Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 18:09

 

Une nouvelle contribution de Gilbert Dubant


 

 

Inlassablement, Sarkozy et Hortefeux passent des couches de bêtises anticonstitutionnelles sur le moindre fait divers où l’on trouve du Samir ou du Mamadou : déchéance de nationalité, condamnation des parents, quoi de plus ? On leur fait confiance.

Évidemment, les medias qui emploient des réacs professionnels ou des perroquets stagiaires reproduisent, y compris les pires inepties. Au tableau d’horreur, les « gens du voyage » font bonne figure, dans la série « On mélange tout et on recommence… ».

 

DES ROUMAINS SANS CARAVANES

 

Premier épisode récent : des Français vivant en caravane saccagent une gendarmerie à Saint-Aignan-sur-Cher parce qu’un de leurs cousins a pris une balle dans la tête en forçant un barrage de gendarmerie. L’affaire est vite réduite après l’enterrement et on passe à un sujet plus large : les camps pour « gens du voyage ». Comme ces Manouches, Sintis et autres Gitans sont Français depuis des générations et ont des associations de défense qui risquent de faire voter, il faut trouver un autre gibier. On va donc laisser des questions gênantes comme « Comment fait-on pour acheter une berline Mercedes qui tracte une caravane Fendt pour huit personnes quand on change de domicile toutes les trois semaines ? ». On  imagine un sympathique agent du fisc posant la question à l’heure de l’apéro et repartant gratuitement à bord d’un Samu.


Heureusement, nous avons les Roms, qui ne sont même pas Français et qui squattent les friches des banlieues pourries. Et les medias en rajoutent dans l’ignorance du vocabulaire et de la réalité. Petit essai de clarification.

Ils sont Roumains, ne s’appellent pas Roms, mais Tziganes* («  Tsigani », en roumain) et seraient environ 15000 (chiffre impossible à vérifier) dans l’Hexagone, avec réassortiment régulier. En Roumanie, les chiffres varient entre 450 000 (dernier recensement, mais l’INSEE n’est pas là) et deux millions. On en trouve également en Bulgarie, Hongrie, Balkans.

 

LE RACISME ET LA BOUE

 

Quand on regarde leurs campements en région parisienne, on est pris entre deux sentiments : la honte de laisser vivre des êtres humains dans de telles conditions et l’incompréhension devant leur mode de vie et les raisons de leur présence. Pourquoi diable sont-ils venus ? Pourquoi ne pas chercher des ressources dans le pays d’origine ?


rom01En Roumanie, le racisme est généralisé et un parti comme « Romania Mare » (Grande Roumanie), expansionniste et fascisant, ferait passer Le Pen pour un modéré. Réflexion entendue chez un « intellectuel » francophone  et francophile: « Je ne comprends pas pourquoi vous acceptez tant de Nègres en France… » À propos des Tziganes, une professeure de biologie : « Il faut les gazer comme des poux… ». Hitler pas mort ?


Côté Tzigane, la cause n’est pas facile à défendre. Emir Kusturica et Tony Gatlif sont des cinéastes de talent, mais « Gadjo Dilo » est aussi vraisemblable que Spiderman. Les Tziganes roumains, tous sédentaires, vivent dans des villages dont la caractéristique est la crasse. C’est en cela qu’ils se différencient des villages non-tziganes, qui ne connaissent pourtant l’assainissement que par la télévision. Un exemple : en Transylvanie, sur les quelque 35 km qui séparent Alba Iulia de Zlatna, il y a sept villages, dont un tzigane. C’est le seul où l’on peut voir des enfants en bas âge se rouler nus dans un fossé rempli d’une boue sombre qui sert de fosse non septique et de décharge publique en attendant le prochain orage. S’ils ne sont pas villageois, ils s’agglutinent dans les faubourgs-bidonvilles de Bucarest ou Brasov, où ils se livrent à leurs activités traditionnelles : le vol et la mendicité.

 

LA MAUVAISE RÉPUTATION

 

rom02On trouve quelques exceptions à la piatsa rousa (marché russe, marché aux voleurs). Les caïds tziganes sont reconnaissables à la Mercedes ou la BMW, aux énormes bijoux en or, gourmettes, chaînes, bagues, et aux activités : trafic de devises (euro, dollar, rouble, etc), de filles, d’armes, principalement.

Circonstances aggravantes pour le Roumain moyen : ils sont réputés (à mon avis de façon exagérée) d’avoir été les nervis de la  police politique de Ceausescu, la Securitate, d’estropier volontairement les jeunes enfants mendiants pour mieux apitoyer, et de pratiquer le viol et l’inceste. Ajoutons un taux d’alphabétisation pitoyable, dû à la fois au rejet de l’école par les familles tziganes et au rejet des enfants tziganes quand ils s’y aventurent, et l’on comprendra un peu mieux pourquoi leur pays ne leur semble pas paradisiaque. Pour être juste, leurs concitoyens « normaux » leur reconnaissent un seul talent : la maîtrise du violon.


Pourquoi viennent-ils en France ? En Roumanie, notre pays a une réputation exagérément flatteuse : riche, hospitalier, magnifique, etc. Le français est la première langue étrangère enseignée et la plupart des élites sont francophones. Bref, Cocagne et sa banlieue.


C’est justement dans cette banlieue qu’ils arrivent, mais ce qui nous semble une poubelle à ciel ouvert est leur environnement en Roumanie, parfois en pire. La France est excellente. Il faut rester, d’autant plus que la police française, comparée à sa collègue roumaine, est une œuvre de bienfaisance.

 

Y A-T-IL DES SOLUTIONS ?

 

rom03Ils ont vite compris que la Roumanie est entrée dans l’Union Européenne et qu’ils en sont par conséquent citoyens. Et si le gentil président Sarkozy veut les virer, on leur donne de l’argent pour revenir « back home ».En France, ce n’est pas le Pactole, là-bas, on vit plusieurs mois avec 1000 euros. Après, on refait le chemin en sens inverse, en attendant l’expulsion suivante indemnisée.


Ces conditions de vie humainement inadmissibles s’accompagnent d’un risque sanitaire : le suivi médical absent fait resurgir en France des maladies prétendument éradiquées, comme la tuberculose.


Que faire, au-delà des gesticulations de Sarkozy et d’Hortefeux ? Assurer un minimum d’hygiène dans les campements « sauvages » et aménager des aires d’accueil, avec des subsides minimum. Scolariser les enfants, ce qui sera très difficile au regard  de ce que rapporte une journée de vol à la tire sur les Champs-Élysées. Mettre en place des travailleurs sociaux bilingues.

Évidemment, le mode de vie français majoritaire est si éloigné du leur, par exemple le rapport au travail et la nécessité de formation, que tout cela n’est que vœux pieux aujourd’hui. Mais peut-on se contenter de hurler « Dehors ! » en sachant que c’est inutile ? Les Tziganes reviennent toujours sur les lieux de leurs primes.

 

Gilbert Dubant

 

 

 

* Les tsiganes forment un peuple indo-européen. Il s’agit des Kshattriyas qui, venus du nord de l’Inde, sont arrivés en Grèce au IXème siècle. Puis, au XIIIème siècle, les Rajputs les ont rejoints. Ensemble, ils ont formé la Romani Cel – le peuple tsigane – d'où leur surnom de "Romanichels", mais ils se nomment eux-mêmes Romané Chavé, c'est-à-dire "fils de Ram" (héros de l'épopée indienne Ramanaya). Comme les tsiganes n’ont pas d’État propre, ils sont dispersés non seulement à travers l’Europe, mais aussi en Amérique (Argentine, Brésil, Colombie, États-Unis). Bien qu’il n’y ait aucun recensement sur leur population, on estime leur nombre à environ 80 millions, mais la quasi-totalité des tsiganes ont perdu l’usage de leur langue ancestrale et se sont assimilés à leur pays d’accueil.

Les tsiganophones habitent surtout la Bosnie-Herzégovine, la Roumanie, la Pologne, la Hongrie, l’Albanie, la Grèce, la Slovaquie, l’Ukraine, le Portugal, l’Espagne, la Norvège, la Suède, la France, les Pays-Bas, l’Italie et l’Allemagne. On distingue le tsigane des Balkans (Serbie), le tsigane des Carpates (République tchèque), le tsigane finnois (Finlande), le tsigane sinté (Serbie), le tsigane gallois (pays de Galles), le tsigane valaque (Roumanie), le tsigane gréco-turc, etc. La langue que parlent les Tsiganes serait à l’image de l’itinéraire de leurs ancêtres: le romani paraît donc différent d’un pays à l’autre, très teinté de particularismes linguistiques, tout en conservant une certaine intercompréhension. On dénombre au moins une quinzaine de variétés de langues tsiganes:

http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/tsiganes.htm

Voir aussi http://www.roumanie.com/Roumains-tsiganes_tziganes-A440.html

Repost0
29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 17:09

 

Une nouvelle contribution de Gilbert Dubant

michel-germaneau-en-2007 

J’habite une ville de l’Essonne, Évry, voisine de Marcoussis, où habitait Michel Germaneau*, 78 ans,  à vocation humanitaire, déclaré mort par la main d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique), quelque part dans le Sahara où il avait voulu créer une école. Paix à lui et miséricorde pour ses stupides concitoyens de Marcoussis qui déclaraient à la télé : « J’ai de la peine qu’il soit mort parce que c’était un voisin… ». Mais pourquoi ce généreux cardiaque chronique est-il décédé ?

