outre une vie démocratique encore récente, ces scandales viennent se greffer sur des forces centrifuges : des élus catalans appellent à l’auto-détermination vers l’indépendance. Et la situation économique est encore pire qu’en France ou en Italie avec un système bancaire pourri mais néanmoins prédateur, des régions en faillite, un quart de la population active au chômage, plus de la moitié des moins de vingt-cinq ans… et donc un PP hégémonique mais totalement déconsidéré.

 

Barcenas gonzalez-compara-indignados-revueltas-arabes Plus d’homme d’état comme Adolfo Suárez et surtout Felipe González et le roi du 23 février 1981 s’est déconsidéré. La rigueur s’est ajoutée à la rigueur dans une spirale à la grecque. Rajoy a autant de charisme qu’une planche à repasser. Son parti est miné par des querelles internes.

 

Barcenas Manifestacion indignados

Le mouvement des Indignados (ou Mouvement 15-M car né le 15 mai 2011 à la Puerta del sol) a pour seul point commun avec le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, le bouffon italien, le rejet du système politique et en particulier du bipartisme PP-PSOE ; loin d’être né d’un leader aux propos quelque peu suspects, il repose sur des assemblées générales et sa démarche est non-violente. Il se réclame du petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous ! et se réfère aux Printemps arabes. Loin de la xénophobie, des groupes se mobilisent contre les expulsions d’étrangers. Leurs actions pèsent aussi contre les banques qui virent de leur logement les personnes insolvables tout en continuant de leur demander des remboursements.  Et ces indignados ne risquent pas de surgir dans de futures élections, puisqu’ils refusent le jeu électoral. Mais ce refus – ô combien compréhensible – profite surtout à une droite appuyée par une église non dé-franquistée.

 

Barcenas indignados

Une monarchie fragilisée, un premier ministre en danger s’il est prouvé qu’il a menti et touché des enveloppes, une Catalogne sécessionniste et une large fraction des citoyens rejetant une démocratie représentative en échec, sur fond de chômage massif, beaucoup d’ingrédients sont réunis pour faire de l’Espagne, autant que l’Italie, l’homme malade de l’Europe. 

 

 

 

* Une vingtaine d’entreprises, liées à Francisco Correa (alias Gürtel) auraient bénéficié de traitements de faveur de la part des communautés autonomes de Madrid et Valence, de Castilla y Leon et de Galice, gérées par le PP.

 

 

Ci-dessous, le shéma de la corruption

 

 

 

"Chorizo" désigne, en argot, un voyou, un escroc (il se met au féminin : choriza)

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 18:14

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Du point de vue médiatique, un chef d’œuvre. Le jeu du papa perché faisant du rappel en haut de sa grue pour taguer un slogan, voilà de quoi nourrir le moloch, les chaînes d’informations ( ?) continues*. Car pour tenir les caméras en haleine, il faut des rebondissements : un autre divorcé qui joue aussi à papa perché sur une autre grue, c’est pas mal non plus. Et si le 1er ministre, pour qui rien de ce qui se passe à Nantes ne peut le laisser indifférent, se laisse avoir : BINGO ! Sauf que ce n’est pas « mon père au sourire si doux », mais un militant masculiniste.


A peine descendu de sa partie de papa perché, M. S. Charnay n’a pas que clamé sa détresse de père privé de son fils. Il a surtout fustigé "les femmes qui nous gouvernent [et qui] se foutent de la gueule des papas". Certes Mme Taubira – qui a dû recevoir après l’emportement émotionnel provoqué par ce « père désespéré » des associations SOS, SVP etc. – est ministre de la Justice. Mais les démêlés qu’a pu connaître le grimpeur datent d’avant. Et même R. Dati, aussi interventionniste qu’elle ait pu être, n’allait pas jusqu’à dicter leur conduite aux juges aux affaire familliales. Ce discours misogyne – comme l’a fort bien montré Patric Jean – est calqué sur celui des beaufs canadiens.

