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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 17:58
Décembre 2012 : prière sur la Place J'maa-elFna, Marrakech

Décembre 2012 : prière sur la Place J'maa-elFna, Marrakech

La laïcité falsifiée, c’est la laïcité UMPenisée, de Marine Le Pen à Jean-François Copé, annoncée par un rapport Baroin sur la nouvelle laïcité. Laïcité UMPenisée appuyée par de pseudos républicains qui, bien que proscrivant tout adjectif, prônent une laïcité répressive antithèse de la laïcité libérale voulue par Aristide Briand, Ferdinand Buisson et Jean Jaurès avec la loi de 1905.

 

« La laïcité apparaît trop souvent, depuis une vingtaine d’années, comme un principe d’interdits et de restriction aux libertés, ce qu’elle n’est pas » J.L. Bianco, Pdt de l’Observatoire de la laïcité.

 

En décembre 2010, Marine Le Pen, en campagne pour l’accession à la tête du FN, compare les quelques prières de rue des Musulmans à l’occupation de la France par les nazis. Immédiatement, protestations de tout bord contre l’indigne comparaison. Elle opère alors un habile repli statégique : sa déclaration devait être entendue au nom de la défense de la laïcité et contre le communautarisme. Miracle ! Sarkozy embraye, condamnant même d’imaginaires appels à la prière, inexistants en France, jusqu’à Benoît Hamon qui trouve « inacceptable cette situation ». « En hypertrophiant un problème, on façonne la lepenisation de la société » : l’OPA de Marine Le Pen sur la laïcité a réussi !

 

Copé, à la tête de l’UMP ne voudra pas rester en reste. Il lance un débat sur l’Islam et la République, appuyé par un Guéant qui prétend que les Français ont « le sentiment de ne plus être chez eux » et, au sujet de l’Islam « Cet accroissement du nombre des fidèles et d’un certain nombre de comportements pose problème ». Ce qui lui vaudra d’être déclaré « membre d’honneur du FN » par Marine Le Pen. L’initiative de Copé, rebaptisée « débat sur la Laïcité » sera un fiasco. Mais laissera des séquelles.

 

   La laïcité UMPénisée n’est pas tombée du ciel. Dans un rapport de 2003 intitulé : « Pour une nouvelle laïcité », François Baroin y explique que le conflit des deux France est achevé, que le dissensus entre France laïque et catholique n’est plus d’actualité, et que de nos jours la laïcité va vers le culturel et l’identitaire. Elle peut devenir une valeur de droite. Cette appropriation de la laïcité par la droite est possible, selon François Baroin, parce que la gauche est culpabilisée par l’héritage colonial, et si la laïcité devient « culturelle et identitaire » c’est face à l’Islam et face aux immigrés. Ainsi, la gauche fait la promotion des droits de l’homme, et « à un certain point, la laïcité et les droits de l’homme sont contradictoires ».

Image Ligue de l'enseignement

Image Ligue de l'enseignement

Cette laïcité identitaire va s’épanouir dans le culte des racines, racines chrétiennes, à la limite un peu gréco-romaine et, ancien testament oblige, juive. Dans la surenchère franchouillarde, Sarkozy et son calamiteux discours de Latran va être concurrencé par le Haut conseil à l’intégration (HCI) qui outre l’affirmation historiquement très fragile que « l’idée de laïcité existait sous l’Ancien Régime » va affirmer que la laïcité « exception française » a été imitée par le Mexique. Comme le note ironiquement Jean Baubérot, en 1859 les Mexicains ont imité la loi de séparation des églises et de l’état de 1905 ! Cette vision franchouillarde est d’autant plus incongrue, que Briand lui-même évoque l’exemple mexicain dans son rapport à la commission parlementaire, préparatoire à la Loi de 1905.

 

Le stéréotype anticlérical de la « femme soumise » est recyclé par cette nouvelle laïcité. Au 19e siècle, quand il était question de la « femme soumise », il était fait explicitement référence à la femme catholique qui allait au confessionnal. Aujourd’hui, il suffit de remplacer la femme catholique par la femme musulmane qui porte un foulard. Cette laïcité UMPenisée est une sorte de feuille de vigne, une manière polie d’être islamophobe. Quitte à être antisémite, puisque le halal honni, censé envahir nos étals de boucher, ressemble fort au casher et que les apéros sauciflard-pinard feraient fuir aussi bien un juif qu’un musulman.

 

« Si [Marine Le Pen] invoque aussi facilement la loi de 1905, c’est que celle-ci est mésinterprétée (…) on la sacralise et on la méprise, on lui fait dire souvent le contraire de ce qu’elle a dit. »

 

    Selon Ferdinand Buisson l’État laïque c’est l’État neutre entre tous les cultes, et la France a toujours eu une conception assez forte de la neutralité dans sa laïcité ainsi les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, ne doivent porter aucun signes religieux distinctifs, ni d’ailleurs politiques. La laïcité s’applique aux institutions non aux individus, dans la loi de séparation des églises et de l’état.