 

Première réponse sommaire : parce qu’il a été imprudent de partir seul et sans ses médicaments dans ces contrées hostiles peuplées de sauvages islamistes.

Pas faux mais un peu réducteur : pourquoi est-il parti seul et quelle était sa destination ? Silence.

 

Une association humanitaire française et responsable (ce devrait être un pléonasme) peut-elle envoyer un vieillard malade l’été en plein Sahara de non-droit et par 50° à l’ombre (absente) ? Silence de ladite association. Quelle était sa mission ? Transportait-il de l’argent ? Des messages ? Pas un mot.

 

Troisième réponse, officielle celle-là, du porte-serviette de la Défense, Hervé Morin : « On a envoyé des commandos, mais ils se sont plantés… Pourtant, on avait bossé avec les gouvernements du Niger, du Mali, et de Mauritanie… Tout le monde était au courant… ». On tient déjà un bout d’explication. L’inénarrable néo-centriste ne s’arrête pas là, drivé par de fins experts militaires : « C’est un territoire grand comme l’Europe qui est une vraie zone grise. Les gouvernements de Niamey, Bamako, Nouakchott ne maîtrisent rien. Les islamistes frappent où ils veulent. On ne sait pas où ils sont. Ils peuvent faire 2000 kilomètres en plein désert sans se faire repérer… » (un « expert » à la télé, C dans l’air, juillet 2010).

 

On n’est plus en plein désert, mais en plein délire. Les farouches guerriers de l’AQMI (entre 400 et 500 hommes, paraît-il) circuleraient de nuit avec des patins à roulettes supersoniques ? Ils ont frotté la lampe d’Aladin pour se rendre invisibles ? Ils planent au-dessus du reg et des dunes en aéroglisseur ? Vu le nombre de pistes carrossables, n’importe quel Occidental ayant tant soit peu fréquenté le Sahara sait qu’il est aussi facile de s’y planquer qu’à Sarkozy d’articuler une phrase en français correct.

 

Et quand bien même ils se déguiseraient en vipères cornues ? Que les trois pays déjà cités aient une aviation en forme de maquettes de biplan est une chose, que la France, associée paraît-il à l’opération « Sauvez Germaneau ! » n’ait ni hélicoptères ni drones relève du foutage de gueule. Que l’armée n’ait pas voulu les utiliser pour ne pas fâcher l’Algérie ou se faire accuser de néo-colonialisme en uniforme est une autre affaire.

 

Reste un vieil homme de Marcoussis qui n’aurait jamais dû mettre les pieds dans un paysage farci de scorpions de toutes les tailles. Quels sont les irresponsables qui lui ont donné mission et visas pour la tombe ? Appelez-moi Kouchner ! Pas là ? En mission humanitaire en Afghanistan ? OK, on rappellera…

 

Gilbert Dubant

 

* Michel Germaneau était parti bénévolement au Niger pour le compte d’une petite association créée en 2006, Enmilal (« entraide » en tamasheq, la langue des Touaregs), spécialisée dans l’aide à la scolarisation et à la santé. Le retraité venait superviser la construction d’une école à In-Abangharet, au nord du Niger (note de JFL).

Repost0
29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 21:07

yabonzJe lis les deblog-notes de Jean-François Launay chaque fois que l’électronique m’en apporte. Je partage un grand nombre de points de vue et leur traitement ironique. Si le lecteur que je suis se transforme en intervenant, c’est à cause d’Éric Zemmour et du papier intitulé sobrement « Zemmour : flatulences et vomi ! ». Je parlerai aussi de la chronique de Caroline Fourest (Le Monde du 26-03-10) citée en référence.


J’ai un fort grief envers Éric Zemmour, celui d’être la cause indirecte d’une irritation contre le deblog-notes de JFL. Pour autant, la personnalité du comparse de Laurent Ruquier et de medias comme RTL ou le Figaro ne m’intéresse pas. Je suis en désaccord sur ses propos comme sur la manière de les tenir. Franchement, je ne suis pas sûr que ses dits et écrits méritent commentaire. Et encore moins dans un deblog-notes de bonne tenue.


On dit que pendant l’interminable et hypothétique guerre de Troie, les guerriers des deux bords s’abreuvaient d’insultes, proférées de loin. Cette forme de combat avait un avantage : zéro mort. Elle avait un inconvénient : ressembler à une cour de récréation où de grands va-de-la-gueule oscillent entre l’injure sexiste et le baratin pipi-caca hauteur CE1.


La méthode est classique sur le deblog-notes : commencer par déconsidérer l’adversaire. Il sort de l’égoût, trimballe des miasmes « nauséabonds, avec flatulences et vomi », c’est un « pseudo-laïcard » qui, non content de colporter de répugnantes sornettes, s’avance masqué tel un Fantomas qui se prendrait pour Descartes, bref c’est un mélange de fasciste rampant, de machiste tendance petite-bite, de voltigeur du Vatican liberticide, un immonde salaud à qui l’on aurait dû couper la langue et le clavier à la naissance. Moyennant quoi l’on charge la mule et la charrette de fumier verbal pour que la foule des bons esprits conspue l’infâme.


Apparemment, il ne vient pas à l’esprit du scribe vertueux que les gens comme Zemmour ont intégré la formule ancienne made in USA « Dites de moi ce que vous voulez, même du bien, mais parlez-en… ». Et le juif berbère de Sarcelles (sic) de faire son miel et d’approcher du but : « être le journaliste le plus détesté de France ». En termes de buzz télé, et par conséquent de chroniques grassement payées, c’est une mine d’or. Et si vous souhaitez publier le best-of, la promo est déjà faite.


CFourest.jpgLa chronique de Caroline Fourest est différente. D’abord, on n’y trouve pas une seule insulte ou grossièreté. Deuxièmement, au lieu de réfuter des évidences visuelles (le nombre de footballeurs noirs en équipe de France), elle tente de montrer l’intention de nuire. Le refus du progrès social et scientifique s’est toujours caché derrière d’épaisses banalités (chacun peut voir que la terre est plate, une femme ne peut travailler quand elle a des enfants, etc). Caroline Fourest ne se contente pas de montrer, elle démontre, en replaçant l’affaire dans sa réalité : « Il ne s’agit pas « d’hitlériser » Éric Zemmour, mais de démentir un cliché de plus. On peut être journaliste, cultivé et flatter l’instinct primaire ».


Où est l’efficacité : la puante insulte ou le réquisitoire implacablement argumenté ? Une question pour relancer une vieille polémique : faut-il autoriser la diffusion de « Mein Kampf », avec explications historiques, ou cacher le monstre comme Dracula dans un caveau des Carpates ? L’interdiction par la loi a-t-elle jamais ôté quoi que ce soit de certains esprits, racisme, nazisme, créationnisme, fanatisme pseudo-religieux, violence faite aux femmes au nom de la prééminence du « premier sexe » ? Le philosophe n’est-il pas plus efficace que le législateur pour épanouir la cervelle ? Faut-il enterrer une seconde fois Voltaire, qui se serait fait tuer pour que ses adversaires puissent parler ? Et se serait battu jusqu’à la mort pour pouvoir répondre.

 

Gilbert Dubant

 

clownParadoxe : le « déblogueur » obligé de commenter un article du « deblog notes ».


1°) la comparaison avec C. Fourest  me semble un peu injuste : outre que je n’ai pas la prétention d’avoir son talent, les textes sont de deux types assez éloignés sur deux « médias » encore plus éloignés : Mme Fourest, journaliste et essayiste, écrit une chronique d’un feuillet, dans l’encore prestigieux Monde, l’écrivaillon commet ce qu’il prétend être des articles dans un deblog-notes.

2°) Gilbert me prête des insultes que je n’ai pas commises à l’encontre de Zemmour, ainsi il ne me serait pas venu à l’esprit de le qualifier de pseudo-laïque, vu qu’il ne feint absolument pas de l’être (cf la citation sur l’école) et le « c’est un mélange de fasciste rampant, de machiste tendance petite-bite, de voltigeur du Vatican liberticide, un immonde salaud à qui l’on aurait dû couper la langue et le clavier à la naissance » relève non de ma prose insane de scribe vertueux, mais de la libre interprétation du commentateur.

3°) Je n’ai pas l’intention d’enterrer une 2e fois Voltaire, n’ayant en aucun cas demandé de censurer le polémiste (tout en rigolant sur l’attitude des faux-culs – ouille encore une insulte ! – de Mougeotte et Ruquier). Mais je revendique le droit d’appeler un chat, un chat et un coquin, un coquin.