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Si ses qualités athlétiques furent fort utiles pour alimenter les images de BFM-TV – ah ! cette descente spectaculaire en rappel à la fin de son happening, comme si les grutiers ne disposaient pas d’escaliers en colimaçon – la qualité de son discours très agressif et politisé laissait à désirer. "Je demande aux médias d'arrêter de divulguer les faux chiffres que nous servent le 'parti du ministère des Femmes' qu'on a mis au pouvoir à grand frais de nos impôts, avec Najat Vallaut-Belkacem en tête, et le ministère de la Famille par madame Bertinotti". "Ces gens-là sont incompétents et ils se foutent totalement qu'on détruise les familles". Et comme exemple de « gentil papa » ce « furieux » a dû être choisi faute de mieux par ceux qui ont mis en scène tout ce cirque. Car si il a perdu ses droits parentaux, il y a mis du sien, puisqu’il a été condamné à un an de prison dont quatre mois ferme.  Condamnation pour "soustraction d’enfant". Il avait disparu avec ce dernier qui se trouvait en vacances chez ses grands-parents, en exerçant des violences à cette occasion. L'enfant avait été retrouvé trois mois et demi plus tard. "La question de ses droits sur son fils dépend de la seule compétence du juge aux affaires familiales qu'il refuse de rencontrer (…)

Serge Charnay est seul responsable de la dégradation de ses droits parentaux et son prétendu combat ne doit pas être confondu avec celui de nombreux pères injustement éloignés de leurs enfants», précise l’avocate de la mère.

 

 

 

 

"Ce monsieur ne parle pas de la condition parentale, il ne parle pas des droits de l'enfant (...) il parle de son problème de virilité, de son problème d'homme", déclare Jean-Pierre Rosenczveig, juge pour enfants et Président de « Défense des Enfants International – France ».
Serge Charnay s'inscrit "dans un mouvement nord-américain d'hommes qui sont plus hommes que pères". Une référence claire au mouvement "masculiniste", "anti-féministe" et réactionnaire, très présent au Québec notamment, qui prône le "rétablissement de valeurs patriarcales sans compromis". Une idéologie pas très éloignée finalement des discours anti-mariage pour tous.


Cette provocation trop complaisamment répercutée par « lémédias » - en fait, comme d’habitude, TV en continu pour qui tout cela a été mis en scène, autres TV pour qui ça permet de proposer au téléspectateur de patauger dans l’émotionnel, plus les fameux réseaux sociaux – ne sert en rien  « la cause des papas », comme disent puérilement les souteneurs du forcené.

Non pas qu’aucun problème ne se pose. Même si elles se banalisent, toutes les séparations avec enfants ne vont pas sans problème. Et, comme il peut y avoir des pères indignes, certaines mères peuvent aussi l’être. Un exemple : un couple d’enseignants dans le même lycée, divorce, la mère demande une mutation sur tout poste en France, en espérant éloigner le plus possibles les enfants du père. Mais est-il besoin dans une proposition de loi du 24 octobre 2012** de se référer à un « syndrome d’aliénation parentale », lancé par un certain R. Garner (défenseur de la pédophilie) et repris par les masculinistes nord-américains. SAP qui n’a aucun fondement scientifique.


Comme le dit J. P. Rosenczveig, aller vers plus de médiations est une excellente chose. Même quand la rupture semble se passer dans un climat serein, il n’est sans doute pas inutile d’amener les deux protagonistes à être tout-à-fait au clair. « Le diable est dans les détails » et les petits malentendus cumulés peuvent déclencher des heurts violents.


Mais ce cirque médiatique qui est tout sauf improvisé ne méritait pas que, toute affaire cessante, la Garde des sceaux, sur pression du 1er ministre, reçoive des associations dont SOS papas qui, malgré le parrainage d’Evelyne Sullerot, fondatrice du Planning familial, est fort proche de l’anti-féminisme de ses inspirateurs d’outre Atlantique.

