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6 février 2018 2 06 /02 /février /2018 09:52
Décriminaliser les drogues

La criminalité est la pire des calamités générées par le narcotrafic. La meilleure manière de le combattre est la dépénalisation des stupéfiants et une politique de santé pour les victimes de la drogue. C’est ce qu’affirme Mario Vargas Llosa en tant que membre de la Commission globale de politique en matière de drogues.

Décriminaliser les drogues

Cette commission, présidée par l’ex-chef d’état brésilien Fernando Henrique Cardoso, avec comme directrice actuelle Ruth Dreifuss, ex-présidente de Suisse, synthétisant les réflexions et travaux de politiques, fonctionnaires internationaux, scientifiques et intellectuels de divers pays, met en avant depuis 2011 des propositions en faveur d’une politique plus sensée et plus réaliste en matière de narcotrafic et de consommation de stupéfiants que celle de la répression policière et judiciaire.

Décriminaliser les drogues

La commission, s’appuyant sur des statistiques rigoureuses, des recherches sociologique et cliniques, a démontré sans équivoque que la prohibition et les lourdes sanctions, qui ont coûté des milliards de dollars, loin de réduire, ont au contraire abouti à une augmentation vertigineuse de la consommation de drogues dans le monde, accompagnée par la violence criminelle liée à leur production et distribution illégales. Presque partout dans le monde, et principalement en Amérique latine, les mafias de narcotrafiquants sont une plaie qui causent des dizaines de milliers de morts et sont une source de corruption qui pourrissent les institutions, infectent la vie politique, dégradent les démocraties.

Le dernier rapport de la commission s’efforce de combattre la perception négative et délictueuse que les gouvernants projettent sur tous les consommateurs de drogues sans exception, les présentant comme des déchets humains, que leur addiction pousse au délit, et qui sont donc des menaces vivantes pour l’ordre et la sécurité de la société. Or les raisons qui poussent à consommer des « substances psychoactives » dont très diverses, et, dans certains cas, parfaitement justifiées. Par ailleurs, parmi les drogues il y a des différences énormes quant aux conséquences qu’elles ont sur l’organisme, de l’héroïne aux effets extrêmement pernicieux jusqu’à la marihuana qui fait moins de dégâts que l’alcool.

Décriminaliser les drogues

Le rapport met en relief le fait paradoxal que la stigmatisation sociale et morale des drogués les pousse à une auto-culpabilité qui aggrave chez eux la nécessité de recourir à une manière artificielle de se retrouver en paix avec eux-mêmes. Les statistiques montrent qu’il y a proportionnellement plus de personnes qui se libèrent de leur addiction à la drogue dans les sociétés ouvertes et tolérantes que dans celles où règne une politique de répression systématique.

La Commission reprend donc ses recommandations de dépénalisation des drogues et préconise que la répression cède la place à une politique de prévention et de tolérance. Si elle prône, comme en 2011, la légalisation, elle souligne qu’elle doit être accompagnée de campagnes de prévention actives comme celles menées sur le tabac, informant les citoyens sur les dangers des stupéfiants. Cette légalisation permettrait de stopper la criminalité qui est la pire des calamités engendrées par les drogues. Dans un pays comme le Mexique les luttes entre les puissants cartels qui se disputent le territoire causent des dizaines de morts chaque mois et pourrissent la vie politique par la corruption qui dégrade la démocratie.

Un des arguments opposé à l’idée de légalisation est qu’elle aurait un effet d’aimant sur la consommation, comme aux Pays-Bas, pays pionnier en ce domaine, avec le cannabis. Mais c’est un phénomène passager. Ainsi la nouvelle politique de légalisation en Uruguay ne semble pas avoir dopé la consommation ; et certains disent même que la disparition du tabou de la prohibition diminue le prestige du cannabis chez les jeunes.

Décriminaliser les drogues

Peu à peu, à travers le monde, il y a de plus en plus de gens qui, comme le préconise la Commission Globale de politique en matière de drogue, pensent que la meilleure manière de combattre les drogues et ses séquelles délictueuses est la décriminalisation. Un des plus grands obstacles est qu’il y a des milliers de milliers de personnes qui vivent de ce combat voué à l’échec.