Repost0
23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 14:14

repunliqegaliteJ’avais signalé un texte co-signé par G. Pau-Langevin et C. Caresche à plusieurs amis et connaissances ; Jacques Venuleth, un ami d’Azrou, auteur de livres pour la jeunesse, que la résurgence du FN – et plus globalement d’une xénophobie de plus en plus décomplexée – doit inquiéter, m’a transmis cette réaction.

 

Je voudrais réagir – tardivement, mais c’est l’actualité qui me réveille - à une brochure […] « Une république de l’égalité : contre les discriminations liées à l’origine » par Christophe Caresche et George Pau-Langevin, brochure* éditée par la Fondation Jean Jaurès.  (10/2009)

 

J’ai apprécié l’argumentaire général de la brochure : il est temps de prendre la mesure de la gravité de ces atteintes à la démocratie, de cesser de se cacher derrière son petit doigt en mettant en avant de faux problèmes, et donc de se donner les moyens de sanctionner ceux qui pratiquent ces discriminations.  Tout à fait d’accord.

 

Par contre, je me souviens que pour lutter  contre les discriminations liées à l’origine, le rapport évoque dès le départ deux axes d’intervention : l’éducation et la sanction, pour ensuite abandonner complètement le premier sous prétexte qu’il ne suffit pas !

 

Evidemment qu’il ne suffit pas, mais oublier, négliger ainsi l’éducation, en n’y faisant ensuite même plus allusion, me semble vouer irrémédiablement tous les efforts à l’échec. Un peu comme si découvrant une voie d’eau dans sa barque, on se contentait d’écoper, sans au moins essayer de réduire en même temps le trou.

 

Education et sanction sont indissociables : ce type de rapport devrait enfoncer le clou, et ébaucher ensuite des pistes pour effectuer ce travail d’éducation de la même manière qu’il le fait pour la sanction.

 

Si ce travail d’éducation n’est pas fait, l’actualité telle qu’elle est relatée par les grand médias, d’une manière soi-disant brute et objective, réalimente chaque fois le fonds existant de commisération et de pitié, ou de mépris et de racisme, que l’on éprouve pour les populations de ce qu’on appelait le Tiers Monde avant la mondialisation.

 

Un évènement de guerre en Afrique ou une manifestation sanglante lors d’une « élection démocratique », un attentat en Irak ou en Afghanistan, un tremblement de terre en Haïti nous renvoie l’image de peuples dépassés, incapables de se gérer seuls, primitifs et sauvages, peuples qu’il faut aider, charité oblige, ou définitivement abandonner à leur incurie.

 

On en arrive à cette image que les Français ont de l’Afrique selon un sondage Sofres effectué pour le Pèlerin Magazine en 2003, que rapporte et qui désole Aminata Traoré :

83 % d’entre eux associent ce continent aux termes « pauvre » « instable » « corrompu » « violent » ; 15 % seulement aux termes «  jeune » « diversifié » « solidaire » « dynamique ».

 

Et les voyages, les échanges de plus en plus nombreux dans le cadre du tourisme mondial ne vont rien améliorer : les rapports noués, souvent biaisés, inégaux, incomplets, renforcent souvent au contraire les a priori négatifs.

 

Pour exploiter ce fonds négatif, les Zemmour, Le Pen, Guaino, Sarkozy, Stephen Smith n’ont même pas besoin d’en rajouter. Il leur suffit de surfer sur la vague, en « constatant » que la plupart des délinquants sont noirs ou arabes, en enfermant les musulmans dans l’islamisme, en stigmatisant une Afrique qui ne serait pas encore entrée dans l’Histoire, en faisant croire que désormais les Africains sont seuls responsables de leur état, car la Françafrique, c’est fini.

 

Cette pitié et ce mépris, qui se réalimentent au fil de l’actualité mondiale, englobent également dans leurs effets négatifs les populations émigrées de France, leur origine les rattachant à ces contrées, même si c’est seulement parfois d’une manière visible. Se renouvelle du même coup cet ostracisme que les lois sur les sanctions voudraient seules réduire et combattre. Travail de Sisyphe.

 

Il et temps de passer à l’offensive, en s’attaquant aux causes du tsunami raciste qui peut noyer la France, au lieu de se contenter de dénoncer ceux qui surfent dessus ou d’essayer de limiter l’ampleur des dégâts.

 

Esclavagisme, colonialisme, néocolonialisme sont trois mots, trois notions, trois réalités, que l’on admet, mais que l’on estime dépassées et sans action sur le présent, surtout pas sur le présent de la France.

 

Le travail d’historiens, heureusement de plus en plus nombreux, prouve le contraire. Ils nous obligent à relire ces pages que nous avons non seulement voulu tourner, mais également effacer. Ils nous rappellent que la République a été coloniale, et que « grâce » à Jules Ferry, nous avons appris à lire avec cette idée que la France des Droits de l’Homme avait le devoir d’éduquer, de civiliser les peuples sauvages et donc inférieurs de la planète, et que c’était ça le colonialisme. Ce genre de trace est résistant, ne part pas au premier lavage.

 

Ils ne nous demandent aucune repentance pour des faits dont on ne peut pas se sentir responsable, vu qu’on ne les a pas personnellement commis, même si on en a ensuite profité.

Ils nous invitent seulement à ouvrir les yeux et à oser regarder cette histoire contemporaine sous ses différentes facettes, oser prendre acte des possibles conséquences actuelles.

 

Soyons déjà de plus en plus nombreux à lire ces travaux, et exigeons ensuite qu’ils soient popularisés, grâce à l’intervention du pouvoir politique et des grands médias.

Car, au niveau politique, il ne s’agit pas de se contenter de se battre, par exemple contre cet article 4 de la loi du 23 Février 2005, qui voulait imposer une lecture positive de la colonisation, un article qui a heureusement été ensuite retiré.

Il s’agit d’aller plus loin et de faire des contre-propositions, en demandant que le travail d’éducation sur cette période, positif et négatif mêlés, soit pris en charge.

 

Ce qui a été accompli pour mettre à jour la responsabilité de la France de Vichy et en tirer les conséquences doit pouvoir l’être aussi en ce qui concerne la responsabilité de la République coloniale et néocoloniale.

 

Alors un nouveau regard pourra être porté sur les peuples du Tiers monde en général et sur la réalité de France postcoloniale en particulier.

 

Et même si les sanctions resteront longtemps encore nécessaires contre ceux qui persisteront à pratiquer des discriminations liées à l’origine, elles auront au moins quelques chances d’avoir des effets durables.

 

Jacques Venuleth

 

 

Quelques pistes de réflexion :

 

François-Xavier Verschave : la Françafrique : le plus long scandale de la République

Stock 1998

 

Sven Lindqvist : Exterminez toutes ces brutes – l’odyssée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen

Le serpent à plumes  1998

 

Oliver Le Cour Grandmaison : Coloniser, exterminer- Sur la guerre et l’état colonial

Fayard 2005

 

Gilles Manceron : Marianne et les colonies- une introduction à l’histoire coloniale de la France

La Découverte  2003

 

Aminata Traoré :  L’afrique humiliée

Hachette Pluriel 2008

 

Aminata Traoré : Lettre au Président des Français à propos de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique en général

Fayard 2005

 

Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Françoise Vergès : la République coloniale

Hachette Pluriel 2003

 

* Télechargeable au format *.pdf : http://www.jean-jaures.org/Publications/Les-essais/Une-republique-de-l-egalite

Repost0
10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 18:12

Avant même que notre grand Conducator et son Besson préféré n'aient lancé le débat sur notre identité, afin sans doute de mieux la contrôler, Yoland Simon avait, dans l'éphéméride 2007*, apporté à la question sa brillante contribution.

 

 

vercingetorix 1C’est un beau roman, c’est une belle histoire. Je veux parler de la France. Comme on l’a rêvée dans le Lavisse de l’école républicaine et dans les manuels de sa consœur confessionnelle. Tant de bonnes fées se penchèrent dans le passé pour combler le pays de leurs bienfaits. Rome qui eut le bon goût de longuement lui mitonner sa langue incomparable ; l’Église qui, dans sa grande bonté, lui offrit vingt siècles de chrétienté ; Vercingétorix qui forgea un inébranlable esprit de résistance chez de pittoresques ancêtres gaulois ; Clovis, cet étranger bien de chez nous, qui tout à la fois battit notre monnaie et les Allemands. Continuons ce merveilleux périple, avec Capet et ses nombreux descendants qui, en mille ans, arrondirent le magot de nos territoires et de leur royaume. jeanne-darcSaluons, bien sûr, la bergère de Domrémy qui sauva de la faillite le si gentil Dauphin de nos comptines. Donnons, en passant, un petit coup de chapeau au panache blanc du Béarnais, et honorons, comme il convient, les soldats de l’an II, le génie de Napoléon et les poilus de Verdun. Enfin, n’oublions pas que cette terre bénie des dieux fut aussi celle des Lumières, des droits de l’homme et de la Fête de la musique. On comprend, dès lors, la méfiance inspirée par des gens qui ne connaissent rien de ce précieux héritage, qui n’ont jamais cueilli le gui dans nos forêts d’Armorique, ni secondé Godefroy de Bouillon dans ses escapades moyen-orientales, ni répondu à l’appel de la Pucelle pour bouter l’Anglais de l’autre côté du Channel, ni mangé la poule au pot tous les dimanches à la table du roi Henri, ni suivi le Petit Caporal sous le rutilant soleil d’Austerlitz, ni, comme tout le monde, accompagné Victor Hugo dans sa dernière demeure, pleuré la mort de Marcel Cerdan ou cassé quelques fauteuils aux concerts de Johnny Hallyday. En vérité, encore une fois, je vous le demande : comment, sans un sérieux recyclage, donner à ces hordes ignares qui se pressent à nos frontières une carte d’identité nationale… Pardon, une carte nationale d’identité ?