 

 

 

 

* Chaînes si peu informatives qu’elles sont incapables de rendre compte de deux événements à la foi : arrivée du Vendée globe et manifs pour le mariage pour tous

 

** Cette proposition n° 309 n’est signée que par des hommes dont Patrick Balakany, Jacques Myard ou Axel Poniatowski

 

 

En complément ( c'est au début) :

 

 

 

 

Une version très "rewritée" de ce texte sur Le Plus du Nel Obs : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/785866-pere-retranche-sur-une-grue-un-cirque-qui-n-aide-en-rien-le-droit-des-papas.html

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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 17:52

Sevil-Sevimli-01.jpgRecep Tayyip Erdoğan, 1er ministre Turc et son parti l’AKP sont donnés comme exemple d’islamisme modéré. Erdogan se présente lui-même comme un démocrate musulman, comme d’autres ont pu être démocrate chrétien. Une sorte de Merkel anatolien. Mohammed Morsi et ses frères musulmans, Hamadi Jebali et Ennahda sont priés de prendre modèle sur le Turc. Mais l’affaire Sevil Sevimli, qui touche une étudiante française, va peut-être commencer à dessiller quelques yeux sur la réalité de la démocratie musulmane à la turque.

 

Le 10 mai 2012, cette étudiante française, née en France de parents Turcs, Kurdes de confession alévie, voit la police turque envahir la chambre qu’elle partageait avec une autre étudiante. "Ils m'ont mis un papier et une caméra sous le nez et m'ont dit que j'étais accusée de terrorisme. Ils ont fouillé partout. Ils ont rassemblé mes livres au milieu de ma chambre en disant que c'était la preuve de mon appartenance à une organisation terroriste. Ensuite tout est allé très vite et je me suis retrouvée en prison." Cette étudiante de Lyon II va se souvenir de ce séjour « Erasmus » où elle avait choisi la Turquie, pays dont ses parents avaient émigré il y a trente ans. Loin de la joyeuse « auberge espagnole », les geôles turques. Elle ne sera libérée que le 6 août 2012, mais elle demeurait sous contrôle judiciaire, donc dans l’impossibilité de reprendre ses cours à Lyon II et surtout elle risquait jusqu’à 32 ans de prison.

 

1ermai-istanboul.jpg

Son crime, elle avait participé au défilé du 1er mai, à Istanboul, défilé totalement légal dans cette « démocratie musulmane » ; et elle avait assisté à un concert du groupe Yorum qui réunissait 300 000 spectateurs. Elle aurait aussi diffusé un journal –Yurulus – publication légale mais proche d’un mouvement clandestin. Sevil Sevimli sera donc officiellement accusée de "direction d'une organisation terroriste" et de "propagande en faveur d'une organisation terroriste", le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C). Selon son avocat Sami Kahraman, "avant d'entrer en prison, cette fille n'avait même pas entendu parler de l'organisation à laquelle on tente de la lier."

 

Le Figaro du 15/02/13 note que « l’étudiante franco-turque » a été condamnée à 5 ans et 2 mois de prison pour « propagande terroriste » ! Mais, sauf revirement de la justice turque, elle serait libre de rentrer chez elle, après versement d’une caution, en France, en attendant un procès en appel.

 

 

Gageons que les adeptes de la fameuse formule « il n’y a pas de fumée sans feu », qui n’ont jamais entendu parler de fumigènes, vont, comme pour F. Cassez, se déchaîner. Et Sevil Sevimli ne s’en tire pas trop mal, dira-t-on. Mieux que la sociologue Pinar Selek condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour un attentat qui n’a pas eu lieu.

 

Un état de droit trop souvent bafoué

 

Mais derrière son cas ce sont  600 étudiants turcs  emprisonnés depuis 2010. Un millier de lycéens ont été arrêtés récemment et des dizaines de journalistes sont emprisonnés, des avocats aussi. Deux des musiciennes du groupe Yorum ont été arrêtées le 14 septembre et ont fait état d'actes de "torture" de la part de la police. La lutte contre le PKK amène à des dérapages en série hors de tout état de droit.

