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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 17:58
Décembre 2012 : prière sur la Place J'maa-elFna, Marrakech

Décembre 2012 : prière sur la Place J'maa-elFna, Marrakech

La laïcité falsifiée, c’est la laïcité UMPenisée, de Marine Le Pen à Jean-François Copé, annoncée par un rapport Baroin sur la nouvelle laïcité. Laïcité UMPenisée appuyée par de pseudos républicains qui, bien que proscrivant tout adjectif, prônent une laïcité répressive antithèse de la laïcité libérale voulue par Aristide Briand, Ferdinand Buisson et Jean Jaurès avec la loi de 1905.

 

« La laïcité apparaît trop souvent, depuis une vingtaine d’années, comme un principe d’interdits et de restriction aux libertés, ce qu’elle n’est pas » J.L. Bianco, Pdt de l’Observatoire de la laïcité.

 

En décembre 2010, Marine Le Pen, en campagne pour l’accession à la tête du FN, compare les quelques prières de rue des Musulmans à l’occupation de la France par les nazis. Immédiatement, protestations de tout bord contre l’indigne comparaison. Elle opère alors un habile repli statégique : sa déclaration devait être entendue au nom de la défense de la laïcité et contre le communautarisme. Miracle ! Sarkozy embraye, condamnant même d’imaginaires appels à la prière, inexistants en France, jusqu’à Benoît Hamon qui trouve « inacceptable cette situation ». « En hypertrophiant un problème, on façonne la lepenisation de la société » : l’OPA de Marine Le Pen sur la laïcité a réussi !

 

Copé, à la tête de l’UMP ne voudra pas rester en reste. Il lance un débat sur l’Islam et la République, appuyé par un Guéant qui prétend que les Français ont « le sentiment de ne plus être chez eux » et, au sujet de l’Islam « Cet accroissement du nombre des fidèles et d’un certain nombre de comportements pose problème ». Ce qui lui vaudra d’être déclaré « membre d’honneur du FN » par Marine Le Pen. L’initiative de Copé, rebaptisée « débat sur la Laïcité » sera un fiasco. Mais laissera des séquelles.

 

   La laïcité UMPénisée n’est pas tombée du ciel. Dans un rapport de 2003 intitulé : « Pour une nouvelle laïcité », François Baroin y explique que le conflit des deux France est achevé, que le dissensus entre France laïque et catholique n’est plus d’actualité, et que de nos jours la laïcité va vers le culturel et l’identitaire. Elle peut devenir une valeur de droite. Cette appropriation de la laïcité par la droite est possible, selon François Baroin, parce que la gauche est culpabilisée par l’héritage colonial, et si la laïcité devient « culturelle et identitaire » c’est face à l’Islam et face aux immigrés. Ainsi, la gauche fait la promotion des droits de l’homme, et « à un certain point, la laïcité et les droits de l’homme sont contradictoires ».

Image Ligue de l'enseignement

Image Ligue de l'enseignement

Cette laïcité identitaire va s’épanouir dans le culte des racines, racines chrétiennes, à la limite un peu gréco-romaine et, ancien testament oblige, juive. Dans la surenchère franchouillarde, Sarkozy et son calamiteux discours de Latran va être concurrencé par le Haut conseil à l’intégration (HCI) qui outre l’affirmation historiquement très fragile que « l’idée de laïcité existait sous l’Ancien Régime » va affirmer que la laïcité « exception française » a été imitée par le Mexique. Comme le note ironiquement Jean Baubérot, en 1859 les Mexicains ont imité la loi de séparation des églises et de l’état de 1905 ! Cette vision franchouillarde est d’autant plus incongrue, que Briand lui-même évoque l’exemple mexicain dans son rapport à la commission parlementaire, préparatoire à la Loi de 1905.