 

* "Éphéméride 2007", éd. Quartier Libre

 

PS Sur l'expression même "Fier d'être français" voir http://www.bernard-defrance.net/

Repost0
3 octobre 2009 6 03 /10 /octobre /2009 20:36

Un ami de presque quarante ans – non, il n’y a pas de prescription – commente longuement (et par courriel) le précédent message « On enquête sur vous ». Cette contribution qu’il me laisse libre de mettre en ligne m’a semblé mériter mieux qu’un simple commentaire en bas d’article. J’en profite pour rappeler que le deblog-notes est ouvert à vos contributions.

Quelques remarques et questions sur l'affaire Polanski qui agite si fort le deblog-notes de Jean-François Launay, promis au croc de boucher made in Web par l'AVC (Amicale des Vertueux Compatissants).
a) Samantha Gailey a-t-elle rencontré Roman Polanski par l'intermédiaire de Samatha's mother, qui travaillait elle-même dans le show-biz1 ?
b) Cette dame était-elle responsable à l'époque des faits de sa fille de 13 ans ? Selon la loi états-unienne, oui. Alors, pourquoi a-t-elle laissé partir Samantha seule avec un monsieur qui, à l'époque, avait aux USA une réputation de Dracula après le meurtre de sa femme Sharon Tate en 1969, le film Rosemary's Baby et une série de frasques plus ou moins mondaines ? Pourquoi n'a-t-elle pas accompagné sa fille afin de veiller sur sa vertu ?
c) Que s'est-il passé dans la maison de Jack Nicholson, parti au ski ? Nous avons les déclarations détaillées de Samantha Geimer, 45 ans, trente ans après2, et la reconnaissance de "unlawful sex" de la part de Roman Polanski. Même si la loi américaine est différente du droit français, selon lequel "aveu n'est pas preuve", il semble indiscutable que les deux aient eu des rapports sexuels. Consentis ou non par Samantha ? Nul ne le sait, sauf elle.
d) Par quel miracle un prévenu risquant au moins 20 ans de prison est-il libéré après 47 jours d'incarcération ? Avec une caution énorme ? Il semble que non. Avec un paquet de dollars aux bons endroits? Lesquels ? Cerise sur le cake, Polanski ne s'enfuit pas dans un camion à double fond vers le Mexique, mais dans un avion très officiel. Que faisaient donc la police, la justice et le "parole officer" ?
e) Pourquoi le procureur de Los Angeles se réveille-t-il en 2005 ? Rappelons qu'aux USA, le district attorney n'est pas indépendant politiquement et qu'une belle affaire internationale est la bienvenue pour une réélection au nom de la vertu, fût-elle fanée.
f) Pourquoi la demande de Samantha Geimer de refermer définitivement le dossier est-elle ignorée ? Parce qu'on suppose que cette demande n'est pas forcément spontanée et que le greenback dollar s'est fait entendre3 ? Quelles preuves de cela ?
g) Pourquoi la Suisse arrête-t-elle son invité au Festival de Zürich ? Elle pouvait le faire depuis des années à Gstaad, où Polanski passait du temps dans son chalet de manière publique. L'affaire de l'UBS et des listes d'Américains fiscalement douteux a-t-elle joué un rôle ?
h) L'argument "La justice doit être égale pour tous" ne peut qu'arracher un sourire dégoûté. Si Polanski avait été un plombier polonais, il serait aujourd'hui dans une prison américaine dont on aurait jeté la clef. Qui a commencé ?
i) Pourquoi les défenseurs de l'innocence juvénile ne demandant-ils pas à la justice française l'arrestation immédiate de Gabriel Matzneff, pédophile français avéré, l'interdiction totale de la vente des photos de David Hamilton avec ses Lolitas à l'objectif vaseliné, et un autodafé public des oeuvres de Sade et Nabokov4 ?
j) Pourquoi les mêmes censeurs pompent-ils les pages roses avec l'éternel "Dura lex, sed lex" ? Pendant l'Occupation, la loi de Vichy obligeait à dénoncer les Juifs, de Cracovie ou d'ailleurs. Les partisans de cette "Dura lex" s'appellent des collabos.
k) Je propose donc une loi interdisant la vente de strings, de soutiens-gorge rembourrés, de préservatifs et de littérature non approuvée expressément par le Vatican et les ayatollahs du déblog-notes à toute personne de moins de 45 ans non accompagnée de ses parents. J'ajoute que le lynchage de Jean-François Launay, avec diffusion de la vidéo sur son site, me paraît relever de la salubrité morale et publique. Fait pour valoir ce que de droit.


NB: au cas où ce commentaire serait diffusé, j'ajoute que je ne répondrai pas aux insultes que je mérite et que j'assure leurs auteurs au QI de bigorneau de mon sincère mépris.


Gilbert Dubant

 

1 Susan Gailey, la maman, a joué notamment dans l’inoubliable série télévisée « Starsky et Hutch ». Elle avait rencontré Roman Polanski dans une boîte de nuit.

2 Sa déposition de l’époque – en fait l’interrogatoire par le procureur en audience publique – est lisible (en anglais) sur http://www.thesmokinggun.com/archive/polanskia1.html

3 Il y a bien eu au civil un accord entre les deux parties : le montant de la somme versée par le cinéaste n’a jamais été publié.

4 On pourrait ajouter la condamnation posthume de Lewis Carroll et Gide et l’autodafé des peintures de Balthus http://deblog-notes.over-blog.com/article-20846495.html

Repost0
17 juillet 2009 5 17 /07 /juillet /2009 17:57

Plus qu'un commentaire sur "Maroc : impressions" c'est un tout autre "point de vue" sur la question de la burqa que propose cette contribution qu'envoie Gilbert Dubant, journaliste francilien et neanmoins ami.



Je suis un lecteur régulier du « deblog.notes » d’un ami dont les initiales sont JFL. Un papier en date du samedi 11 juillet 2009 m’a laissé perplexe et je n’aime pas que les autres s’assoupissent quand je me pose des questions.

Notre ami Jean-François croise sur la déviation poids lourds d’Azrou un copain du mollah Omar et un tas de chiffons ambulant qui le suit à trois mètres. Ému, il prend un chemin de traverse et tombe sur la sortie du lycée (attention, pas de grand pardessus !) où de gentilles adolescentes gazouillent tête nue ou coiffées de la classique « fouta ». Et de conclure que les « xénophobes attardés » qui salissent la liberté de conscience, marocaine ou française, dans des « torchons virtuels » sont stupides et dangereux. Jean-François a raison les concernant, mais il se laisse aller un peu vite dans ses « Impressions du Maroc » en considérant les barbus comme quantité négligeable et présentant, couverture à l’appui, la révolution sexuelle révélée par le très urbain Tel Quel comme un phénomène sociétal. Cet intéressant magazine reflète autant la campagne marocaine que le Marais parisien mesure le Berry profond (histoire de ne pas mécontenter les Vendéens).

 

Prudence aussi sur la laïcité du mouvement « Amazigh ». Des écrivains comme Abdelhak Serhane1 sont considérés en Europe, et à juste titre, comme des auteurs importants. Son livre « Les Enfants des rues étroites », qui se passe à Azrou, est un réquisitoire glaçant contre une société où la pédophilie et la servilité sont les enfants d’une dévotion à l’Amir-al-Mouminin et d’une bigoterie affichée. Le laïc et regretté Driss Chraïbi2 était un Arabe de la côte, la dernière race après le crapaud juif pour les Imazighen3 bon teint. Le protectorat avait commis la même erreur en 1930 avec le « Dahir berbère4 », qui a d’ailleurs donné naissance au Collège du même nom4, alias Lycée Tarik Ibn Zyad.