 

L’entreprise de normalisation ne date pas d’hier. Ainsi, en septembre 2010, Hanefi Avcı, l’ancien chef de la police d’Eskişehir (la ville où Sevil s’était retrouvée dans le cadre d’Erasmus) était mis en détention provisoire, accusé lui aussi de complicité avec une organisation terroriste. Il était l’auteur d’un best seller, «Haliç’te Yaşayan Simonlar», un ouvrage fracassant qui dénonce le noyautage de la police turque par la confrérie de Fethullah Gülen, et qui montre de surcroît comment cette entreprise a débouché sur les multiples révélations de complots, et sur les vagues d’arrestations spectaculaires de militaires ou de personnalités laïques qui les ont accompagnées.

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Défendre la laïcité Turque souffre d’un double handicap. Son instauration brutale par Mustapha Kemal. Sa sauvegarde par une armée putschiste auto-proclamée gardienne de l’héritage d’Atatürk. Et qui, au nom de cet héritage a mené trois coups d’état, le dernier en septembre 1980 ou a fait pression sur le pouvoir civil, pour par exemple écarter, en juin 1997, Necmettin Erbakan, chef du Refah Partisi, pourtant vainqueur des élections de 1995.

Mais depuis 2002, Erdogan est 1er ministre et le camp laïque est sur la défensive, puis avec l’arrestation massive de généraux et officiers impliqués dans des complots contre le gouvernement (Ergenekon, Balyoz) très affaibli. Il se peut même que l’armée soit aussi en voie de noyautage par Gülen. En tout cas, politiquement, elle n’est plus qu’un tigre de papier.

 

 

 

Recep-Tayyip-Erdogan-007 Celui qui s’était fait invalider en 2002 pour avoir cité, 5 ans plus tôt, ce vers "nos mosquées sont nos casernes, nos minarets nos baïonnettes... ", Erdogan, a su ne pas prôner une islamisation à marche forcée, du kémalisme à rebours. Mais, peu à peu, la société turque s’islamise à bas bruit. Islamisation et non islamisme. En ce sens qu’Erdogan et l’AKP ne se donnent aucune dimension messianique.

 

En façade donc, une Turquie libérale avancée. Des élections moins truquées sans doute que celle de Bush junior en Floride en 2000. Une liberté d’expression, de la presse, tout-à-fait conforme aux exigences de l’Union Européenne…  sur le papier. Un code civil copié sur celui de la Suisse en 1926. Mais en réalité, sous le noble prétexte de la lutte contre le terrorisme, des inculpations arbitraires, des condamnations sans fondement, comme en témoigne le cas de Sevil Sevimli. Des lois bafouées.

 

Erdogan – démocrate musulman – a dû prendre l’exemple de la démocratie chrétienne italienne qui de dérive en dérive – et là aussi avec l’alibi du terrorisme des brigades rouges – a abouti à la fameuse Loge P2, qui n’avait de loge que le nom mais qui a failli faire sombrer la démocratie italienne. Il a su donner du temps au temps et, avec de fait des résultats électoraux amplifiés de scrutin en scrutin, neutraliser les gardiens du temple kémaliste. Mais aussi, par des arrestations arbitraires et des procès encore plus caricaturaux que celui de notre compatriote, brimer la liberté de recherche universitaire, la liberté de la presse et même les droits de la défense.

 

 

Pour compléter : l’excellent « Istanbul.blog » de Guillaume Perier du Monde, Le Monde qui a joué un rôle dans l’affaire de S. Semvili par un édito adressé à Erdogan ; l’observatoire de la vie politique turque (OVIPOT) plus universitaire.

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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 16:46

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26/05/2018 : 1er procès d'un médecin complice du vol des enfants

 

 

Voir l'article d'Ouest-France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet article reprend un article précédent, en le complétant, à l’occasion de la sortie d’un documentaire que, vu l’heure de programmation, peu de gens verront, sauf si FR3 a l’intelligence de le mettre en ligne. Il rappelle aussi aux cagots que l’église espagnole pratiquait la Gestation pour autrui sauvage. Qu’en pensent nos cardinaux papabiles ? et les saintes Frigide et Christine ?