 

Le stéréotype anticlérical de la « femme soumise » est recyclé par cette nouvelle laïcité. Au 19e siècle, quand il était question de la « femme soumise », il était fait explicitement référence à la femme catholique qui allait au confessionnal. Aujourd’hui, il suffit de remplacer la femme catholique par la femme musulmane qui porte un foulard. Cette laïcité UMPenisée est une sorte de feuille de vigne, une manière polie d’être islamophobe. Quitte à être antisémite, puisque le halal honni, censé envahir nos étals de boucher, ressemble fort au casher et que les apéros sauciflard-pinard feraient fuir aussi bien un juif qu’un musulman.

 

« Si [Marine Le Pen] invoque aussi facilement la loi de 1905, c’est que celle-ci est mésinterprétée (…) on la sacralise et on la méprise, on lui fait dire souvent le contraire de ce qu’elle a dit. »

 

    Selon Ferdinand Buisson l’État laïque c’est l’État neutre entre tous les cultes, et la France a toujours eu une conception assez forte de la neutralité dans sa laïcité ainsi les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, ne doivent porter aucun signes religieux distinctifs, ni d’ailleurs politiques. La laïcité s’applique aux institutions non aux individus, dans la loi de séparation des églises et de l’état.

 

La droite et l’extrême droite veulent étendre la neutralité à certains secteurs de l’espace public alors qu’elle ne s’applique qu’à la puissance publique et aux services publics, ils veulent instaurer une  logique répressive contre la logique libérale de la loi de 1905. « Dans l’espace public (…) la liberté est le principe, la restriction sans parler de l’interdiction est l’exception » (Rémy Schwartz). Cette nouvelle laïcité est une hypertrophie de la neutralité – et d’une certaine interprétation de la neutralité – atrophiant la liberté de conscience, l’égalité des droits, mais aussi la séparation. Cette exigence s’élargit démesurément, et une partie de la gauche y souscrit. En jouant sur l’ambiguïté privé/public, avec des formulations sur la religion qui relève de la sphère intime. Or si l’adhésion à une religion ou pas relève bien de chaque individu – c’est la liberté de conscience qui englobe la liberté religieuse – la manifestation de sa religion (ou de son athéisme) peut se faire dans l’espace civil. La loi de 1905 ne laisse place à aucune erreur d’interprétation sur ce point.

 

Mais ce serait donner une idée trop partielle du livre de Baubérot qu’en résumant – trop sommairement – l’aspect en quelque sorte défensif de son livre.

 

Il propose une politique refondatrice de la laïcité.

 

Car, au-delà de la séparation des églises et de l’état, la laïcité c’est aussi la séparation de la loi civile avec des dogmes religieux et des normes morales particulières. La séparation du mariage civil et du mariage religieux en 1792 est une première étape, puis la loi sur le divorce (1884), la contraception (1967), l’IVG (1975), le mariage pour tous (2014). De nouvelles libertés laïques sont à conquérir, dans le domaine de la bioéthique (recherche sur les cellules souches notamment) ou dans celui du droit de mourir dans la dignité, donc le recours à l’euthanasie

 

Contre ces avancées, des religions invoquent des ruptures anthropologiques, ce fut le cas pour le mariage civil, le divorce, l’IVG, ce l’est encore avec le mariage pour tous, comme si les repères anthropologiques étaient anhistoriques.

La laïcité n’empêche personne de vivre selon ses propres croyances anthropologiques. Elle veille seulement à ce que de telles croyances ne soient pas imposées à l’ensemble de la société. C’est précisément sur le terrain de la liberté que la laïcité s’impose aux religions non sur celui d’une répression ciblée ou générale.

 

Pour compléter : un compte-rendu de conférence au Québec

La laïcité falsifiée _ Jean Baubérot

   4e de couverture

Classiquement considérée comme un des principaux marqueurs de la gauche, la laïcité aurait-elle viré à droite, voire à l'extrême droite ? La question se pose depuis le « débat sur la laïcité » de l'UMP, les effets de manche de la droite populaire et les références répétées de Marine Le Pen à la séparation de la religion et de l'État. De nombreuses personnalités dénoncent cette dérive sans véritablement réussir à la réfuter. Protester contre la « stigmatisation » des musulmans - souvent le vrai motif de cette nouvelle posture « laïque » - est bien sûr nécessaire. Mais en rester là se révèle totalement insuffisant, car cette nouvelle laïcité de droite se pare de valeurs partagées comme la démocratie, l'égalité des sexes et la liberté d'expression. Il est donc urgent d'analyser, point par point, comment la laïcité peut être ainsi falsifiée et pourquoi on fait dire aussi facilement à la loi de séparation de 1905 le contraire de ce qu'elle a réellement dit.