 

Cela dit, la France, et les coopérants de l’AAA au premier rang, ont laissé plus de traces humanistes, voire de nostalgie, au Maroc qu’en Arabie Saoudite. Comme en témoigne l’accueil reçu par lesdits AAA lors de leurs visites, ces traces demeurent. Mais le débat sur le  vêtement, très à la mode en France depuis les burqas de Vénissieux, n’a pas de relation mécanique avec la culture, la tolérance et la croyance au Maroc. La tradition, mot aimable pour passéisme, a de beaux restes. Il y a quarante ans, la djellaba, le « cache-misère », était omniprésente au Maroc chez les hommes et les femmes, et, pour ces dernières, le litham (voile fin pour le visage) voisinait avec des yeux très fardés. En même temps, et JFL le note, les profs françaises et quelques musulmanettes folles de leur corps portaient des minijupes, ce qui devait provoquer la surdité chez quelques mâles locaux du fait de pratiques manuelles, sur lesquelles le Coran est d’ailleurs muet.  La passion développée aujourd’hui dans l’hexagone sur le voile intégral (niqab, burqa, haïk, etc) est très franco-française, parce que fondée selon moi sur une analyse erronée du phénomène.

 

Le Maroc connaît évidemment mieux l’Islam que la France, musulmans français inclus. N’importe quel chrétien éduqué rigolerait en écoutant un type expliquer qu’il s’habille d’une réplique du (faux) Saint Suaire de Turin parce qu’il aime Jésus et son créateur. Le voile intégral vient principalement de tribus afghanes pachtounes et de quelques sectes qui n’existent pas au Maghreb, sauf peut-être au Mzab algérien et dans les fantasmes des tueurs du GSPC5.

Cela, les Marocains le savent, mais la plupart des Français, y compris ceux d’origine maghrébine à partir de la troisième génération, l’ignorent. Pour ces derniers, la langue arabe est au mieux le reste d’un langage familial révolu et la connaissance du Coran se limite souvent à la fatiha et à quelques pratiques comme le Ramadan et l’Aïd-el-Kebir. Le reste est un reliquaire de traditions méditerranéennes (rôle des femmes, de la virginité, mariage arrangé, relations claniques, etc) et de légendes à maquillage religieux, mais la laïcité quotidienne marque des points forts quoique silencieux. La fréquentation des mosquées, au moins en région parisienne, n’est pas à la hauteur des quatre millions de fidèles que revendiquent les organisations du CFCM [Conseil Français du Culte Musulman]. Les unions ou mariages mixtes se développent, avec l’assentiment plus ou moins sincère des familles, et la conversion du Nizrani (avec circoncision certifiée) ou de la Nizrania est de plus en plus facultative.

 

Dès lors, il est relativement facile de prendre appui sur une religion méconnue et/ou négligée pour atteindre des objectifs politiques ou criminels (ou les deux ensemble). Un exemple francilien : dans les années 80-90, au moment du FIS-GIA5 algérien, des groupes soi-disant religieux ont pris contact avec des municipalités, surtout dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine, en leur proposant un deal. Pour éradiquer la violence liée au trafic de drogue, que le Coran interdit d’après eux (les Haschischin­6 étaient donc des apostats), ces groupes assuraient la paix dans les quartiers, en échange d’une absence policière. Là où l’affaire s’est conclue, les conséquences ont été doubles. Les petits dealers ont été physiquement liquidés, un calme relatif a prévalu et le trafic de drogue, de pièces détachées, d’armes, la prostitution, ont été récupérés dans la discrétion par les vrais-faux barbus, qui les ont d’ailleurs exportés vers les villes qui n’avaient pas dealé avec eux. En même temps, les cités concernées ont été mises au pas, en particulier pour les vêtements des jeunes filles et des femmes, priées d’aller se rhabiller sous peine de mauvaise réputation ou pire (voir l’affaire Sohane de Vitry-sur-Seine7, qui a lancé Fadela Amara).

 

J’habite depuis 15 ans dans un quartier d’Évry, en Essonne, ville-préfecture surgie dans les années 70 au milieu des vergers et des champs de betteraves. Ce quartier d’environ 7000 habitants se nomme les Aunettes, mélange d’immeubles R+4 ou 5 et de pavillons mitoyens, façon HLM à l’horizontale. Depuis 1995, j’ai noté plusieurs modifications importantes, au moins à mes yeux.

D’abord une raréfaction de la population blanche, d’où sans doute la récente et fine remarque du maire Manuel Valls sur « le manque de Whites, de Blancos… ». Les nouveaux arrivants viennent de partout, mais Pakistanais, Sri-Lankais et Africains subsahariens sont numériquement dominants, alors que les Maghrébins sont en recul. Les minorités domiennes et extrême-orientales demeurent solidement implantées. J’ajoute que les incidents ou les bagarres sont rares et que le phénomène de bandes ethniques est inconnu aux Aunettes (il existe dans d’autres quartiers).

Le changement de vêture des femmes est sensible. En quinze ans, le port du voile a été multiplié au moins par cinq, même si les statistiques sont évidemment absentes. Mais il faut s’entendre sur ce qu’est ce voile. Il va du châle fluide accompagnant le vêtement pakistanais au tissu serrant  recouvrant le front, les cheveux et les épaules des Maghrébines, en passant par d’amples serviettes multicolores et multinationales, le tout voisinant avec des jeans ou des pantalons de survêtement recouverts de manteaux européens ou de caftans matelassés. La burqa proprement dite est aujourd’hui absente, même si certaines Africaines à peau très foncée (Nigérianes ?) portent un voile noir quasi-intégral ne laissant voir qu’un œil et sa périphérie. Mais ce vêtement est rarissime (une petite dizaine dans le quartier). Sauf pour certains Pakistanais, le vêtement des hommes est européen même si l’intérieur de leurs voitures est surchargé de symboles islamiques.

La seule explication de ce changement du vêtement des femmes m’a été donnée par une voisine et amie marocaine, Touria, qui portait un voile assez discret laissant le visage découvert. « C’est pour avoir la paix », m’a-t-elle dit, sans préciser d’ailleurs qui voulait l’embêter. Elle est partie habiter un pavillon en Seine-et-Marne avec son mari Mohamed, grand amateur de whisky qui trouvait « qu’il y avait beaucoup d’étrangers dans le quartier, et qui ne parlent même pas français ».

 

D’où viendraient alors les pressions qui transformeraient les femmes en porte-foulards ? D’une sorte de « buzz des cités » où les filles non voilées seraient des putes insoumises ? Il existe, et pas seulement chez les jeunes Maghrébins. L’affaire Youssouf Fofana et Cie a montré que la bêtise et la méchanceté n’ont pas de frontière ethnique ou religieuse, ni d’ailleurs territoriale. Même si les réflexions à haute voix des garçons en groupe dans la plupart des cités d’Ile-de-France sont vulgaires et machistes, la banlieue n’a pas le monopole de la grossièreté violente (la guerre des bandes à Belleville est éloquente). Mais ces manières d’abrutis ne peuvent pas expliquer l’effroi médiatique devant un supposé « syndrome de la burqa ».

 

La théorie du complot fait toujours ricaner les esprits anti-parano. De l’avis de spécialistes français et arabes des religions, comme Caroline Fourest, Abdennour Bidar ou Frédéric Lenoir, l’arrivée de quelques dizaines de niqab à Vénissieux ou ailleurs ne peut s’expliquer par un tsunami salafiste téléguidé par Ben Laden. Cela ressemble à un test lancé par des groupuscules activistes, comme l’affaire du foulard il y a cinq ans. Les réseaux islamistes existent, actifs en région lyonnaise, marseillaise, lilloise et dans la banlieue Nord-Est de Paris. Ils sont minoritaires et ont un passe-temps récurrent : provoquer les institutions d’un pays dont ils méprisent les valeurs et les mœurs, et qui s’inspire de la formule d’un leader du FIS5 algérien, Abbassi Madani,  dans les années 80 : « Nous prendrons le pouvoir grâce à vos principes et nous le garderons grâce aux nôtres ». Ils lancent des ballons-sondes, évaluent les réactions et mesurent la marge de manœuvre ouverte ou restante.

 

Ce serait à mon avis faire beaucoup d’honneur à ces provocateurs que de crier au loup (ou au chacal) et demander qu’on légifère. Quant à savoir si les femmes-chiffons sont ou non volontaires, bonne chance pour le débat. Comme pendant la discussion sur le foulard, certaines viendront dire à la télévision qu’elles sont fières d’assumer publiquement leur foi, les autres feront ce que disent les familles (mères comprises) et les maris. Les nouvelles converties « gauloises » sont un cas à part. Les quelques interviews réalisées montrent que leur prosélytisme est inversement proportionnel à leur connaissance de l’Islam.

 

La meilleure solution, selon moi, est de leur faire ressentir l’inconfort pratique de leur tenue. Impossible de conduire une voiture, de chercher un enfant à l’école, de payer par chèque, obligation de se dévoiler sur son lieu de travail, en cas de contrôle ou de demande de pièce d’identité, etc. Dans ce cas, à quoi bon sortir dans l’espace public sauf pour suivre son ayatollah personnel trois mètres derrière ? Le niqab doit exclure de facto de la vie publique toutes celles et ceux qui caricaturent la France, « pays des libertés » sauf pour les sans-papiers, en essayant d’ériger en liberté de conscience  l’esclavage de la femme. Inutile encore de légiférer. La loi Taubira, qui définit l’esclavage, même moderne, et son apologie, comme « crime contre l’humanité », devrait pouvoir aider. Quant au reste, le mépris est une arme redoutable. Pour finir, un peu d’éclairage laïc sur l’histoire des religions, pendant toute la scolarité, honorerait l’Éducation Nationale et un gouvernement dirigé du haut du ciel élyséen par le chanoine honoraire de Saint-Jean-de-Latran.