 

Un documentaire sur les « enfants volés » va passer quasi clandestinement sur FR3 ce lundi 11/02/13 à 0h10* ! Il eut pourtant pris tout son poids, au moment où nos propres prélats cherchaient à imposer la loi religieuse sur la loi civile. Car question GPA barbares l’église espagnole se posait là. Ces vols d’enfants démarrés au lendemain de la guerre civile au nom d’une idéologie de lutte contre le virus rouge va se poursuivre pour des motifs mercantiles, toujours sous l’égide de l’église qui, jusqu’en 1987, gérait les adoptions. La seule religieuse inculpée – sœur Juana – vient de mourir.

 

L’historien Ricard Vinyes chiffre à 21 000, rien que pour 1942 et 1943, les enfants enlevés de force à des mères républicaines par le régime franquiste avec la complicité active de l’église catholique.

Baltazar Garzon1  Le juge Baltasar Garzón,  qui a d'ailleurs perdu son poste en tentant de faire avancer ce dossier des enfants volés du franquisme, cite un document d'une institution religieuse, chiffrant à 30 960 au cours de la décennie 1944-1954 le nombre d'enfants de prisonnières politiques placés sous tutelle de l'Etat. Selon ce magistrat, c'est "un nombre indéterminé" d'enfants qui, de manière "systématique, préconçue et avec une volonté véritablement criminelle", auraient été soustraits à des familles "qui ne s'ajustaient pas au nouveau régime [franquiste]".

Des milliers de femmes républicaines venues accoucher dans les hôpitaux ressortent sans bébés. ("La madre biológica entraba por un lado y la adoptiva salía con un bebé por otro").  Tous, sont déclarés morts nés. En fait, l'enfant, bien vivant, est placé sous la tutelle d'une famille proche du régime franquiste, pour être rééduqué. Ce sont les religieuses qui sont chargées de voler les enfants, elles utilisaient leur influence et l'autorité de l'Eglise pour faire taire les plaintes des mères.

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GONZALO PORSET, UNE VICTIME -Marine de La Moissonnière France Culture

 

Garzon relate cet épisode du début des années 40 basé sur le témoignage de Félix Espejo, ancien mineur des Asturies:

"Un jour, les mères [prisonnières] sortirent avec leurs enfants dans la cour [de la prison de Saturraran]. Les religieuses leur dirent que les enfants devaient rester à l'intérieur pour une révision médicale. Il y en avait une centaine. Lorsque les mères rentrèrent, ils n'étaient plus là. Concepcion [une prisonnière], qui n'avait pas d'enfant, fut impressionnée par les scènes de douleur et par les cris des mères qui réclamaient leurs petits. Ils les menacèrent en leur disant de se taire si elles voulaient rester en vie. Une femme d'Oviedo libérée peu après vit sa fille dans une maison de militaires, à Valence, mais on ne sait pas si elle a pu la récupérer ou non".

 

Du rapt idéologique au trafic de nouveaux-nés

enfants-voles ANADIR

Cette politique d'enlèvements, pour rechristianiser les enfants de mères rouges, s’est ensuite, avec toujours la complicité des « bonnes sœurs » et de leur hiérarchie, transformée en véritable trafic d’enfants.  «Ce qui commence comme une sorte de vengeance politique et de mise au pas de la société se transforme au fil des années en un vrai «commerce» qui aurait perduré y compris jusqu’au début des années 80», explique Hector Rojo (revue Diagonal). Ainsi Isabel, mineure et enceinte, dans la très catholique Espagne de 1974, a dû obéir à ses parents : accouchement discret et un bébé qui disparaît, confié par les religieuses, sous une fausse identité, à une famille bien sous tous rapports (Tribune de Genève 15/10/2009).