Un des témoignages

Décriminaliser les drogues
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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 16:13

Chaleur aidant – ou plutôt l’inverse – un billet de fainéant, sur une tribune du Monde, daté du 21 juin 2017, de Jérôme Perrier, « La nouvelle trahison des clercs : les intellectuels français et le libéralisme ».

 

Inutile de dire que le passage sur Todd et Onfray m’a semblé plus que bienvenu : « Avec l’air rogue dont il ne se départit jamais, Emmanuel Todd a ainsi déclaré dans l’émission Arrêt sur images que contrairement à un autre invité qui se vantait d’aller voter Macron « comme on sort les poubelles »[O. Tonneau : à mon sens tout aussi con que lui], lui s’abstiendrait « dans la joie ». Quant à Michel Onfray, qui a compris de longue date que l’outrance est plus rentable que la nuance, il s’est fait une spécialité de la dénonciation rituelle du libéralisme, y voyant « une idéologie dont l’utopie fait des dégâts considérables avec des victimes et des morts jamais comptabilisés » ; assurant même avec le ton docte qui sied à un philosophe indigné que « les suicides, l’alcoolisme, la drogue, la violence, les antidépresseurs, la délinquance, la criminalité en procèdent largement ». Fichtre ! Par chance la peste a de longue date disparu de nos contrées, faute de quoi il y a fort à parier que cette tête pensante qui manie la plume comme d’autres la kalachnikov, y aurait vu un effet supplémentaire du bacille libéral. »

Comment ne pas le suivre encore quand il dénonce ensuite « des comportements (…) préoccupants, comme ces jeunes défilant durant l’entre-deux-tours dans les rues de Paris aux cris de : « Ni fascisme ni libéralisme », comportement qui, pour lui, témoignent d’une ignorance crasse. Mais lorsque dans son élan dénonciateur il en déduit qu’un tel degré d’aberration témoigne simplement d’une défaillance profonde de notre système d’enseignement, qui ne peut s’exonérer de toute responsabilité dans la syncope idéologique qui est la nôtre, malgré la chaleur qui m’accablait, j’ai eu un léger sursaut.

Comme si on accusait les auto-écoles d’être responsables des accidents de la route.

Certes il n’est ni le premier – les rétropenseurs usent et abusent de cette imputation – et hélas pas le dernier à mettre en cause l’enseignement dans des stupidités qui, elles aussi, ne datent pas d’aujourd’hui : souvenez-vous de CRS-SS ! D’autant que les exemples qu’il donne -Todd, Onfray, Badiou, Lordon - sont les produits d’un système d’enseignement bien antérieur.

Je ne disputerai pas de sa conception du libéralisme, d’autant que dans la tribune il insiste surtout sur la caricature et la méconnaissance dont il est l’objet, plus que sur le contenu assez polysémique du mot. Entre des disciples de l’école de Chicago qui sévissaient au FMI dans les années 80-90 et qui s’accommodaient fort bien des dictatures militaires en Amérique latine et le libéralisme dont se réclame Mario Vargas Llosa il y a plus que des nuances.

Et la grande complainte libérale sur les prélèvements obligatoires, en mélangeant allègrement impôts et taxes avec cotisations sociales, passe sous silence le fait que si on privatise la protection sociale, on remplacera l'affreux prélèvement par le joyeux paiement d’assurances privées... qui risque fort d'être plus élevé !  

« Je suis un libéral, parce que si on ne le limite pas, si on ne le tient pas sous une vigilance incessante, le pouvoir devient une monstruosité (…) Pour moi, être libéral, c'est surtout avoir une méfiance systématique du pouvoir. Si vous croyez à la liberté, le pouvoir, c'est l'ennemi à contrôler.

[…]

Je m'inscris dans la tradition de Schumpeter, de Hayek, d'Aron et d'Ortega y Gasset en Espagne. Le libéralisme n'est pas une idéologie mais plutôt une doctrine, on y trouve toutes les variétés que vous voulez. Le libéralisme est défendu parfois par des conservateurs et parfois par des socialistes. Nous avions des libéraux en Amérique latine, parce qu'ils refusaient le contrôle de l'Eglise sur la vie des citoyens. Mais ils ne s'intéressaient pas du tout à l'économie, et à vrai dire le libéralisme qui ne se préoccupe que du marché, du libre-échange est très limité. Le libéralisme, c'est la tolérance, la coexistence dans la diversité, la communauté d'idées différentes, la foi dans le progrès, c'est la civilisation.»