 

Gilbert Dubant

 

1 - Abdelhak Serhane Écrivain et universitaire marocain, opposant virulent au régime d’Hassan II qui s’est récemment exilé au Canada.  A lire : Ce que j'attends de Mohammed VI

 

2 - Driss Chraïbi (15 juillet 1926 - 1er avril 2007) un des grands écrivains marocains de langue française (1926-2007). Il fut révélé par Passé simple (1954) le roman qui a fait entrer la littérature marocaine dans la modernité.

3 - Les Berbères ou Imazighen (Amazigh au singulier, la langue berbère : Tamazigh) sont un ensemble d'ethnies autochtones d'Afrique du Nord, leur alphabet était le Tifinagh, encore utilisé par les femmes Touareg

 

4 - Dahir berbère : http://www.mondeberbere.com/civilisation/histoire/dahir/encyclo.htm (voir aussi sur le Collège berbère d’Azrou http://azrou.anciens.free.fr/auteurs.htm avec un extrait de l’ouvrage de M. Benhlal : http://azrou.anciens.free.fr/benhlal.htm)  

 

5 - Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (الجماعة السلفية للدعوة والقتال, el-Jama'a es-Salafiyya li Da'wa wal Qital), ou GSPC, est une organisation islamique armée d'Algérie, Il a été fondé en 1998 en dissidence du Groupe islamique armé (GIA) lui-même en lutte avec le FIS (Front Islamique du Salut)

 

6 - Les haschischins, dissidence iranienne du mouvement des ismaéliens, sont la première secte qui, du Xe au XIIIe siècle, utilise une stratégie systématique de meurtres et de terreur à grande échelle. Son chef, Hasan Sabbah, s’empare en 1090 de la forteresse d’Alamout, le « nid d’aigles », située dans les montagnes du nord de l’Iran, et fonde un corps d’assassins fanatisés.

 

7 - Le 4 octobre 2002, une jeune fille de 17 ans, Sohane, meurt brulée vive dans un local à poubelle de la cité Balzac de Vitry-sur-Seine. L’auteur du meurtre, un jeune garçon de 19 ans, agit par « dépit amoureux ». Après plusieurs tentatives de reconquêtes vaines, ce dernier, qui n’acceptait pas que son ex petite amie lui résiste, l’immole après l’avoir aspergé d’essence. C’est à la suite de ce crime que fut créé, par Fadela Amara notamment, Ni putes, ni soumises.

Repost0
12 janvier 2008 6 12 /01 /janvier /2008 21:11

Après le "maître d'école" je laisse la place à Jean-Claude Guérin, sguénard (ex-secrétaire national du sgen-CFDT : respect), conseiller technique des  Secrétaires d'état à l'enseignement professionnel  Robert Chapuis et Jacques Guyard, IGEN, et plus que jamais  sur les pistes de l'innovation, véritable cheville ouvrière de l'expérimentation** dont Gaby Cohn-Bendit - l'aîné, à l'origine notamment du lycée expérimental de Saint-Nazaie - est l'animateur. Je lui laisse la place d'autant plus volontiers qu'il a l'art - que je lui envie - d'allier une plume incisive avec une pensée ouverte !


**http://www.cafepedagogique.net/searchcenter/Pages/Results.aspx?k=Cohn%20Bendit

Trois évènements récents viennent donner raison à Alain Finkielkraut… ou plus précisément au titre de son ouvrage paru en 1989. Oui une
défaite de la pensée !

 

Que de messages de confiance et d'espoir avons nous ainsi reçu pour l'avenir proche.

  • Résurrection de la gauche ?
  • Renaissance de la France ?
  • Régénération de la droite ?
  • Retour aux valeurs… républicaines ? Universelles ? Chrétiennes ?
  • Regain du toujours plus…  de travail, de gain, de pollution, d'ennui, de jeux de hasard.

Contre la pensée unique de mai 68 revenons au réel du métro, boulot, dodo… que l'on va baptiser politique de la vie.

Il devient insupportable d'entendre les grands mots servir de cache sexe ou de masque au vide de la pensée au mieux, d'alibi ou de paravent des politiques d'inégalité et d'exclusion au pire.

République, Démocratie, Etat de droit, Valeurs, Civilisation… n'en jetez plus, la corbeille (de la bourse) est pleine.

 

Pendant que certains se gargarisent de rénovation, d'alternative et d'autres de résistance… la vie réelle continue avec son cortège de précarité, de bas salaires, de stress, d'angoisses, de peurs.

Avant de parler alternative ou résistance ne serai-il pas temps de faire ce qui n'a pas été fait au temps de la gauche gouvernante (et plurielle) comme au temps de la droite restauratrice (et démagogique), c'est à dire anticiper et construire ?

 

Une gauche qui ne sait plus qui elle est et, surtout, au nom de quoi et de qui elle agit (ou devrait agir). Parce qu'elle s'est laissée déposséder de ses valeurs, qu'elle est tombée dans l'économisme le plus plat et qu'elle a déserté le terrain culturel.

Il y a plusieurs demeures dans la maison du père disait-on…

Oui Qu'est-ce que la famille de gauche ? Au temps des familles à géométries variables et de plus en plus recomposées (sans parler de procréation assistée…).

 

LA gauche n'existe pas, ce sont DES gauches (1) qui devraient s'accepter, se réunir, en fonction de valeurs communes qui sont simples: liberté, égalité, fraternité, justice (formelles et réelles – c'est ce et qui caractérise la gauche). Evidemment qu'il y a débat mais alors trouver le moyen de le mener publiquement et par l'argumentation. Et de le soumettre à l'ensemble des citoyens (tiens si on donnait un contenu effectif à la démocratie dite participative).

 

Parler valeurs c'est oser être à contre-courant et ne pas laisser ce terrain  à une droite décomplexée qui ose, elle, afficher clairement ses choix d'ordre, d'autorité, de méritocratie et d'inégalités "naturelles".

Dénoncer ne suffit pas, débattre et proposer est indispensable, créer et innover est vital et capital.

Cela donne les trois domaines dans et sur lesquels la gauche (les gauches) doivent se manifester:

  • dévoiler, dénoncer, analyser, critiquer la politique suivie et les annonces, y compris en réunissant des cercles d'experts et intellectuels
  • élaborer projets et programmes, en débattre publiquement
  • soutenir, participer aux initiatives de type coopératif, mutuelles, économie sociale solidaire, associations, etc.

 

Ce que fait Sarkozy aujourd'hui c'est de saper les fondements mêmes de la République, c'est à dire tout ce pourquoi depuis les Lumières, la période révolutionnaire, les XIX et  XXèmes siècles a été conquis progressivement au travers d'épreuves, de luttes : ce n'est pas aller en avant mais retour en arrière toute.

A quand revenir au travail des enfants ? En cette année 2008, 70ème anniversaire de l'abolition des bagnes d'enfants (les prédélinquants de l'époque) ce sera le retour de nouvelles formes d'enfermement. Quand revenir sur le Front populaire (les 40 heures et les congés payés) ? Quand rompre avec la vieille conquête du "la liberté opprime, la loi libère" dans le domaine social ?

Face au "jouir sans entraves" de 68 nous avons "exploiter sans entraves"… beau progrès

Derrière le Dallas sarkozien règne une hypocrisie

 

Mais on ne peut s'opposer à cet ordre social nouveau, et à forts relents régressifs,  qui s'instaure du travailler plus (pour qui?) au nom du passé ou en rappelant seulement les principes.

Et surtout pas en s'abritant derrière une défense des acquis par essence conservatrice et garante de privilèges injustes. Mais plutôt à situation nouvelle acquis nouveaux ! Le progrès ce n'est ni renier les 35 heures, ni les abolir mais les étendre à tous et diminuer la pénibilité du travail tout en créant les emplois nécessaires aux activités offertes durant le temps libéré. Une vraie politique de vie.

Il s'agit de tout repenser dans une dimension planétaire, en tenant compte des risques comme des possibilités de la science et de la technique, en comprenant que la vie est faite de mobilité et d'adaptation permanentes, que le combat pour une économie sociale fondée sur l'humain devient prioritaire et que la sécurité du travail pour chacun est à l'ordre du jour.

 

Politique de civilisation, laïcité positive, renaissance…

En dépit de la paupérisation intellectuelle de la majorité des médias, pas seulement des journalistes (qui confondent communication et information, communication et investigation, faits et opinions, communication et propagande, opinions et information), en dépit de l'amnésie systématique vis à vie du passé proche (la chasse à l'exclusivité, la petite phrase…) pourquoi ne pas avoir entendu dans les vœux du président ce qui était pourtant évident tant les mots ont du sens et sont connotés, surtout s'ils ne sont pas explicitement développés.