 

Le Monde daté du 24/XII/2011 titrait en page 3 "Les enfants volés d'Espagne"  Les associations de victimes estiment à 300 000 adoptions irrégulières et vols d'enfants entre 1940 et 1990. L'article raconte qu'une femme, sur les conseils du curé de la paroisse, a simulé la grossesse, avant d'"adopter" un enfant.

"Le vol de bébés a surgi en Espagne avec le franquisme mais, par la suite, il semble qu'il se soit transformé en un pur commerce, extrêmement lucratif, qui se serait nourri de la vulnérabilité de certaines catégories de personnes : mères célibataires ou mineures, couples analphabètes [...] Ce qui a commencé comme un crime idéologique s'est transformé en une véritable mafia"  Enrique Vila cité par Le Monde.

enfantsvolesdelEspagne - SOS bebes robados de Madrid

Espagne - l'association SOS bébés volés de Madrid

Marine de La Moissonnière France Culture

 

« El Mundo » qui n’est pas l’équivalent espagnol du Monde, plutôt proche de l’UMP locale, le PP,  a cependant consacré un dossier aux « familles fictives : vies dérobées ». Témoignages émouvants de ces bénéficiaires du trafic : "Mes parents m'ont confessé qu'ils m'avaient acheté" : Juan Luis Moreno a su qu'ils l'avaient acheté pour 150.000 pesetas quand son père le lui a confessé dans son lit de mort : "Ils ont payé pour moi davantage que pour un appartement"; "Un religieux leur a permis de choisir entre un petit garçon ou une petite fille", "Ils ont eu à employer une mère porteuse"...

 

Des couples mariés qui ne pouvaient avoir d’enfant,  se mettaient en rapport, par le bouche à oreille, avec les personnes qui pouvaient leur en fournir. On leur disait dans quelle ville ils auraient à aller et combien ils devraient payer et le jour indiqué, ils se déplaçaient là où l'échange était fait. Après ils s’arrangeaient, dans leur propre ville pour falsifier, avec aussi un paiement préalable, le certificat de naissance. Et ils se présentaient à l'état civil où ils inscrivaient le bébé. "Il y avait pratiquement toujours des personnes religieuses impliquées dans ces histoires" En effet, jusqu’à 1987, 12 ans après la mort de Franco, les adoptions étaient entre les mains de l’église.

 

enfantsvolesespagne sorjuana La seule personne inculpée, une « bonne sœur », Maria Gomez Valbuena, sor María est décédée en janvier. Le juge Garzón, on l’a vu a été déchu pour onze ans, par la plus haute juridiction espagnole sur plaintes de deux groupuscules d’extrême droite, pour avoir osé soulever le couvercle des 100 000 disparus du franquisme et de ces 300 000 « niňos robados ». Comme le dit Télé Obs, aucune enquête qui permettrait de vérifier les archives des hôpitaux, des maternités et des évêchés incriminés, n’a été diligentée. (« Les ombres du passé » Télé Obs  09/02/13).

 

 Cette église franquiste, loin de tout repentir, a continué d’afficher son cléricalisme avec la même morgue, pour tenter de bloquer les lois qui lui déplaisent. Le soutien du Vatican ne lui a jamais fait défaut. La radio contrôlée par la Conférence épiscopale espagnole a pris très systématiquement position contre le gouvernement de Zapatero, défendant, sur un ton souvent très violent, des positions proches du Parti Popular (PP). Mais, malgré le retour du PP au pouvoir, ni le mariage homo, ni l’IVG, contre lesquels cette église avait organisé des manifestations géantes, n’ont été remis en cause.

 

 

* On peut le (re)voir http://pluzz.francetv.fr/videos/la_case_de_l_oncle_doc_,77100649.html 

Scandale des bébés volés en Espagne : la quête de vérité

 

OUEST-FRANCE du 26/06/2018 titre en une sur les bébés volés

Les enfants volés par l’église franquiste
Les enfants volés par l’église franquiste
Les enfants volés par l’église franquiste
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