Mario Vargas Llosa  “Le pouvoir, c'est l'ennemi”

 

Pour en revenir à l’école, elle peut et elle doit, plus encore qu’elle ne le fait, tenter d’inculquer les notions de base de la citoyenneté, mieux, faire vivre cette citoyenneté en son sein, initier, comme le prône quelques pionniers, dès le plus jeune âge, à la discussion à visée philosophique, mais elle ne nous préservera jamais des aberrations idéologiques… qui ne frappent pas que les jeunes.

Pour illustrer la discussion à visée philosophique ce document de Michel Tozzi, téléchargeable gratuitement : http://www.yapaka.be/livre/livre-prevenir-la-violence-par-la-discussion-a-visee-philosophique

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14 décembre 2016 3 14 /12 /décembre /2016 16:20
Castro : le rêve transformé en cauchemar

C’est peut-être Mario Vargas Llosa qui décrit le mieux comment la disparition du vieux dictateur marque la fin d’un rêve de paradis révolutionnaire qui, sans liberté ni droits de l’Homme, s’est transformé en un enfer. Le totalitarisme cubain est-il, comme la misère chantée par Aznavour, moins pénible au soleil tropical ?

Mario Vargas Llosa conte, comment en 1959, la chute de Fulgencio Batista provoqua une explosion de joie chez tous ses amis latino-américains à Paris. Le triomphe de Fidel Castro et des barbudos du Mouvement du 26 juillet leur semblait comme une aventure à la Robin-des-bois. Les justiciers venus de la Sierra Maestra chassaient une dictature corrompue qui avait fait de La Havane le bordel des USA. Nul ne prêtait attention aux exécutions sommaires qui frappaient les suppôts du pouvoir.  Le si romantique leader cubain promettait une nouvelle ère de liberté pour son pays et pour toute l’Amérique latine ; et la transformation des casernes en écoles pour les enfants des campagnes paraissait un excellent début.

Castro : le rêve transformé en cauchemar

La crise des missiles mobilisa pour la défense de la Révolution cubaine un large éventail d’intellectuels européens et latino-américains. Vargas Llosa se rend pour la 1ère fois à Cuba pour la RTF (!) et il découvre des avions US qui survolent La Havane et une gigantesque mobilisation populaire pour faire face à une invasion imminente. Mais malgré les chœurs des miliciens invitant Kroutchev à tenir bon ((“Nikita, mariquita, lo que se da no se quita”), USA et URSS mirent fin à la crise, sans que les exigences de Castro – et particulièrement la fin de l’embargo – soient prises en compte. Le résultat fut cependant de mettre l’économie cubaine sous la dépendance de l’aide soviétique et de soviétiser Cuba.

Nada hay peor en Cuba que ser disidente, escritor y maricón”  

Reinaldo Arenas

 

Rien n'est pire à Cuba que d'être dissident, écrivain et pédé.

Comme le remarquait ironiquement, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas quand il a pris le pouvoir, en 1959, Castro avait trois options : 1) la démocratie, qui lui aurait permis alors de gagner les élections, mais en jouissant d’un pouvoir éphémère et partagé avec l’opposition ; 2) la tyrannie de droite ou classique, qui n’offre jamais une sécurité absolue ni un pouvoir illimité ; 3) la tyrannie communiste, qui, à ce moment-là, outre qu’elle le couvrait de gloire, semblait lui assurer le pouvoir à vie. Habile, Castro a opté pour cette dernière solution.

Les yeux de Vargas Llosa ont commencé à se dessiller quand il a découvert les UMAP—les Unités militaires d’aide à la production— un euphémisme, en fait des camps de concentration où le pouvoir cubain enfermaient, mélangés, dissidents, droits communs et homosexuels. Il apprend donc que des membres d’un groupe littéraire et artistique, dont il connaissait le fondateur, le poète José Mario, y étaient soumis aux travaux forcés. Pour ne pas donner des armes à l’ennemi, il envoie un courrier privé à Fidel Castro.