 

La droite et l’extrême droite veulent étendre la neutralité à certains secteurs de l’espace public alors qu’elle ne s’applique qu’à la puissance publique et aux services publics, ils veulent instaurer une  logique répressive contre la logique libérale de la loi de 1905. « Dans l’espace public (…) la liberté est le principe, la restriction sans parler de l’interdiction est l’exception » (Rémy Schwartz). Cette nouvelle laïcité est une hypertrophie de la neutralité – et d’une certaine interprétation de la neutralité – atrophiant la liberté de conscience, l’égalité des droits, mais aussi la séparation. Cette exigence s’élargit démesurément, et une partie de la gauche y souscrit. En jouant sur l’ambiguïté privé/public, avec des formulations sur la religion qui relève de la sphère intime. Or si l’adhésion à une religion ou pas relève bien de chaque individu – c’est la liberté de conscience qui englobe la liberté religieuse – la manifestation de sa religion (ou de son athéisme) peut se faire dans l’espace civil. La loi de 1905 ne laisse place à aucune erreur d’interprétation sur ce point.

 

Mais ce serait donner une idée trop partielle du livre de Baubérot qu’en résumant – trop sommairement – l’aspect en quelque sorte défensif de son livre.

 

Il propose une politique refondatrice de la laïcité.

 

Car, au-delà de la séparation des églises et de l’état, la laïcité c’est aussi la séparation de la loi civile avec des dogmes religieux et des normes morales particulières. La séparation du mariage civil et du mariage religieux en 1792 est une première étape, puis la loi sur le divorce (1884), la contraception (1967), l’IVG (1975), le mariage pour tous (2014). De nouvelles libertés laïques sont à conquérir, dans le domaine de la bioéthique (recherche sur les cellules souches notamment) ou dans celui du droit de mourir dans la dignité, donc le recours à l’euthanasie

 

Contre ces avancées, des religions invoquent des ruptures anthropologiques, ce fut le cas pour le mariage civil, le divorce, l’IVG, ce l’est encore avec le mariage pour tous, comme si les repères anthropologiques étaient anhistoriques.

La laïcité n’empêche personne de vivre selon ses propres croyances anthropologiques. Elle veille seulement à ce que de telles croyances ne soient pas imposées à l’ensemble de la société. C’est précisément sur le terrain de la liberté que la laïcité s’impose aux religions non sur celui d’une répression ciblée ou générale.

 

Pour compléter : un compte-rendu de conférence au Québec

La laïcité falsifiée _ Jean Baubérot

   4e de couverture

Classiquement considérée comme un des principaux marqueurs de la gauche, la laïcité aurait-elle viré à droite, voire à l'extrême droite ? La question se pose depuis le « débat sur la laïcité » de l'UMP, les effets de manche de la droite populaire et les références répétées de Marine Le Pen à la séparation de la religion et de l'État. De nombreuses personnalités dénoncent cette dérive sans véritablement réussir à la réfuter. Protester contre la « stigmatisation » des musulmans - souvent le vrai motif de cette nouvelle posture « laïque » - est bien sûr nécessaire. Mais en rester là se révèle totalement insuffisant, car cette nouvelle laïcité de droite se pare de valeurs partagées comme la démocratie, l'égalité des sexes et la liberté d'expression. Il est donc urgent d'analyser, point par point, comment la laïcité peut être ainsi falsifiée et pourquoi on fait dire aussi facilement à la loi de séparation de 1905 le contraire de ce qu'elle a réellement dit.

 

C'est ce que fait Jean Baubérot dans cet essai, où il démonte les mécanismes de la nouvelle laïcité et montre que, pour la promouvoir, il faut oser mettre en cause les structures dominantes de la société ellemême. Dans deux chapitres conclusifs passionnants, il propose un « programme républicain pour refonder la laïcité » et une libération des cléricalismes d'aujourd'hui, grâce à la recherche d'un art de vivre : la « laïcité intérieure ».

 

    Editions La Découverte 9,50 €

 

 

Pour compléter : La laïcité pour faire société, excellent dossier de la Ligue de l'enseignement (téléchargeable format pdf)

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 17:23
Le « voile » à l’université : un non problème ?

Histoire de meubler une actualité censée être vide en cette période estivale, Le Monde « s’est procuré » un document explosif. Un rapport de la « mission sur la laïcité » du Haut conseil à l’intégration (HCI), datant d’avril. Il préconise l’interdiction du voile dit islamique à l’université. Interdiction qui n’a pas grand chose à voir avec les prétendus faits qu’il dénonce. Mais qui va alimenter les discours haineux de la faschosphère de plus en plus décomplexée.