 

C'est ce que fait Jean Baubérot dans cet essai, où il démonte les mécanismes de la nouvelle laïcité et montre que, pour la promouvoir, il faut oser mettre en cause les structures dominantes de la société ellemême. Dans deux chapitres conclusifs passionnants, il propose un « programme républicain pour refonder la laïcité » et une libération des cléricalismes d'aujourd'hui, grâce à la recherche d'un art de vivre : la « laïcité intérieure ».

 

    Editions La Découverte 9,50 €

 

 

Pour compléter : La laïcité pour faire société, excellent dossier de la Ligue de l'enseignement (téléchargeable format pdf)

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7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 21:10
La laïcité expliquée à Monsieur Retailleau
La laïcité expliquée à Monsieur Retailleau

Ouest-France 06/12/2014

"L'Etat laïque, neutre entre tous les cultes, indépendants de tous les clergés, dégagé de toute conception théologique" permet "l'égalité de tous les Français devant la loi, la liberté de tous les cultes" et de toutes les convictions philosophiques. D'après Ferdinand Buisson

 

Monsieur le Sénateur-Président du conseil général de la Vendée (et Président du groupe parlementaire UMP du Sénat), je me permets, très humblement, de vous rappeler que notre République est laïque. Contrairement à ce que d’aucuns pourraient croire – mais vous n’êtes certainement pas de ceux-là – la République ne se réduit pas à l’état central (ni l’état, au gouvernement), mais comprend les collectivités territoriales (communes, départements, régions).

 

Une des grandes lois fondatrices de la Laïcité française est la loi de 1905. Et contrairement à ce qu’un ex-président, dont vous avez rallié le parti, a laissé sous-entendre osant parler d’un anti-cléricalisme d’état, la Loi de 1905 fut bien une loi de liberté et de tolérance.

 

Votre (ex)père spirituel, le Vicomte Le Jollis de Villiers de Saintignon, qui voyait des mosquées partout à Roissy, a sans doute fustigé les prières de rues des infidêles et barbaresques musulmans. Et pourtant, contrairement à vous qui êtes trop jeune (quoique), il a dû connaître les « fêtes-dieu » où le curé portant ostensoir et protégé par un dais avançait sur un tapis de pétales de roses répandus par des enfants de chœur ensoutanés de rouge, avec surplis blanc, au son de saints cantiques en latin. Et honte au mécréant qui n’aurait pas décoré sa façade sur l’itinéraire de la procession. Question prière de rue, on était servi avec des autels de plein air où s’arrêtait la sainte procession dans les rues de nos villages.

Je ne saurais trop vous recommander la lecture des débats qui ont abouti à la suppression d’un article liberticide dans la loi de 1905. Vous y verriez comment un député catholique a su prendre à contre-pied Aristide Briand et Ferdinand Buisson : « quand l’ordre public n’est pas en danger, il y a un autre intérêt qui s’impose, c’est celui de la liberté. » Et l’Article 25 qui édictait que les églises, séparées de l’état, « n’ont pas le droit d’emprunter la voie publique pour les manifestations de leur culte » car elles imposeraient ainsi « aux indifférents, aux adeptes des autres confessions religieuses le spectacle inévitable de leurs rites particuliers. » a été supprimé.

Ce qui répond aux âneries proférées par le Vicomte sur les étoiles qu’il faudrait retirer de nos rues, car outre que la symbolique religieuse desdites étoiles n’est pas évidente, elles ne sont pas bannies des voies publiques qu’il ne faut pas confondre avec des bâtiments officiels. Quant à vos propres propos sur les communes en « Saint »* qu’il faudrait débaptiser, entre nous soit dit, vous confesserez qu’ils relèvent d’un amalgame assez puéril. Contrairement aux révolutionnaires que vous honnissez, les Ferry, Briand ou Buisson n’ont jamais voulu toucher au calendrier des fêtes d’origine chrétienne et encore moins à la toponymie.