    « Entre 1965 et fin 1967, nous avons été plus de 40 000 personnes dans des camps de concentration isolés, dans la province de Camagüey, soumis aux travaux forcés de 5 heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, sans aucune justification ni explication. J’attends toujours que le gouvernement cubain présente ses excuses.

    « J’avais 23 ans, je me suis enfui du campement – 280 camarades emprisonnés sur le même territoire m’ont suivi – et je suis allé à La Havane pour dénoncer l’injustice qu’ils étaient en train de commettre. Le résultat a été qu’on m’a incarcéré pendant deux mois dans la forteresse de La Cabaña. Ensuite, j’ai été dans un camp pénitentiaire encore pire que les UMAP, où je suis resté jusqu’à leur dissolution, à la suite du scandale suscité dans l’opinion internationale.

    « L’UMAP n’a pas été un fait isolé. Avant 1966, Cuba s’était aligné définitivement avec la politique soviétique, y compris des procédés staliniens dont ont été victimes des intellectuels, des artistes, des musiciens. D’après l’histoire en vogue, en 1970 commence à Cuba ce qu’on appelle le “quinquennat gris”. Moi je dis que ça a vraiment commencé en 1965 et qu’il s’est agi de plusieurs quinquennats. »

Pablo Milanés (ce chanteur resté fidèle à son idéal révolutionnaire, soutient les présidents équatorien Rafael Correa et bolivien Evo Morales. Mais à son avis, « l’exemple, le plus grand de révolutionnaire en Amérique latine, est José Mujica »).

Hommage au Che poème de Julio Cortazar chanson de Pablo Milanés

En réponse, Vargas Llosa est invité à une rencontre avec Fidel avec une dizaine d’autres écrivains. Son récit est symptomatique de l’égocentrisme à la mesure de la force de la nature qu’était le Líder Máximo. Ce ne fut pas une conversation, car ce n’était pas une personne qui admettait des interlocuteurs, juste des auditeurs (« no era una persona que admitiera interlocutores, sólo oyentes ») ! Pendant 12 heures, de 8 heure du soir à 8 heure du matin, Fidel soliloque. Il conte des anecdotes de la Sierra Maestra, se pose des questions sur le Che qui a disparu dans on ne sait quel pays, reconnaît enfin qu’il y a bien quelques injustices et promet de corriger les UMAP mais tout en se disant agacé d’être interpellé sur ces enfermés (“los enfermitos”) et non sur le sort des petits paysans et de leurs enfants. Vargas Llosa s’est dit impressionné mais pas convaincu.

La rupture définitive vint avec la mise en cause du poète Heberto Padilla. Pour avoir émis des critiques, très nuancées, sur la politique culturelle, cet ardent soutien de la révolution, fut l’objet d’abord d’une campagne de presse violente. Les intellectuels qui appréciaient le poète envoyèrent une lettre, très modérée, de soutien. Résultat, il fut obligé, dans un véritable procès stalinien, de confesser qu’il était un soutien de la CIA et d’accuser ceux qui l’avaient soutenu, y compris sa propre épouse, d’être des agents de l’impérialisme et des ennemis de la révolution.

Vargos Llosa rédigea peu après une lettre co-signée, entre autres, par Jean-Paul Sartre, Carlos Fuentes, Susan Sontag et Alberto Moravia. Ils défendaient l’idée que sans institutions solides, élections et presse libres, sans respect des droits de l’Homme, la dictature ne pouvait que s’installer et les citoyens, devenus sujets, être sous la coupe d’une nomenklatura de privilégiés.

Les jumeaux de la Guardia, avec Fidel Castro

Les jumeaux de la Guardia, avec Fidel Castro

Le procès stalinien de Padilla sera suivi de nombreux autres, et plus sanglants, en particulier ceux du Général Ochoa ou du Colonel de la Guardia.

Le jugement de Vargas Llosa est sévère puisqu’il estime que Castro quitte un pays plus pauvre que celui qu’a laissé Batista en s’enfuyant le 31 décembre 1958 ; il constate aussi que Cuba détient le triste privilège d’être la plus longue dictature qu’a connue le continent américain.