Comment se fait-il que sur trois termes les liens n'aient pas sauté aux yeux ?

A t-il fallu à nos informateurs, étonnés, d'abord chercher fébrilement ce que cela voulait dire en pianotant sur Google (et Wikipédia ?) pour inventer une explication ? Qu'ont-ils trouvé ?

  • Edgar Morin (en oubliant d'ailleurs Sami Naïr ?) pour la politique de civilisation ?
  • La Renaissance artistique et culturelle en Europe du XVè, sans parler des fameuses grandes découvertes… et leurs conséquences ?
  • Laïcité positive faisant référence aux racines chrétiennes de la France ?…

 

Mais est-ce vraiment à Edgar Morin, à la complexité, à la culture et à une morale chrétienne que se réfèrent notre guide et son confesseur ?

Derrière des mots attrapeurs c'est à la fois un détournement et une récupération (2) qui sont à l'œuvre et masquent les objectifs réels. Puisque Sarkozy, et ses conseillers, "bougent" tout le temps, sautent de séquences en séquences ne faut-il pas déceler la cohérence dissimulée sous les paillettes ou les déclarations ponctuelles ?

 

Si c'était d'Edgar Morin, cela se saurait et nous n'aurions pas eu les accointances tant avec le lepénisme qu'avec le capitalisme financier et le show biz.

Il suffit pourtant d'un peu de mémoire et de se rappeler un certain Bush et un nommé Huntington, celui qui inspire les néocons aux USA et dans le monde. Que dit-il ce brillant stratège dans son livre, paru en France en 1997, sur le "choc des civilisations" ?

 

Que la culture - et non la politique ou l’économie - allait dominer le monde. Et de dénombrer huit cultures : occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindoue, slave orthodoxe, latino-américaine et - peut-être - africaine (il n’était pas sûr que l’Afrique soit vraiment civilisée, tiens le discours de Dakar !).

Chaque culture incarne différents systèmes de valeurs symbolisés chacun par une religion, "sans doute la force centrale qui motive et mobilise les peuples". La principale ligne de fracture passe entre "l’Occident et le reste", car seul l’Ouest valorise "l’individualisme, le libéralisme, la Constitution, les droits humains, l’égalité, la liberté, le règne de la loi, la démocratie, les marchés libres". C’est pourquoi l’Ouest doit se préparer militairement à affronter les civilisations rivales, et notamment les deux plus dangereuses : l'islam et le confucianisme, qui, si elles devaient s’unir, menaceraient le devenir de la civilisation. Et de conclure "Le monde n’est pas un. Les civilisations unissent et divisent l’humanité...Le sang et la foi : voilà ce à quoi les gens s’identifient, ce pour quoi ils combattent et meurent".

 

 

Inutile de s'étendre sur le discours du chanoine le 20 décembre à saint Jean de Latran, la presse s'en est (un peu) fait l'écho (voir l'article de Christian Terras -Golias- Libé du 2 janvier). Mais comme pour la discrimination le terme "positif" accolé à laïcité est effectivement une rupture avec les principes de la République mais aussi avec l'humanisme issu des Lumières. A part l'étalage d'une culture prise dans les résumés hagiographiques de la vie des saints, cela ne prend-t-il pas tout son sens en relation avec la perspective d'union méditerranéenne et la politique de civilisation huntingtonienne. Allez donc lire ou écouter cette prose sur

www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&press_id=819&cat_id=7&lang=fr]

 

 

Certes tout le monde pense à la culture, en oubliant que la Renaissance amorce l'expansion des pays européens (conquêtes et hégémonie économique, politique et culturelle) et la diffusion de sa "civilisation"… par tous les moyens (esclavage, colonisation…). Mais si cela fait penser au Rinascimento italien précurseur, pourquoi oublier le Risorgimento du XIXè  (c'est à dire le redressement ou la résurrection!). Et le redressement passe par des normes, des critères, des repères inspirés par quoi ?

Mais, surtout, ce terme de renaissance signifie une nouvelle naissance, signe d'une rupture qui se dit en langage universel "born again" ! Pour quelqu'un qui affiche ostensiblement sa foi, qui a un comportement bonapartiste et qui admire Bush… n'est-ce pas là que se trouve sa référence. Etre le chef d'une nouvelle naissance d'une France à la mémoire atrophiée, à l'histoire réécrite, sans repentance; pourquoi pas faire le don de sa personne pour sauver ces âmes qui ne savent pas où se trouve leur bonheur (3).

 

 

Comme le dit si bien notre télévangéliste "tout se tient" et je ne voudrais pas oublier la grande prêtresse de l'économie,  sœur Lagarde Christine (4), à qui il arrive de dire tout haut le fond de la pensée sarkozoguainiste

« C’est une vieille habitude nationale : la France est un pays qui pense. Il n’y a guère une idéologie dont nous n’avons fait la théorie. Nous possédons dans nos bibliothèques de quoi discuter pour les siècles à venir. C’est pourquoi j’aimerais vous dire : assez pensé maintenant, retroussons nos manches. »

Tout se tient…oui ! Travailler plus pour penser moins et laisser faire ceux qui savent ce qui est bon pour le pays, donc pour vous !

Certes ce n'est pas "demain on rasera gratis" mais bien demain vous serez abrutis mais vous aurez star académie et télé réalité… vieille valeur qui donne tout son sens à la fameuse revalorisation du travail. Le travail rédempteur en quelque sorte… pour gagner le paradis de la consommation !

Et notre brave porte voix de proférer une digne "pensée" balladuro-raffarinienne qui devrait entrer dans les annales des concours aux grandes écoles: "Le travail engendre le travail. À l’intérieur de ce cercle vertueux, le pays tournera à plein régime. [...] Travailler plus, et vous multiplierez l’emploi. Dépensez plus, et vous participerez à la croissance. Gagnez plus, et vous augmenterez le pouvoir d’achat !"

 

Quel bel avenir, quel beau projet: travailler, gagner, dépenser… et Tf1, Disney land, ou des amis vous prêtant leur Falcon, leur propriété ou leur yacht.

Sans oublier la petite dose de compassion qui rafraîchit le cœur.

Belle renaissance "enrichissez-vous" disait Guizot… "suez plus" dit Sarkozy. Croissez et multipliez… la bonne nouvelle !

Gagnez votre pain à la sueur de votre front et vous irez au paradis de la croissance.

 

Croissance ? Vous avez dit croissance… et vous osez parler de civilisation !

Sans doute celle du jetable (les hommes comme les objets… ou les idées).

 

7 janvier 2008

 

1 - Pas plus que la droite (des droites), voir Rémond, Sirinelli, Touchard,Winock entre autres.

2 -Selon une "technique" mise en œuvre au moment de la référence à la lettre de Guy Môquet: détournement (sortie du contexte et compassion) et récupération (du mythe de la résistance comme du nom) comme avec les allusions concernant  Blum ou Jaurès.

3 -La conférence de presse du mardi 8 me semble confirmer cette approche d'une part par la mauvaise foi, les mensonges, le mépris et la hargne (vis à vis des journalistes qui osent poser des questions gênantes) et… l'amour du Blum de 1920 mais pas de 1936

4 -Surnommée, dans les milieux bien informés la grande sœur des riches pour la différencier des petits frères des pauvres, comme le Medef est différent de ATD quart monde ou d'Emmaüs

 

* Villon en exergue de p.p.c (Pour Prendre Congé) de Jean Bruller (Vercors) écrit en 1957

Repost0
7 janvier 2008 1 07 /01 /janvier /2008 21:32

Une première - mais il peut y en avoir d'autres -  je laisse la place pour cet article à un maître d'école haut-normand  qui s'adresse à notre chanoine-président.

 

 

 

latran.jpgSur le grand cahier des opinions comptabilisant les incompétences supposées des enseignants, le Président de la République vient d'ajouter d’un coup de plume peu angélique une nouvelle doléance valant le détour, même si comme tous les chemins celui-ci mène à Rome, et plus précisément... au Vatican !