 

  Revenons donc à votre crèche.

Que les santons de Provence puissent relever d’une authentique tradition culturelle populaire, d’un patrimoine provençal, est indéniable. En revanche, vous conviendrez que l’aspect culturel de vos statuettes saint-sulpiciennes n’est pas évident. Tradition cultuelle plutôt qui trouve sa place dans les lieux de culte, voire dans des foires de Noël, sans doute pour sanctifier les marchands du temple. 

 

Mais, elle n’a pas sa place dans un bâtiment de la République, dont font partie Mairie et Hôtel de Département. Non pas que leur laideur soit une atteinte au bon goût, cela étant trop subjectif. Mais que ces crèches sont une atteinte à la neutralité que doivent afficher ces lieux.  C’est ce que dit clairement l’Article 28 : « Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. » sur lequel s’est appuyé, je suppose, le Tribunal Administratif de Nantes.

 

Cette neutralité instaurée par la loi de séparation des églises et de l’état n’est pas anti-religieuse, mais a-religieuse. Elle s’impose à ses représentants et à ses agents. C’est pourquoi ceux-ci ne doivent, dans l’exercice de leurs fonctions, manifester leur éventuelle appartenance à telle religion ou parti politique.  Non pas pour cause d’éventuel prosélytisme – la vue d’une hôtesse d’accueil portant un fichu dit islamique dans une administration ne risque guère de convertir qui que ce soit à l’islam – mais pour affirmer la neutralité du service public.

 

Sans vous laisser aller aux outrances de votre ex-mentor – l’admirateur de Poutine parlant de décision « totalitaire » - vous n’en avez pas moins profité de votre position pour vous livrer à une attaque indigne contre la Libre pensée la taxant d’intégrisme laïcard. Vous conviendrez peut-être que question intégrisme agressif, la Libre pensée est loin, très loin, des méthodes d’actions de CIVITAS, par exemple. Et que la conviction exprimée dans leurs statuts est aussi respectable que la vôtre. Le Président de la Libre Pensée de Vendée qui, contrairement à vous, n’a guère été entendu dans les médias, a fait preuve d’une grande retenue dans son expression et dans son action.

 

Quant à votre allusion à un témoignage touchant d’un « auditeur, dont le prénom, Ahmed, fait penser qu’il appartenait à une religion » ne soutenant pas une crèche, outre que vous semblez ignorer que la religion musulmane reconnaît Jésus comme un prophète, elle trahit une propension trop fréquente à conférer une appartenance religieuse à partir d’un nom ou prénom**. Mais y eût-il eu dans vos soutiens un Vladimir orthodoxe, un William anglican, un Ricard boudhiste, etc. que ça ne changeait rien à l’article 28 de la Loi de 1905 sur lequel s’est appuyé le tribunal administratif.

Et vous allez dépenser notre argent, à nous les contribuables vendéens, dans d’inutiles recours en appel, conseil d’état et, on n’ose y croire, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme !

 

D’ailleurs, comme le souligne Jean Baubérot, associer la crèche, qui célèbre, ce n’est pas à vous que je dois le rappeler, la nativité du christ, à quelque chose d’uniquement traditionnel et folklorique, c'est manquer de respect à la religion catholique.

Et ce n’est pas une tradition cultuelle qui se perd : presque toutes les églises, la cathédrale, ont leur crèche que chacune et chacun peut aller voir.

Et vous, vous pouvez faire une belle crèche dans votre intérieur privé, pour y déposer, le 24 à minuit, votre petit jésus, en entonnant le "Minuit chrétiens"... si ça vous chante.