 

Qui a pu sortir du placard où l’avait enterré l’Observatoire de la laïcité, ce texte signé d’Alain Sekzig, responsable de feu la mission laïcité du HCI ? Les extraits qu’en donne Le Monde sont soit d’une extrême généralité soit vraisemblablement controuvés.

Et derrière des formules alarmistes - nombreux contentieux, Les problèmes n'ont pas disparu, ne se sont pas raréfiés mais se sont banalisés – rien n'est quantifié, rien n'est situé.Certaines des atteintes à la laïcité "dans certaines universités où des tenants de courants chrétiens évangéliques ou néobaptistes critiquent les théories darwiniennes de l'évolution au profit de thèses créationnistes. Ailleurs, des écrits de Voltaire, de Pascal ou de Camus peuvent être rejetés" sont en général évoquées pour les lycées. Car on voit mal des étudiants choisir une filière dont ils récuseraient les contenus de base. Cet exemple ne plaide pas en faveur du sérieux et de l’honnêteté de ce rapport qui semble accumuler des faits improbables.

 

Et des plus vagues et hétéroclites par ailleurs : "des demandes de dérogation pour justifier une absence, au port de signes d'appartenance religieuse, à des actes de prosélytisme, à la récusation de la mixité tant au niveau des étudiants que des enseignants, à la contestation du contenu des enseignements, à l'exigence de respect des interdits alimentaires, à l'octroi de lieux de culte ou de locaux de réunion à usage communautaire..." Que peut bien vouloir dire ce salmigondis ces demandes de dérogation pour justifier une absence dans des facs, où le contrôle de l’assiduité est quasi inexistant ? Sur la mixité et le contenu de l’enseignement, les instances universitaires peuvent rappeler aux contestataires que l’enseignement supérieur n’est pas obligatoire et donc que nul n’est obligé de s’y inscrire. Les problèmes alimentaires ne sont pas de même nature et il peut y avoir des accommodements raisonnables, très limités sans doute car les restos U. doivent jongler avec un budget serré. Que des étudiants demandent l’octroi de locaux ne veut pas dire qu’on les leur accorde. Et dans toutes ces vagues dénonciations, rien qui soit lié au port d’un foulard ou d’un fichu. Ne reste donc que le port de signes d’appartenance religieuse et le prosélytisme, les deux semblant confondus par l’auteur.

Le « voile » à l’université : un non problème ?

Le rapport disait s’appuyer notamment sur une enquête de la conférence des universités datant de 2004. L’actuel président de cette conférence, Jean-Loup Salzmann, dément de fait cette assertion : "pour répondre aux questions des étudiants, nous avons édité, en 2004, un guide, sorte de charte de bonnes pratiques à observer à l'université en matière de laïcité : ce qui est interdit, ce qui est autorisé." Et il récuse des plus nettement cette interdiction du foulard à l’université : "C'est une mauvaise idée sur la forme, et sur le fond. Sur la forme, on ne traite pas un non-problème par une loi. Sur le fond, l'université, ce n'est pas l'école. Les étudiants sont majeurs, ce sont des adultes et on ne peut limiter leurs libertés individuelles. Nous pensons que c'est un sujet qui nécessite de l'apaisement, de la discussion, et certainement pas une approche teintée d'islamophobie, comme celle du HCI." 

 

Le rapporteur est un militant affiché de l’interdiction tout azimut du port du voile. Ainsi a-t-il approuvé des directrices d’écoles maternelles qui récusaient la présence de mères en fichus pour assurer la sécurité des bambins lors d’une sortie scolaire. Mères que lesdits bambins peuvent voir tous les jours à la sortie de l’école. L’affaire « baby loup » où la cour de cassation a dit le droit très clairement dans les attendus de deux jugements simultanés, pousse des laïcistes à réclamer l’interdiction du foulard, jusqu’aux nounous à domicile. La phobie du voile a aussi porté sur les adultes inscrits dans la formation continue des GR.ETA. (groupements d’établissements secondaires publics), voire sur les parents d’élèves élus aux conseils d’administration des mêmes établissements. Et les plus voilicides d’entre eux vont – au risque de porter un coup grave à la maison Hermès et ses « carrés » de soie – jusqu’à vouloir proscrire le port du fichu dans tout espace public.

Aristide Briand, rapporteur de la loi de séparation de l'état et des églises 1905

Aristide Briand, rapporteur de la loi de séparation de l'état et des églises 1905

Ce délire textile qui, s’il en finissait avec le foulard, s’attaquerait ensuite aux robes – ne rigolez pas ça a commencé – est contraire et à la lettre et à l’esprit de la loi de 1905. Il faut donc constamment rappeler, ce que disait Aristide Briand : « Toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte interprétation c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »

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