 

Au départ, il y a, après sa rencontre avec le pape, l'intronisation officielle le 20 décembre de Nicolas Sarkozy comme chanoine du Latran, étonnante cérémonie au cours de laquelle le président français a passé au Kärcher les fondements de notre république, dans la droite ligne de son livre sur le sujet (« La République, les religions, l’espérance »). Après s'être comparé aux religieux : «nous avons au moins une chose en commun, c’est la vocation. On n’est pas prêtre à moitié on l’est dans toutes les dimensions de sa vie, croyez bien qu’on n’est pas Président de la République à moitié», le président a montré sa bonne connaissance du dossier : « Je sais aussi que la qualité de votre formation, la fidélité au sacrement, la lecture de la bible et de la prière vous permettent de surmonter ces épreuves».  Pire encore, parlant de la séparation des églises et de l'état, il a ajouté avec sa compassion sélective  habituelle : «je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905». Enfin, vint le coup de grâce évoqué en introduction : « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

 

Ah, c'est qu'on le connaît bien ce fonctionnaire grisâtre sans espérance, incapable de sacrifier sa vie et qui, à l'instar de "l'homme africain", jamais ne s’élance vers l’avenir, jamais ne sort de la répétition pour s’inventer un destin (discours de Dakar 26/7/07) ! Alors, pour une fois, inversons les rôles et, à grand renfort d’imagination, voyons ce qu'aurait dit un autre Nicolas Sarkozy, radical-socialiste celui-là, à un président qui mériterait franchement de se faire sonner les cloches :

 

"Dis donc toi qu'as fait ton droit, t'as pas bien compris ta leçon ou quoi ? Parce qu'entre c' que tu dis et c' que tu fais,  y a la place pour faire passer toute la grande parade d'Eurodisney et l' public qui va avec ! Y a personne qui t'a expliqué qu' d’puis plus d'un siècle  la République ne reconnaît, ne salarie ni n’ subventionne aucun culte ? Mais qu’est-ce qu’elle fout M’ame Chabot ? C'est quand même toi, l' garant des institutions, non ? Alors qu'est-ce qui t' prend d'amuser la racaille intégriste ? Arrête de fréquenter Bigard et son  "lâcher de salopes", oublie Clavier et ses imitations d' Jacouille, et file réviser l'article 1er d' la Constitution ! Tu verras qu' la République française est laïque, démocratique et sociale.

 

J't'explique. "Laïque", ça veut dire qu' malgré ton ambition débordante, tu dois pas convoiter la place du pape, c'est un péché. Et puis d’ toute façon, t'es nul en latin sans parler que côté séduction, ça t'obligerait à quelques abstinences contre nature. Tu dois aussi t’ rappeler qu’ la laïcité c’est la paix. Ensuite, "démocratique", ça signifie qu' tu peux pas tout commander tout seul tout le temps à tout l’monde. Normalement, toujours d'après cette foutue constitution, tu dois laisser ton Premier ministre ainsi qu' ses ministres gouverner un peu. Et puis, c’est pas toi qui fais les lois ! Quand l' peuple ("people" en anglais) refuse un traité de constitution européenne, c'est pas très démocratique de l'adopter quand même dans son dos.  « Démocratique », ça veut dire aussi que tu dois lutter contre les injustices au lieu de féliciter Poutine pour des élections truquées, de vendre des armes aux dictateurs et de mettre en prison les enfants des sans papiers. Attention, même ton nouvel ami, le Guide touristique Kadhafi, t'a grondé l'autre jour ! Pareil pour tes déclarations sur le caractère inné du suicide ou ton ministère de l’identité-nationale-et-des-tests-ADN.

 

Enfin, "sociale", c'est un peu plus compliqué à t'expliquer. Par exemple, quand t'étais hors-la-loi en refusant de construire dans ta commune les 20 % de logements pour les moins riches, t'étais pas très "social"... Pareil, quand t'as multiplié d'un seul coup d'un seul ton salaire par trois. Cherche bien, tu l'as fait d'autres fois avec ta nuit aux Champs-Élysées, ton yacht à Malte, tes vacances de milliardaire aux USA, tes avions privés et tout le tralala.  Même quand tu fais profiter tes amis de tes largesses en les emmenant au stade, au restaurant, chez l' pape ou en leur faisant cadeau d'un bouclier fiscal comme l'été dernier t'es toujours pas social. Crois-moi, tes CRS, c'est un autre bouclier qu'ils nous envoient quand on essaie de te l' dire. Faudrait qu’ t’en parle à Johnny, i’ t’ chantera tout ça. Enfin, arrête de nous sortir le grand « je » chaque fois qu' tu parles, on est dans la vraie vie terrestre nous, pas dans ton paradis de paillettes, gourmettes, Fouquet’s, jets et starlettes. Tu veux noter tes ministres à c'qu' i paraît mais toi, pour ton agression cléricale, c'est le conseil de discipline direct pour haute trahison !".

 

Plus sérieusement, l'instituteur de la République, attaché à la recherche de la vérité et non à la perpétuation des croyances, qui préfère les Hommes debout plutôt qu'à genou, qui refuse les fatalismes et autres déterminismes, n'en est pas moins laïque dans toutes les acceptions que couvre ce terme. Il est tolérant parce qu'il se souvient que dans les moments les plus dramatiques de notre histoire, des hommes et des femmes ont lutté côte à côte sans se poser la question de leurs croyances, sans chercher à  distinguer « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas » comme disait Aragon. Il sait, malgré des divergences profondes sur les motivations, que d'autres tentent de faire le bien autour d'eux. Et puis, il n'oublie pas que les grands criminels du XXème siècle, Hitler, Staline, Pol Pot ou Mao, n'ont pas eu besoin de l'opium du peuple pour expédier une partie de l'humanité dans leur enfer.

 

En tant que pédagogues, il faut aussi contester une vision des apprentissages qui prétend se faire par la délivrance de la bonne parole du haut de notre chaire. On n'apprend qu'avec le pouvoir de douter. Or la religion a la faiblesse des certitudes, émanant même de responsables prétendument incontestables et infaillibles. Voilà pourquoi cette vision est incompatible avec ce que le pédagogue met en place comme le tâtonnement expérimental ou la recherche documentaire. Il ne confond pas l’erreur et la faute, autorise l'expression, la communication, la création, l’accès direct aux connaissances, ne craint pas le débat et les initiatives. On s’amusera au passage en constatant que quelques autoproclamés « républicains » voudraient pourtant que l'on procède en classe comme à la messe, à coup de leçons ex cathedra où seule compterait la parole sacrée du maître ! 

 

Enfin, être laïque ce n'est pas comme on le dit trop souvent « respecter les religions » puisqu'on tue en leur nom et que la somme des interdits courant sur cette planète nous laisserait tout juste le droit de respirer, et encore, sur un pied et par le nez ! C'est au nom de dieu que l'on enferme, voile, torture, impose les mariages ou lapide. Au nom de dieu que l'on a freiné l'avancée de la science et de la médecine ou encore que l'on laisse parfois se propager le sida. Au nom de dieu, que l'on fait exploser un adolescent avec sa ceinture de dynamite ou que l'on explique de part et d'autre les attentats du 11 septembre, même si de toute évidence la religion sert parfois de prétexte pour asseoir d’autres pouvoirs. Mais être laïque, ce n'est  même pas « respecter les croyances », car jusqu'à preuve du contraire, elles ne sont fondées sur rien d'autre qu'un mélange de superstitions et d'explications antalgiques. Bien sûr, les légendes religieuses et leurs rituels ancestraux peuvent avoir un rôle apaisant dans les moments difficiles, mais marcher avec des béquilles s'avère dangereux quand on peut s'en passer. Non, dans sa pratique professionnelle, l’enseignant doit simplement respecter la sincérité des croyances, c'est-à-dire l'honnêteté intellectuelle de celui qui s'engage sur ces voies (voix ?) explicatives. Ni plus ni moins. C'est cette position ferme mais bienveillante qui permet de travailler avec toutes les familles auprès de tous les enfants (et avec tous les collègues !), pour l'acquisition d'un savoir qui encourage chacun à être totalement libre de ses choix intellectuels et spirituels, pour désirer une vie avec ou sans maîtres, avec ou sans dieux. Et ça, Monsieur le Président de la République, ni le pasteur ni le curé n'en seront jamais capables.

 

Sylvain Grandserre

Maître d’école (76)
sylvain.granserre@wanadoo.fr

Sylvain Grandserre est l’auteur d’Ecole : droit de réponses (voir http://education.devenir.free.fr/grandserre.htm)


 

Pour lire le discours du chanoine honoraire de Latran (un grand morceau d’anthologie) : http://www.elysee.fr/documents/index.php?lang=fr&mode=view&cat_id=7&press_id=819

 

Repost0

Présentation

  • : Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • Deblog Notes de J. F. LAUNAY
  • : Education, laïcité, politique et humeurs personnelles, en essayant de ne pas trop se prendre au sérieux.
  • Contact

Nota Bene

Le deblog-notes, même si les articles "politiques" dominent, essaie de ne pas s'y limiter, avec aussi le reflet de lectures (rubrique MLF tenue le plus souvent par MFL), des découvertes d'artistes ou dessinateurs le plus souvent érotiques, des contributions aux tonalités diverses,etc. Pour les articles que je rédige, ils donnent un point de vue : les commentaires sont les bienvenus, mais je me donne bien sûr le droit d'y répondre.

Recherche

Nelle Formule

Overblog - hébergeur du deblog-notes - a réussi l'exploit de lancer une nouvelle formule qui fait perdre des fonctions essentielles de la version précédente. Ainsi des liens vers des sites extérieurs disparaissent (désolé pour  Koppera, cabinet de curiosités, ..). Les albums se sont transformés en diaporamas, avec des cadrages coupeurs de têtes. La gestion des abonnés et des commentaires est aussi transparente que le patrimoine de Copé. Et toutes les fonctions de suivi du deblog-notes - statistiques notamment - sont appauvries.