 

* Une pétition, lancée par un anonyme Lou G., intitulée « Tradition et patrimoine culturel français : oui aux crèches de Noël dans l'espace public ! », signée par d’aussi anonymes Thérèse, Gérard voir 148, s’en prend évidemment à « cette gauche bien pensante, ces ayatollahs de la pensée unique, ces pourfendeurs de nos traditions, veulent détruire notre socle commun. » Et comme Brutus-Bruno R. craignent « qu'ils ne finissent par vouloir débaptiser notre calendrier, qu'ils ne trouveront pas très laïc (avec les fêtes chrétiennes et tous les saints), ou débaptisent les rues, les places de nos villes et villages qui portent le nom d'un saint etc. ».

Eh oui ! M. le Président, la stupidité de vos propos éclate quand ils sont clamés par des cagots bornés (pléonasme) et lâches.

 

 

** Pris à partie, sur ce point, vous vous êtes miraculeusement souvenu que ça serait l’auditeur lui-même qui se serait dit musulman : permettez-moi d’être un peu sceptique sur cet ajout dans votre storytelling.

 

 

Merci au commentateur "Malherbe" de m'avoir signalé le billet de Sophia Aram

Entretien avec J. Bauberot
Entretien avec J. Bauberot

Un entretien avec Jean Baubérot

Ouest-France 12 décembre 2014

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 18:08

 

Pourquoi se priver de ce spectacle guignolesque et de ces propos caricaturaux ?

Mes camarades, Yann Galut (député) et Patricia Schillinger (sénatrice) se mettent le doigt dans l’œil quand ils dénoncent la pieuse manifestation de Civitas, la disant illégale. Certes elle est emmenée par un immigré belge qui vient avaler les hosties des français, un Alain Escada ancien membre de l’équivalent du F-Haine belge et qui s’est présenté à des élections sur une liste d’extrème droite, baptisée ZUT. Mais vous conviendrez que des élus PS seraient malvenus de réclamer la reconduite outre-Quièvrain de ce personnage qui évoque, par son côté chafouin, Gérard Languedeputte, autrefois incarné par Antoine de Caunes.

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Quand l’ordre public n’est pas en danger, la liberté s’impose

 

La relecture des débats qui ont précédé le vote de la loi de 1905 – de haute volée, loin des éructations de Copé et consorts - est instructive. Ainsi l’Article 25, dans sa rédaction initiale, édictait que les églises, séparées de l’état, « n’ont pas le droit d’emprunter la voie publique pour les manifestations de leur culte » car elles imposeraient ainsi « aux indifférents, aux adeptes des autres confessions religieuses le spectacle inévitable de leurs rites particuliers. »

 

C’est un député catholique, M. Groussau qui combat cet article : «Il n’y a point à tenir compte des susceptibilités des libres penseurs ou des religionnaires de confessions différentes sous le prétexte que leurs regards peuvent se trouver offensés et leurs sentiments froissés. La liberté de conscience ne doit pas être conçue d’une façon négative, comme imposant aux différentes confessions religieuses l’obligation de se dissimuler, elle doit être conçue d’une façon positive, comme leur imposant de se tolérer réciproquement, ce qui implique pour chacune d’elle la faculté de se développer, de se manifester. » Il ajoute « quand l’ordre public n’est pas en danger, il y a un autre intérêt qui s’impose, c’est celui de la liberté. »

 

Ferdinand Buisson approuve. Aristide Briand ironise « Je n’ai pas vu, sans étonnement, mais aussi sans quelque plaisir, l’honorable M. Groussau faire brûler sur l’autel de la liberté tant d’encens que la Chambre en est encore toute parfumée ». Et l’article devenu 27 sera modifié, reconnaissant de fait une de nos libertés fondamentales : le droit de manifester dans le respect de l’ordre public. 

 

Civitas nous offre une caricature des positions de l’église

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On conviendra que les ensoutanés, cagots et bigottes, agenouillés et chantant leurs doux (?) cantiques entravent sans doute en partie la circulation, mais ne menacent pas l’ordre public. Les entendre implorer leur « Sainte Marie, mère de dieu » est assez plaisant, car question violation de la procréation « naturelle », elle se pose un peu là la vierge.