Les défenseurs du castrisme mettent en avant l’éducation et la santé.

Exemple caricatural ce Pascual Serrano qui dans El Jueves, avec un sens du sophisme digne des plus grands casuistes feint de s’interroger sur la démocratie en entamant son propos par « il n’y a pas de démocratie parfaite » ! Aussi imparfaite soit-elle, la démocratie espagnole actuelle et peut-être quelque peu préférable au national-catholicisme franquiste d'hier ? Et il pose des questions aussi absurdes que « Est-il plus démocratique un pays où les enfants meurent de maladies curables fautes de soin qu’un autre où ils sont soignés grâce à un système de santé publique ? ». Dans son propos il oublie d’ailleurs l’autre grande œuvre du régime, l’éducation. En revanche, quand il parle du vivre et du couvert, sans oublier le travail, il feint d’ignorer qu’à Cuba la pénurie alimentaire règne, les logements sont délabrés et le travail au noir règne en maître.

Et la très iconoclaste comparaison entre le dictateur chilien Pinochet et le grand Líder révolutionnaire, menée par María Werlau, rappelle qu’en matière de répression sanglante, même compte tenu de la longueur des dictatures (16 ans pour le chilien qui a quitté le pouvoir après un référendum, 47 ans pour le cubain avant qu’il ne cède les rênes à son frère), Fidel Castro tient largement la tête.

Castro : le rêve transformé en cauchemar

Fidel Castro est un caudillo [chef de clan populiste très présent dans l’histoire latino-américaine] qui résume à lui seul tous les complexes développés par la classe moyenne latino-américaine du XXe siècle : autoritarisme, machisme, populisme, antiaméricanisme. Pareil dictateur ne rougira jamais de comptabiliser cinquante années de pouvoir ; cette longévité, bien au contraire, est un motif de fierté. Le régime politique que dirige Fidel Castro est destiné à se maintenir en tant que citadelle assiégée, un statut qui constitue un alibi permanent pour sa légitimité. Fidel Castro exigera jusqu’à son dernier souffle d’être accepté par Cuba et le reste du monde, d’être reconnu, admiré et imité. Sa soif de légitimité est inextinguible parce que sa volonté de pouvoir ne connaît aucune frontière morale ou idéologique.

Rafael Rojas

Maspero, en 1989, évoquait déjà le caudillisme à propos de Castro.

C’est encore Vargas Llosa qui répond le mieux aux inepties de P. Serrano. Les progrès dans les domaines de l’éducation et de la santé sont sans doute réels (quoique le reportage de Maspero jette quelque doute). Mais ils n’ont pas convaincu les très nombreux cubains qui n’aspirent qu’à s’enfuir aux Etats-Unis. Et la nomenklatura n’ayant plus l’aide soviétique, ni celle de Chavez, doit compter, pour la survie économique de l’île, sur l’argent de l’émigration. Quant à la contagion révolutionnaire en Amérique latine, elle n’a abouti qu’aux massacres des jeunes disciples du Che, à renforcer les dictatures militaires (soutenus par les USA), donc à retarder la démocratisation, aussi imparfaite et fragile soit-elle, de cette Amérique latine.

L’écrivain péruvien a fait partie de cette génération de jeunes persuadés que le pouvoir est au bout du fusil et que la Révolution avec un grand R, comme Romantique, allait rapprocher le ciel de la terre. La cruelle réalité a laissé place à un immense désenchantement. La soviétisation du régime cubain, avec cependant forces adaptations, laisse un pays exsangue. Devant l’échec culturel, social, économique de l’île, une majorité de latino-américains semble comprendre que le seul véritable progrès est que liberté et justice sociale avancent du même pas. Et que sans les droits de l’Homme l'utopique paradis de l’homme nouveau n’est plus qu’un enfer actuel pour l’homme réel.

Castro : le rêve transformé en cauchemar
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19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 16:12

Marijuana

Si le Brésil et l’Argentine captent quelques rares fois notre attention hexagonale, aucun média ne fait grand cas du discret voisin, l’Uruguay. Et pourtant, les Uruguayens ont toujours été les plus sensés et les plus avancés du monde hispanique. Ainsi furent-ils les premiers à instaurer le vote des femmes et l’éducation laïque et gratuite. Leur législation sur le divorce a 70 ans d’avance sur celle de l’Espagne*. Et maintenant, ils vont légaliser la marihuana !