 

Surtout le spectacle que donnent ces intégristes ridiculise leur cause. Et met à bas le savant édifice mis en place par les prélats, voulant faire croire à la non homophobie de leur église. Là les chaisières haineuses s’en donnent à cœur aigri. Il faut entendre leurs propos délirants.

 

On n’est pas si loin de la canularesque Frigide Barjot, mise en avant pour tenter de ripoliner l’image réactionnaire de l’église.

 

Que l’encyclique papale Humanæ vitæ proclame que  "Le mariage n'est pas l'effet du hasard ou un produit de l'évolution de forces naturelles inconscientes: c'est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour (le créateur en question a quand même mis douze siècles à instituer ce « sacrement »)[…] il représente l'union du Christ et de l'Eglise. […]Le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés par leur nature à la procréation et à l'éducation des enfants. De fait, les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux-mêmes ", ne regarde que les adeptes de cette religion. De même que le refus de méthodes contraceptives autres que d’user du mariage (en langage courant faire l’amour) dans les seules périodes infécondes et régler ainsi la natalité sans porter atteinte aux principes moraux, ne concerne que leurs fidèles.

civitas5

Mais difficile de plaider la non homophobie quand le cardinal Ratzinger écrit : « Bien qu'elle ne soit pas en elle-même un péché, l'inclination particulière de la personne homosexuelle constitue néanmoins une tendance, plus ou moins forte, vers un comportement intrinsèquement mauvais du point de vue moral. C'est la raison pour laquelle l'inclination elle-même doit être considérée comme objectivement désordonnée. » On lit bien, c’est l’inclination seule qui est condamnée. Et le même écrira en 2003 : « Reconnaître légalement les unions homosexuelles ou les assimiler au mariage, signifierait non seulement approuver un comportement déviant, et par conséquent en faire un modèle dans la société actuelle, mais aussi masquer des valeurs fondamentales qui appartiennent au patrimoine commun de l’humanité » (citations empruntées à Grains d’encre).

 

 

 

Civitas nous offre une caricature des positions de l’église catholique. En grossissant le trait, mais guère plus que Barbarin, elle montre la vraie position d’un haut clergé qui veut imposer la loi religieuse sur la loi civile.

 

Pour ces deux raisons – respect de la lettre et surtout de l’esprit de la loi de 1905, spectacle comique et propos révélateurs – ne touchez pas à la sainte manif de Civitas.

 

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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 22:06

fete-dieu

La loi de 1905 a donné lieu à des débats de haute volée, ainsi celui sur l’Article 25 qui, dans sa rédaction initiale, édictait que les églises, séparées de l’état, « n’ont pas le droit d’emprunter la voie publique pour les manifestations de leur culte » car elles imposeraient ainsi « aux indifférents, aux adeptes des autres confessions religieuses le spectacle inévitable de leurs rites particuliers. »

 

Le débat a d’abord lieu à fronts renversés. C’est un député catholique, M. Groussau*,  qui combat cet article, mais avec des arguments inattendus dans sa bouche. Dans une argumentation rigoureuse, il cite un avis juridique de 1833, qui estime que cette conception « ferait tomber les croix et les cloches qui couronnent les églises, car qui sait si cette vue n’inquiète pas, n’afflige pas le non croyant et l’église de notre temps serait reléguée aux catacombes par le principe de la liberté comme l’église naissante par la persécution. »

Pour lui, citant à nouveau « Il n’y a point à tenir compte ses susceptibilités des libres penseurs ou des religionnaires de confessions différentes sous le prétexte que leurs regards peuvent se trouver offensés et leurs sentiments froissés. La liberté de conscience ne doit pas être conçue d’une façon négative, comme imposant aux différentes confessions religieuses l’obligation de se dissimuler, elle doit être conçue d’une façon positive, comme leur imposant de se tolérer réciproquement, ce qui implique pour chacune d’elle la faculté de se développer, de se manifester. »

 

Ce qu’approuve Ferdinand Buisson, Président de la commission, fondateur de la Ligue des Droits de l’Homme.

 

Groussau poursuit : « Les manifestations religieuses sur la voie publique seraient susceptibles de troubler l’ordre public » fait-il dire au rapporteur. Ce à quoi il rétorque : «  L’ordre public ne m’est pas indifférent, mais je crois qu’il ne faut pas lui donner plus qu’il n’exige légitimement, et, quand l’ordre public n’est pas en danger, il y a un autre intérêt qui s’impose, c’est celui de la liberté. »

« La manifestation publique des sentiments apparaît de plus en plus comme une nécessité dans un pays démocratique. » « Il faut se montrer libéral partout et ne mettre l’interdit nulle part. »

Il cite aussi un publiciste belge : « Depuis que la République est proclamée en France, le système des mesures arbitraires n’a pas été abandonné, il s’en faut, et elles ont été généralement approuvées parce qu’elles atteignaient des minorités détestées : on oublie qu’elles sont la négation de la liberté. »

 

A. Briand, avec esprit, rétorque  « Je n’ai pas vu, sans étonnement, mais aussi sans quelque plaisir, l’honorable M. Groussau faire brûler sur l’autel de la liberté tant d’encens que la Chambre en est encore toute parfumée », mais ne dit rien sur le fond.

 

Et il va se faire prendre à contre-pied par M. Noulens (député du Gers, Radical) qui indique que la Libre pensée était contre la prohibition des processions. « Nous pensons qu’il est nécessaire d’assimiler les processions et autres cérémonies religieuses à toutes les manifestations qui peuvent se produire sur la voie publique. »

 

 « Nous sommes dans un pays où il y a des Français qui jouissent de la liberté générale et qui, à condition qu’ils ne violent pas la loi et ne constituent pas un danger imminent et pressant pour l’ordre public, doivent être autorisés à manifester pacifiquement, même sur la voie publique, leurs opinions et leurs croyances. » affirme un républicain conservateur (Ribot)

 

L’amendement supprimant la prohibition des manifestations religieuses sur la voie publique fut adopté.

 

L’article, devenu 27, sera : « Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d'un culte continueront à être réglées en conformité des articles 95 et  97 de la loi municipale du 5 avril 1884.
Les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle, par arrêté préfectoral.
Le règlement d'administration publique prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu.
 »

 

Ce débat fait donc litière de la fausse affirmation sur « privé/public » - les convictions religieuses ou philosophiques dans la sphère privée, la sphère publique étant « neutralisée » - que continuent de clamer certains.

Il n’est pas, non plus, dépourvu de résonance dans les débats actuels : la réflexion du publiciste belge s’inscrit ainsi quasi parfaitement dans le faux débat sur le voile intégral.

 

Extraits du débat du 26 Juin 1905 (qui comporte aussi un autre débat en résonance avec l’actualité sur la soutane) http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/eglise-etat/sommaire.asp#compte_rendu. On peut déplorer que les photos des pages de comptes rendus des débats soient d’une telle médiocrité technique rendant certaines colonnes illisibles et les autres difficiles à déchiffer.

 

* Député du Nord de 1902 à 1936.

groussau Fils d'un boulanger, Henri Groussau obtint son doctorat en droit et exerça la profession d'avocat. Professeur de droit administratif à la Faculté libre de Lille, il fonda en 1893 et dirigea la Revue administrative du culte catholique. Il publia de nombreux travaux de droit administratif et d'économie sociale, notamment en 1880 La guerre à la religion. L'un des premiers, il s'était conformé aux directives de Léon XIII sur le ralliement. II fut l'un des plus précieux collaborateurs de Jacques Piou et d'Albert de Mun.
Il fut élu pour la première fois député dans l'arrondissement de Lille le 27 avril 1902, par 5.778 voix contre 2.633 à M. Paul Saint-Léger, industriel, républicain radical. Il avait fait campagne sous l'étiquette de républicain libéral.
Il fit rapidement preuve d'une grande activité qu'il employa à défendre la liberté de l'enseignement et les congrégations.

http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=3605

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