 

La mesure a pour partie une cause économique. Dans ce pays, la marihuana rapporte près de 75 millions de dollars par an qui vont intégralement dans les poches des mafias. Na vaudrait-il pas mieux que cette somme profite aux paysans qui cultiveraient légalement le cannabis et paieraient des impôts ?

Scandaleux ? L’alcoolisme sévit aussi. Mais personne n’envisage d’arracher nos beaux vignobles en France ou de fermer les distilleries de whisky en Ecosse ! D’ailleurs tous les buveurs ne sont pas alcooliques. Et la prohibition aux Etats-Unis a eu des effets si désastreux qu’il a fallu revenir sur cette mesure.

 

Mais l’objectif principal de la légalisation est d’améliorer la sécurité. A l’instar de la Cosa Nostra étasunienne, les trafiquants de drogue ont de l’argent et des armes ; ils corrompent tout ce qu’ils approchent et déclenchent autour d’eux un grand nombre d’actions illégales. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la région pour juger des dégâts du trafic : une guérilla endémique en Colombie, des gangs d’adolescents sauvages en Amérique centrale (maras), une guerre avec 50 000 morts au Mexique.

 

La guerre contre la drogue : un échec retentissant !

L’échec de la guerre contre la drogue est si retentissant qu’un ex-président du Mexique, Vincente Fox, des présidents en exercice comme Juan Manuel Santos en Colombie ou le guatémaltèque Otto Pérez Molina, un éminent intellectuel comme Mario Vargas Llosa, peu suspects d’être des hippies attardés, se sont prononcés pour la dépénalisation. L’argument de toutes ces personnalités est purement pragmatique : il est absurde que meurent des dizaines de milliers de personnes parce que des dizaines de milliers d’autres cherchent des paradis artificiels. Sans aucun doute le remède de la prohibition est pire que le mal. Et il est logique de commencer par la marihuana pour explorer de nouvelles stratégies face à la drogue.

 

En Espagne, initiative catalane, des associations de fumeurs se sont formées qui apprennent comment produire du cannabis pour son autoconsommation dans le cadre de la tolérance légale de 72 g par mois. Ainsi leurs membres cessent de financer les trafiquants. Et à Barcelone s’est ouvert un musée du cannabis où l’on prétend que Shakespeare fumait des joints et que la bible recommandait la marihuana !

 

Le but de ces initiatives n’est pas de promouvoir les addictions. L’objectif est de séparer la drogue des armes (il faut noter que le pays le plus gros consommateur du monde, les Etats-unis, est celui où les armes sont totalement légales). La consommation de drogues peut être un problème grave, mais un problème qui relève de la santé publique, pas de la police et encore moins de l’armée.

 

Les uruguayens ont toujours été à l’avant-garde**, tôt ou tard de nombreux pays lui emboîteront le pas.

 

 

roncagliolo  D’après Santiago Roncagliolo  Hora de legalizar

 

* L’instauration de l’enseignement laïque et gratuit, de la séparation de l’église et de l’état en Uruguay datent de la présidence démocratique de José Batlle y Ordoňez (1903-1915) ; le divorce n’a été légalisé en Espagne qu’en 1981. 

** L’écrivain péruvien a une vision un peu édénique de l’histoire de l’Uruguay qui a connu dans les années 70 des escadrons de la mort et une dictature militaire.

 

NB  Cet article ne se veut pas une traduction de celui se S. Roncagliolo, mais une interprétation avec l'espoir qu'elle soit fidèle à l'esprit du texte. Les hispanistes se reporteront au texte original, paru aussi dans El Pais (supplément semanal) du 15/07/12.

 

Cannabis en vente libre : une première mondiale

http://www.courrierinternational.com/une/uruguay-cannabis-en-vente-libre-une-premiere-mondiale?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter

 

 

Sur le même sujet : Légalisation du cannabis, sujet tabou ? et Cécile, fais tourner le oinge !

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